Irlande - Amazonie : Le cadeau et le défi (3ème partie) - LCI Oct. 2019

L'Eglise reconnaît que les chrétiens ont droit aux sacrements

 

John O’Loughlin Kennedy

Irlande

Octobre 2019

 

Ce synode a le potentiel d'influencer de manière décisive la vie future de l'Église.

Son Instrumentum Laboris rouvre des questions qui avaient été oubliées ou mises de côté dans le passé et dont certaines étaient auparavant interdites à la discussion.

Il attire l'attention sur les liens exclusifs de l'ordination avec le célibat, le pouvoir, la formation au séminaire, l'engagement pour la vie et le ministère sacramentel des prêtres ; ils ont limité l'activité missionnaire dans un monde devenu complexe.

L’ordination des femmes n'est pas mentionnée directement, peut-être en raison de son statut de vérité pseudo-infaillible ; seule une interdiction spécifique pourrait l'empêcher d'apparaître lors de la discussion d’autres questions directement liées. La question de l’infaillibilité n’est pas à l’ordre du jour, mais son importance et sa sensibilité seront sous-jacentes à toutes les questions faisant l’objet d’une discussion libre et ouverte.

L'infaillibilité papale a été définie avec des critères qui ont limité son utilisation à une seule occasion en 150 ans, mais le titre même "d’infaillibles" a permis aux papes et à la curie de gouverner comme si toutes sortes de questions étaient indiscutables.

En conséquence, tout désaccord rendu public est maintenant considéré comme dangereux, quelle  que soit la trivialité de la question.

Des générations de catholiques romains ont été formées à l'idée que l'enseignement, les structures et la discipline actuels sont la mise en œuvre exacte du plan immuable de Dieu. On leur a appris que tout dans le catéchisme était certain. Si vous avez remis en question une certitude, vous êtes un hérétique, destiné à l'enfer.

Malgré le fait qu'au moins 50 points de doctrine aient changé au fil du temps, on entend encore ce leitmotiv : "La doctrine ne peut pas changer".

Les polémiques intempestives de certains commentateurs catholiques conservateurs reflètent leur crainte réelle et très compréhensible : si un principe romain s'effondre, le reste sera mis en danger. L'exagération de la portée de l'enseignement irréformable est un abus de l’infaillibilité. Sa mise ne cause sera sans aucun doute un choc pour ceux qui n’auront pas mesuré cette déviation.

L'Instrumentum Laboris suggère la volonté de faire face au besoin de changement et de réduire l’importance des traditions, lois et réglementations qui entravent la mission. Il insiste sur la primauté de la mission.

La mission de former des disciples impose un devoir missionnaire à la communauté chrétienne en général et à chaque chrétien en fonction de ses capacités et de ses possibilités.

Cela nécessite que les talents disponibles soient organisés et gérés de manière flexible en fonction de la situation rencontrée, l'objectif premier étant de servir la mission.

Le second mandat de la mission impose un devoir et un droit. "Faites ceci en mémoire de moi" a été dit lors du repas de la Pâque aux disciples, hommes et femmes, et pas seulement aux apôtres.

Cela est confirmé par la célébration de la Cène par les communautés chrétiennes bien avant l'arrivée des évêques ou des prêtres, et même avant la nomination des anciens et des diacres (Tt 1, 5 ; Ac 14, 22-23).

C’est avec l’introduction de ministres ordonnés que les laïcs ont été exclus de la célébration. Les « professionnels » n’apportaient que du « style » à la liturgie et leurs homélies ne faisaient que compléter ce que les gens apprenaient déjà les uns des autres dans la communauté.

Au fil du temps, cependant, les communautés sont devenues dépendantes des « professionnels » et, malheureusement, personne ne leur a rappelé que les instructions du Christ étaient simples et indépendantes de la présence d’un clergé.

Nous croyons que l'Eucharistie est la "source et le sommet" de la vie spirituelle et le lien qui unit les Eglises locales en une seule Eglise universelle. Pourtant, Rome a réglementé et accepté le manque d’eucharisties dans les diocèses missionnaires pendant des générations, voire des siècles.

Des missionnaires dévoués ont partagé la Bonne Nouvelle et converti des païens, mais leur ont laissé un accès insuffisant aux richesses spirituelles d'un christianisme sacramentel. Les évêques missionnaires, qui sont théoriquement responsables de prodiguer les sacrements, ne sont pas autorisés à dépasser cette contradiction.

En 1980, un père missionnaire augustin, le père Raymond Hickey, écrivit un livre qui attirait l’attention sur l’échec de la célébration de la messe dans les congrégations missionnaires.

Il a suggéré que les catéchistes enseignent à leurs communautés et président la célébration eucharistique dominicale. Il aurait peut-être cité Saint Jean Chrysostome, qui déclarait que l'administration des sacrements pouvait être confiée à des personnes relativement peu instruites, mais que la proclamation de la parole devait être limitée à un "clergé sage et éduqué".

R. Hickey a estimé qu'il y avait 54 000 catéchistes suffisamment formés pour enseigner et présider en Afrique seulement. Sa proposition aurait amené la messe dominicale régulière à plusieurs millions de catholiques.

Malgré les avantages évidents pour la mission "la plus sainte et la plus importante de l'Église", la section de la curie chargée du culte et des sacrements fit la sourde oreille. N'était-ce pas un manquement à la mission ? Pour la bureaucratie, c'était un pas trop important, nécessitant trop de changements sans gain réel.

Bien que cela ne pose aucun problème doctrinal, il aurait fallu déroger à plusieurs traditions ecclésiales bien établies, notamment le célibat, la longue formation au séminaire, les études de philosophie et de théologie thomistes, l'uniformité de la liturgie et la connaissance du latin.

Le soin des âmes dans les congrégations de mission ne méritait pas un traitement aussi exceptionnel. Chose étonnante à dire, la papauté put  trouver le moyen de faire des compromis sur ces mêmes questions quelques décennies plus tard, alors qu'elle souhaitait faciliter la tâche des congrégations anglicanes et de leurs ministres qui envisageaient de « franchir le Tibre » mais hésitaient à changer leurs traditions.

Si les traditions et les réglementations, y compris le droit canonique, peuvent être adaptées pour promouvoir la mission de l'Église auprès des anglicans, pourquoi pas chez les indigènes amazoniens ?

 

 

L'Eglise reconnaît que les chrétiens ont droit aux sacrements.

Si le synode poursuit la logique de l'Instrumentum Laboris, il pourrait recommander au pape que toute communauté de chrétiens dépourvue de prêtre ordonné soit encouragée à suivre les instructions du Christ en célébrant collectivement.

Elles ne devraient pas être empêchées de faire ce que Christ a commandé. Elles devraient dire et chanter ensemble les prières dans ce que l’on pourrait appeler une messe communautaire.

Des personnes appropriées pourraient être sélectionnés pour effectuer à tour de rôle les lectures bibliques, les homélies, la distribution de la communion, la présidence des assemblées et la gestion des affaires temporelles. L’appartenance à ce groupe restreint n’est pas forcément permanente ; on pourrait les appeler « anciens ».

De cette manière, la tradition d’autorité en rotation dans les cultures concernées serait respectée et l’introduction du cléricalisme évitée. De plus, les femmes et les personnes mariées se verraient confier un véritable ministère.

Une telle eucharistie serait-elle valable ? Bien sûr, elle le serait. Elle est plus proche de Jésus que de la messe moderne.

"Là où deux ou trois sont rassemblés en mon nom", Je suis au milieu d’eux. L’Eglise de Jésus est là dans les petites assemblées. De même, lorsqu’une communauté manque d'un ministre ordonné pour le sacrement des malades, le baptême ou la réconciliation, elle devrait faire ce que l'Eglise fait ordinairement et faire confiance à Jésus.

L'Instrumentum Laboris semble envisager de faire bouger les lignes dans cette direction pour les peuples autochtones d'Amazonie.

Ces changements pourraient s'étendre au monde entier. Impliquer les laïcs est un moyen de contourner le problème des vocations. Cela pourrait libérer une nouvelle énergie et initier une nouvelle ère de mission pour l'Église.

 

Les 4 parties de cet article : 

Amazonia the gift and the challenge 1ère partieAmazonia the gift and the challenge 1ère partie

Amazonia the gift and the challenge 2ème partieAmazonia the gift and the challenge 2ème partie

Amazonia the gift and the challenge 3ème partieAmazonia the gift and the challenge 3ème partie

Amazonia the gift and the challenge 4ème partieAmazonia the gift and the challenge 4ème partie

 

Amazonia: The gift and the challenge (Part III)

The Church recognizes that Christians have a right to the sacraments

John O’Loughlin Kennedy

Brazil

October, 2019

This is the third of a four-part series before the Synod of Bishops' Oct. 6-27 special assembly on the Pan-Amazonian region that will discuss the theme "New Paths for the Church and for an Integral Ecology."

This meeting of the Synod has the potential to be a powerful influence on the future life of the Church.

Its Instrumentum Laboris reopens questions that have either been overlooked or shelved in the past and some that were previously banned from discussion.

It draws attention to the exclusive pairing of ordination with celibacy, administration, seminary training, life commitment and sacramental ministry that has constrained missionary activity in a diverse world.

The lack of authority to ordain women is not mentioned directly, possibly because of its pseudo-infallible status, but only a specific ban can prevent it from arising in discussion of several directly related issues. Infallibility is not on the agenda but its extent and granularity will be the issue underlying all the issues in any free discussion.

Papal Infallibility was defined with conditions that have limited its use to one occasion in 150 years but the very title "infallible" has enabled popes and curia to govern as if all sorts of things are beyond question.

In consequence, any admission of error or public disagreement is now considered hazardous, irrespective of the triviality of the issue.

Generations of Roman Catholics have been schooled in the idea that current teaching, structures and discipline are an exact implementation of God's unchanging plan. They were taught that everything in the catechism was certain. If you questioned one item, you were a heretic, destined for hell.

Despite the fact that at least 50 doctrines have changed over time, one still hears the anxious cry of "doctrine cannot change."

The intemperate polemics of some conservative Catholic commentators reflect a genuine and very understandable fear that if one Roman tenet were to fall apart, it would endanger the rest.

The exaggeration of the scope and precision of "irreformable" teaching has been an abuse of infallibility. Its unmasking, whenever it comes, will undoubtedly be a shock to those who have not seen through it previously.

The Instrumentum Laboris suggests a readiness to face up to the need to change, or at least give a lower priority to any positions, traditions, laws and regulations that obstruct the foundational mandates. It insists on the primacy of the mandates.

The mandate to make disciples imposes a missionary duty on the Christian community in general and on every Christian according to his or her capacity and opportunities.

This requires available talent to be organized and managed flexibly in response to the situation encountered, with the primary objective of serving the mandates.

The second mandate imposes a duty and a right. "Do This in commemoration of me" was spoken at the Passover meal to Christ's disciples, both male and female, and not just to the apostles.

This is confirmed by the celebration of the Lord's Supper by Christian communities long before bishops or priests appeared and even before elders and overseers had been appointed (Titus 1:5, Acts 14:22,23).

Only with the introduction of ordained ministers were the laity excluded from celebrating. The professionals would have brought style and consistency to the liturgy and their homilies would have complemented what the people were already learning from one another in the Christian community.

In time, however, the communities became dependent on the professionals and unfortunately, there was nobody to remind them that Christ's instruction was basic and endured irrespective of clergy availability.

We believe that the Eucharist is the "source and summit" of spiritual life and the bond that links individual church communities into one universal church. Yet, Rome has regulated, and tolerated, the lack of the Eucharist in missionary dioceses for generations, if not centuries.

Dedicated missionaries have shared the good news and converted pagans, only to leave them with inadequate access to the spiritual riches of a sacramental Christianity.

Missionary bishops, who are theoretically responsible for the provision of the sacraments, are forbidden from doing anything constructive about this contradiction.

In 1980, an Augustinian missionary, Father Raymond Hickey, wrote a book that called attention to the failure to provide Mass for missionary congregations.

He suggested ordaining the mission catechists who normally teach their communities and who preside at Sunday prayers. He might have quoted St. John Chrysostom, who said that administration of the sacraments could be entrusted to the relatively uneducated but the proclamation of the word had to be restricted to "wise and educated clergy".

Fr. Hickey estimated that there were 54,000 trained catechists already educated enough to teach and lead in Africa alone. His proposal would have brought regular Sunday Mass to several million Catholics.

Despite the obvious benefits for its mission "the holiest and most important work of the Church", the section of the curia responsible for worship and the sacraments turned a deaf ear. Was this not a dereliction of duty? For the bureaucracy it was a bridge too far, requiring too many changes without any immediate gain.

Although it posed no doctrinal issues, it would have called for derogation of several established Church traditions, including celibacy, lengthy seminary formation, studies in Thomist philosophy and theology, uniformity in liturgy and familiarity with Latin.

The care of souls in mission congregations did not merit such exceptional treatment. Mirabile dictu, the papacy could find ways to compromise on exactly the same issues a few decades later when it wanted to facilitate Anglican congregations and their ministers who were considering 'crossing the Tiber' but were diffident about changing their traditions.

If traditions and regulations, including Canon Law, can be adapted to further the mission of the Church to Anglicans, why not to indigenous Amazonians?

The Church recognizes that Christians have a right to the sacraments.

If the Synod were to carry the logic of the Instrumentum Laboris forward they could recommend to the pope that any community of Christians that normally lacks an ordained priest should be encouraged to fulfil Christ's instruction by celebrating as a group.

They should not be barred from doing what Christ commanded. They should say or sing the prayers together in what could be called a Community Mass.

Several suitable volunteers could be selected to take turns doing bible readings, giving homilies, distributing Holy Communion, presiding and managing temporal affairs. Membership of this select group need not be permanent but they could be called 'elders.'

In this way the rotational tradition of authority in relevant cultures would be respected and the introduction of clericalism avoided. Moreover, women and married people would be given a real ministry without having to resolve the vexed questions of celibacy and of the limits on the authority of the Church to ordain.

Would such a Eucharist be valid? Of course, it would. It is closer to the two examples of Jesus than the modern Mass.

"Where two or three are gathered in my name," Jesus is there. His church is there in microcosm. By the same token, when the micro-church lacks an ordained minister for the sacrament of the sick, for baptism or reconciliation, it should do what the church does and trust in Jesus to effect what is symbolized.

The Instrumentum Laboris, seems to envisage something in this general direction for the indigenous peoples of Amazonia.

Its benefits could spread to the whole world. Harnessing the faithful is one way to circumvent the problem of vocations. It could release new energy and initiate a new era of mission for the Church.

Dr John O'Loughlin Kennedy is a retired economist and serial social entrepreneur. In 1968, he and his wife, Kay, founded the international relief and development organization Concern Worldwide, which now employs about 3,800 indigenous people on development work in 28 of the world's poorest countries

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Date de dernière mise à jour : 20/10/2019