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USA-Ce que le synode des Évêques signifie pour Vatican II... et Vatican III.-LCL 30 octobre 2019

Comment les synodes sous François deviennent un événement ecclésial impliquant toute l'Église ?

Massimo Faggioli

États-Unis

30 octobre 2019

 

Les liens entre François et le synode des Évêques résument l'idée de réforme dans le pontificat actuel. Le pape est convaincu que la réforme de l'Église commence par un changement de mentalité et non par des changements législatifs ou institutionnels. Ces derniers sont en fait assez simples. Mais ils doivent être précédés d'un changement intérieur et spirituel.

Les deux assemblées synodales sur le mariage et la famille (2014-2015) ont été un événement central de ce pontificat. Mais à part quelques ajustements mineurs introduits par François, ces deux rencontres se sont déroulées selon les règles et les protocoles synodaux établis par les papes précédents, de Paul VI à Benoît XVI.

Les premiers changements législatifs relatifs au synode des Évêques n'ont été apportés qu'en septembre 2018, lorsque François a publié Episcopalis Communio. Ce motu proprio est arrivé six mois après que la commission théologique internationale ait publié une importante étude sur la synodalité.

 

Le Pape François réaménage le synode des Évêques

Avant 2018, le pape avait déjà commencé à apporter des changements importants au synode.

Dans les pontificats précédents ces rassemblements étaient souvent des non-événements. On attendait des évêques qu'ils ratifient, sans véritable débat ou discussion, un ordre du jour et un résultat prédéterminés qui avaient été préparés par la Curie et l'establishment ecclésiastique.

François a transformé les assemblées synodales en vrais événements.

Ils ont été précédés par une sérieuse consultation des fidèles au niveau local.

Les réunions proprement dites du synode à Rome ont été marquées par une véritable liberté d'expression et les suites des sessions (la phase post-synodale) ont été marquées par des décisions papales qui entrent ensuite dans une phase d'accueil ecclésial.

Il existe un parallèle évident entre le concile Vatican II (1962-65) et la manière dont le Pape François utilise le synode des Évêques. C'est en partie parce que l'importance de chaque assemblée synodale - comme celle du concile - se trouve dans l'événement lui-même et pas seulement dans les documents. C'est aussi parce que le synode sous François est plus qu'un spectacle ecclésiastique : c’est un événement ecclésial impliquant toute l'Église.

Vatican II était différent des conciles précédents parce qu'il donnait aux participants un plus grand espace et un rôle plus large. C'est ce que l'historien de l'Église français Yves Chiron a appelé la croissance du "péri-concile".

De même, sous François, les Synodes ont vu croître le "péri-synode".

Toutes les voix et influences jouent un rôle essentiel dans la préparation, la tenue et la réception de chaque assemblée comme jamais auparavant. Ce n'est pas seulement dû à un rôle plus important de la presse mais aussi aux différentes voix qui composent l'Église.

Aujourd'hui, la dimension péri-synodale de l'Église est plus large et plus pertinente.

C'est en partie à cause de la mondialisation de l'Église. Mais c'est aussi dû à la crise du système clérical et au rôle croissant des femmes dans l’Eglise.

 

Prochaine étape : d'une assemblée d'évêques à une assemblée incluant tout le peuple de Dieu

D'autres réformes devront être mises en œuvre pour que le synode des Évêques devienne un instrument de synodalité ecclésiale.

Tout d'abord, il faut modifier la composition et les droits de vote du Synode. Il ne peut pas rester uniquement masculin et cléricale. Cela pourrait aussi nécessiter un changement de nom de l'institution elle-même, pour refléter le fait qu'elle n'est plus seulement un synode d'évêques.

Cela ouvre une question qui est restée à l'arrière-plan au cours des dernières décennies et qui est un véritable tabou parmi les érudits et les pasteurs catholiques. Dans une Église où le synode joue un rôle si important, quelle est la place d'un concile général ?

D'une certaine manière, nous vivons déjà le prochain concile, étant donné le caractère universel des questions que les différentes assemblées synodales ont débattues depuis 2014 et les décisions que le pape a prises à leur sujet.

Mais la convocation d'un concile général reste l'éléphant dans le magasin de porcelaine. Cela est dû en grande partie à la mémoire du précédent car les assemblées synodales de ce pontificat continuent d'éclairer et de recadrer la manière dont nous parlons de Vatican II et de la possibilité de tenir un futur concile.

 

Est-ce l'heure de Vatican III ?

D'une part, ceux qui s'opposent à l'idée d'un Vatican III soutiennent de manière assez convaincante qu'un autre concile est prématuré car l'Église digère encore les enseignements de Vatican II.

Mais est-ce si vrai ? L'Église travaille-t-elle encore à la mise en œuvre des enseignements du dernier concile ? Dans certaines régions du monde, la situation a progressé au-delà de ce que Vatican II avait imaginé. Mais les enseignements conciliaires ne sont pas à la hauteur des besoins de l'Église en termes de changement de la discipline ecclésiastique.

Cependant, dans d'autres régions du monde, les néo-traditionalistes (comme ceux des États-Unis ou de la Grande-Bretagne) mènent un combat de rejet pur et simple des enseignements de Vatican II, qu'ils considèrent trop modernes pour être catholiques.

Le revers de la médaille, ce sont les progressistes radicaux qui rejettent le concile comme étant trop catholique pour être moderne.

Une chose est certaine, c'est que les assemblées synodales sous François ont mis en lumière la situation d’accueil du concile Vatican II.

 

Le passage de la conciliarité à la synodalité

Les attentes d'un nouveau concile général de l'Église catholique ont été recadrées par l'émergence de la synodalité.

Cela découle non seulement du synode des évêques à Rome, mais aussi d'initiatives régionales telles que le Conseil plénier 2020-2021 en Australie ou le processus synodal qui est prévu en Allemagne.

Les trois conciles les plus récents - Trente, Vatican I et Vatican II - sont des exceptions dans l'histoire de l'Église parce qu'ils furent des événements de conciliarité (le pape et les évêques) qui ont eu lieu dans une Église qui était devenue ouvertement hostile à la synodalité.

Le concile de Trente (1545-1563) a demandé la convocation de synodes provinciaux tous les trois ans et de synodes diocésains tous les ans, mais cela ne s'est jamais produit.

Vatican Ier (1869-1870) a élevé le rang de la papauté romaine avec les définitions de la primauté et de l'infaillibilité papales.

Vatican II (1962-1965) s'est abstenu de toute déclaration obligatoire sur la fréquence des conciles et des synodes.

Ces trois conciles sont des événements qui ont créé une Église cléricale, papale et épiscopale qui dépend uniquement des évêques, dont surtout de celui de Rome, malgré ce que dit la théologie catholique du laïcat.

Qu'est-ce que cela signifie pour la conciliarité ?

 

Un nouveau chapitre dans l'histoire de la gouvernance de l'Église

Un concile général a-t-il un avenir dans une Église catholique mondiale qui compte plus de cinq mille évêques, presque le double de l’époque de Vatican II ?

Y aura-t-il un troisième concile du Vatican à Rome ? Ou peut-être un Manille I, un Nairobi I ou un Bogota I ?

Si le retour de François vers la synodalité réussit, ce pourrait être le début d'un nouveau chapitre de l'histoire de la gouvernance ecclésiale.

Au cours des cinq derniers siècles, la conciliarité était essentiellement anti-synodale pour contrer la tenue de synodes locaux. Aujourd’hui la synodalité remodèle la manière dont l'Église conçoit la conciliarité.

Cela signifie rouvrir l'interprétation de Vatican II et le rôle des conciles dans l'avenir de l'Église.

Et cela pourrait conduire à reconcevoir la manière dont le catholicisme se gouverne lui-même.

 

What the Synod of Bishops means for Vatican II… and Vatican III'

Massimo Faggioli shows how the Synod under Francis is becoming an ecclesial event involving the whole Church

Massimo Faggioli

United States

October 30, 2019

The relationship between Pope Francis and the Synod of Bishops sums up the idea of reform in the current pontificate.

The pope is convinced that Church reform begins with a change of mentality, not with legislative or institutional changes. The latter are actually quite simple. But they must be preceded by inner, spiritual change.

The two Synod assemblies on marriage and the family (2014-2015) were a pivotal event in this pontificate.

But besides a few minor adjustments introduced by Francis, these two gatherings unfolded according to Synod rules and protocols that were established by previous popes – from Paul VI to Benedict XVI.

The first legislative changes to the Synod of Bishops were not made until September 2018 when Francis issued Episcopalis Communio. This "motu proprio" came six months after the International Theological Commission issued an important study on synodality.

Pope Francis re-vamps the Synod of Bishops

But even before 2018, the pope had already begun making significant changes to the Synod.

In previous pontificates these gatherings were often "non-events."

The bishops were expected to ratify – without any real debate or discussion – an agenda and predetermined outcome that was prepared by the Roman Curia and the ecclesiastical establishment.

By contrast, Francis has turned the Synod assemblies into real events.

They have been prefaced by a serious consultation of the faithful at the local level.

The actual Synod gatherings (celebratory phase) in Rome have featured genuine freedom of expression. And the aftermath of these sessions (post-synodal phase) have been marked by papal decisions about the conclusions the Synod has reached, which then enter a phase of ecclesial reception.

There is an obvious parallel between the Second Vatican Council (1962-65) and the way Pope Francis has utilized the Synod of Bishops.

This is partly because the importance of each Synod assembly – like the Council – is found in the event itself, and not just the documents.

But it's also because the Synod under Francis is more than ecclesiastical show.

Rather, it has become an ecclesial event involving the whole Church.

Vatican II was different from previous councils because gave a wider ecclesial space and role to the participants. It was what the French Church historian Yves Chiron has called the growth of the "peri-council."

In a similar way, under Francis the Synods have seen the growth of the "peri-synod."

All voices and influences play an essential part of each assembly's preparation, celebration and reception in ways as never before.

It is not just the bigger role of the press, but also of the different voices that make up the Church.

Now the peri-synodal dimension of the Church is bigger and more relevant.

This is partly because of the globalization of the Church. But it is also due to the crisis of the clerical system and the growing role of women.

Next step: From an assembly of bishops to one including the entire People of God

More reforms will have to be implemented for the Synod of Bishops to become an instrument of ecclesial synodality.

First of all, there must be modifications to the Synod's membership and voting rights. It cannot remain male and clergy only.

This might also require a change in the name of the institution itself, to reflect that it is no longer a Synod of bishops only.

This opens a question that has remained in the background the last few decades and has been a real taboo among Catholic scholars and pastors. In a Church where the Synod plays such a key role, what is the place of a general council?

In some sense, we are already experiencing the next council, given the universal nature of the issues that the various Synod assemblies have discussed since 2014 and the decisions the pope has made regarding them.

But the actual convocation of a general council is still the elephant in the room. This is largely due to the memory of the previous council.

The Synod assemblies in this pontificate continue to cast a light and reframe the way we talk about Vatican II and the possibility of holding a future council.

Is it time for Vatican III?

On the one hand, those who oppose the idea of a "Vatican III" argue somewhat convincingly that another council is premature for the Church is still "digesting" the teachings of Vatican II.

But is that true? Is the Church still working at implementing the teachings of the last council?

In some areas of the world, the situation has advanced beyond what Vatican II imagined. Conciliar teachings fall short compared to the need of the Church in terms of change in ecclesiastical discipline.

However, in other areas of the world, neo-traditionalists (such as those in the United States or Great Britain) are leading a movement of outright rejection of Vatican II's teachings, which they consider too modern to be Catholic.

The flipside to that are the radical progressives that dismiss the council as too Catholic to be modern.

One thing for sure is that the Synod assemblies under Francis have cast a light on the state of the Second Vatican Council's reception.

The shift from conciliarity to synodiality

On the other hand, expectations for a new "general council of the Catholic Church" have been reframed by the emergence of synodality.

And that stems not only from the international Synod of Bishops in Rome, but also from regional initiatives such as the 2020-2021 plenary council in Australia or the synodal process that is being planned in Germany.

The three most recent councils – Trent, Vatican I, and Vatican II – are exceptions in Church history because they were events of Church conciliarity (the pope together with the bishops) that took place in a Church that had grown openly hostile towards ecclesial synodality.

The council of Trent (1545-1563) mandated the calling of provincial synods every three years and diocesan synods every year, but this never happened.

Vatican I (1869-1870) elevated the Roman papacy with the definitions of papal primacy and infallibility.

Vatican II (1962-1965) stayed away from any mandatory statements on the frequency of local councils and synods.

These three epoch-making councils must also be seen as events that created a more clerical, papalist and episcopalist Church that depends solely on the bishops and, especially the one in Rome, despite what Catholic theology of the laity says.

And what does that mean for the prospects of conciliarity?

A new chapter in the history of Church governance

Does a general council have a future in a global Catholic Church that has more than five thousand bishops, almost twice the number of those at Vatican II?

Will there be a Third Vatican Council in Rome? Or perhaps a Manila I, a Nairobi I or Bogotá I?

If Francis' re-turn towards synodality succeeds, it could be the beginning of a new chapter in the history of Church governance.

In the last five centuries, conciliarity was essentially anti-synodal in order to prevent local or national synods from taking place. But now synodality is reshaping the way the Church conceives conciliarity.

This means reopening the interpretation of Vatican II and the role of councils in the future of the Church. And this could lead to re-conceiving the way Catholicism governs itself.

 

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