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Daniel Moulinet - L'expérience de l'Action Catholique - 16 mai 2019

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Daniel MOULINET

Conférence donnée à la CCB-Lyon dans le cadre du cucle « apostolat des laïcs » - 16 mai 2019

 

L’EXPÉRIENCE DE L’ACTION CATHOLIQUE

 

 

On ne peut pas dissocier l’histoire de l’Action catholique de celle de l’apostolat des laïcs ; elle en est l’une des formes les plus structurées et, à une certaine époque, elle a donné l’impression d’en représenter, en quelque sorte, la structure englobante. Aujourd’hui, alors qu’au moment du concile Vatican II, elle tenait une très grande place dans les perspectives épiscopales, au point que certains évêques l’appelaient « la prunelle de leurs yeux », elle est complètement ignorée des jeunes générations de laïcs et de clercs catholiques.

Incapables de prétendre en retracer l’histoire complète, nous nous contenterons de visiter des moments forts de cette histoire pour essayer d’en dégager quelques-unes des intuitions fondamentales qui l’ont animée.

 

I. L’apostolat des laïcs au XIXe siècle

 

1. Aux origines de l’apostolat des laïcs

 

Alors qu’on pourrait être tenté de situer cette histoire uniquement au XXe siècle, il nous faut remonter nettement plus haut pour retracer les origines de l’apostolat des laïcs. Il est pourtant difficile de lui assigner un commencement. Faudrait-il remonter à certaines confréries médiévales ou à certaines autres d’époque moderne ? Peut-être. Prenons comme point de départ néanmoins les congrégations mariales issues des collèges jésuites, dont la fondation semble remonter à la fin du XVIe siècle. Leurs membres s’entretiennent dans la piété : messe quotidienne et communion hebdomadaire en particulier. Elles possèdent une double direction, un père directeur qui est choisi par les supérieurs, mais aussi un préfet, qui est élu par la congrégation. Il s’agit d’un laïc, qui a un rôle essentiel, comme organisateur mais aussi comme modèle :

 

Non seulement il est le chef et en a tous les honneurs, non seulement il est le modèle sur lequel tous doivent se fixer, le surveillant qui connaît ses hommes, les visite quand ils sont malades et les reprend si besoin est, mais il est surtout celui qui dirige l’assemblée, dit les prières, entonne les cantiques, et lui donne aussi jusqu’à sa qualité spirituelle. C’est lui en effet qui choisit les confrères qui, pour la conférence, présentent en un quart d’heure seulement l’évangile ou l’épître du jour[1].

 

Au sein de ces congrégations, se constituent une élite, qu’on appelle, de manière quelque peu mystérieuse, les Aa. ». Les membres de ces groupes pratiquent l’apostolat : visite aux malades des hôpitaux ainsi qu’aux détenus, enseignement de la doctrine chrétienne. Ils se retrouvent régulièrement dans une maison où ils font leurs retraites. Durant la Révolution, ces groupes entrent, d’une certaine façon, en résistance et suppléent à l’absence du clergé, se chargeant notamment du catéchisme et des visites aux malades.

 

Sous le Premier empire, leur activité devient nettement politique. Au moment du conflit entre Napoléon Ier et Pie VII, une organisation très proche, l’Amitié chrétienne, fondée à Turin, en 1778-1780, pour agir par la diffusion de la bonne presse, crée une caisse de secours au profit du pape et diffuse clandestinement la bulle d’excommunication de l’empereur (Quem memoranda, 12 juin 1809), que celui-ci cherche à étouffer. Cela conduit à des mesures policières, arrestations et interdiction de toutes les associations religieuses, et notamment « tous les établissements connus sous le nom de congrégation de la Sainte Vierge ». Celles-ci ne peuvent plus avoir d’activités que clandestines et attendent la chute de l’Empire pour renaître au grand jour.

Sous la Restauration, Le jeune duc Mathieu de Montmorency est la figure marquante de la “congrégation de Paris”. Il préside la Société des bonnes études (1823) et la Société catholique des bons livres (1824) qui voit aussi le jour en province, à Grenoble et Bordeaux. On crée aussi une Association pour la défense de la religion catholique. On voit bien comment il s’agit de lutter contre l’influence de la philosophie des Lumières sur la société.  La nomination de Montmorency, en 1821, comme ministre des Affaires étrangères dans le ministère “ultra” du compte de Villèle met en lumière l’influence, réelle ou supposée, de la “congrégation”. Cela suscite une réaction des libéraux qui mène à la chute du ministère et à un renversement de politique concrétisé par les ordonnances Martignac du 16 juin 1828 dirigées contre les jésuites. Pour sauver les œuvres, l’archevêque de Paris, Mgr de Quelen nomme à leur tête plusieurs de ses vicaires généraux.

 

2. L’âge d’or des œuvres catholiques

 

De très nombreuses œuvres caritatives voient le jour dès les premières décennies du XIXe siècle, presque toutes fondées par des laïcs : la Maison de refuge des jeunes condamnés (1817), l’Apprentissage des orphelins, les Secours aux ouvriers malades (1827), l’Œuvre de la miséricorde (1801), l’œuvre des Prisonniers pour dettes, l’œuvre des Orphelines de la Révolution (1803), l’Œuvre de la marmite des pauvres (1801), les Maîtres d’école chrétiens, la Société des amis de l’enfance (1828), l’Institution des jeunes aveugles (restaurée en 1815) et diverses œuvres pour jeunes filles pauvres[2].

 

En 1833, c’est la fondation de la Société de Saint-Vincent-de-Paul. Aux origines, on trouve aussi la “congrégation”, dans la mesure où le père de son fondateur, Frédéric Ozanam, en est membre et que c’est dans la pension pour étudiants d’Emmanuel Bailly (1793-1861) , le creuset de sa fondation, qu’on trouve le siège de la Société des bonnes études, émanation de la Congrégation.

 

Il convient de se rappeler l’originalité du mode opératoire de la Société dès ses origines : visite aux familles, évocation de leur situation et de leurs besoins en réunion, admission des nouveaux sociétaires par présentation par un des membres et après examen de la candidature, adjonction de l’instruction religieuse à l’octroi des secours, prise en considération des problèmes posés par le chômage[3]. L’expansion de la Société est considérable. 1765 conférences sont agrégées entre 1833 et 1872, avec un coup d’arrêt donné par la circulaire Persigny (16 octobre 1861) qui, dans le contexte de la question romaine, cherche à affaiblir l’œuvre en rappelant que les conférences doivent solliciter une autorisation préfectorale et en dissolvant le Conseil général de la Société. Même si la dimension religieuse est importante dans l’apostolat de la Société, celle-ci, même au niveau paroissial, se refuse à passer sous la direction des curés[4].

 

Les dirigeants de la Société soulignent comment l’amour doit être vécu dans ses trois dimensions : amour de Dieu, amour des frères (unité au sein de la conférence), amour des pauvres. Celui-ci s’exprime d’abord dans la visite à domicile, qui ne va pas de soi, à cause de la répugnance que peut inspirer la vision des taudis et des usages qui poussent alors à recevoir les pauvres à la porte de chez soi.  L’impact de la Société ne peut être sous-estimé, dans la mesure où elle représente une sorte de propédeutique pour la quasi-totalité des laïcs catholiques qui prennent un engagement, dans les dernières décennies du siècle.

 

L’âge d’or de ce que l’on appelle “les œuvres catholiques” semble être les trente dernières années du XIXe siècle. Un organisme se met en place, à l’instar de ce qui existe dans d’autres pays d’Europe, pour coordonner cet ensemble : les Comités catholiques. Chaque année, ils tiennent un grand congrès national : les Assemblées des catholiques.

Malgré la présence de tel ou tel évêque comme président d’honneur, la direction effective de ces assemblées est exclusivement laïque, prise en main par des hommes d’œuvres issus des élites sociales et politiques (Charles Chesnelong, Émile Keller, Anatole de Caulaincourt, Charles Thellier de Poncheville, Charles de Nicolay). Les prêtres et religieux qui interviennent dans ces congrès le font au titre d’une œuvre déterminée. Les évêques, quant à eux, liés par le concordat, ne peuvent pas s’engager sur un terrain, celui des œuvres sociales, qui jouxte étroitement le domaine politique. Ils retrouveront leur liberté en 1905 et, reprenant alors la main, organiseront des congrès diocésains, dirigés par des “directeurs des œuvres”, qui sont toujours des prêtres, délégués directs des évêques.

 

L’éventail des œuvres est alors extrêmement large. Les œuvres de spiritualité s’inscrivent d’abord dans la ligne de la piété ultramontaine qui s’est implantée au cours du siècle et qui valorise l’eucharistie (adoration, communion plus fréquente et facilitée au plus grand nombre, congrès eucharistiques) et la visibilité du culte. Celle-ci est manifestée en premier lieu par l’expansion des pèlerinages, au niveau national, comme à Lourdes, ou au niveau local. Le développement des retraites spirituelles correspond au souci de former des laïcs chrétiens qui soient de solides militants. Mais d’autres œuvres sont suscitées par l’apparition d’une législation anticléricale qui pousse les laïcs engagés à se tourner vers des catégories de la population dont la foi apparaît fragile : les soldats et les enfants des écoles, ce qui va susciter l’émergence des messes et retraites des soldats d’une part, de la catéchèse de l’autre. Dans le même contexte, le combat pour le repos du dimanche va se déplacer de l’action législative, inefficace, vers une sorte de lobbying, avec la diffusion de listes de commerçants à favoriser car ils respectent le repos dominical.

 

Dans le domaine des œuvres de jeunesse, l’effort principal porte sur les écoles. L’action des laïcs catholiques est primordiale dans ce domaine. Si, dans le secteur des écoles primaires, ils n’ont pas toujours l’initiative, se bornant souvent à apporter leur concours au clergé, il n’en est pas de même pour l’enseignement supérieur. Ce sont eux qui, non sans l’impulsion de plusieurs religieux, effectuent les premières démarches auprès des évêques et financent les réalisations. Après 1904, interdisant tout enseignement aux congréganistes, leur effort tendra à sauver les écoles primaires catholiques en les dotant d’un personnel laïc. Tandis que les chefs d’établissement – prêtres séculiers et religieux – se retrouvent au sein de l’Alliance des maisons d’éducation chrétienne,  la Société générale d’éducation et d’enseignement se place sur le terrain juridique pour assurer la défense et la préservation de ces établissements. Au sein des patronages, doit se conjuguer l’action des clercs et des laïcs : ces derniers – souvent des notables – assurent l’encadrement et l’administration matérielle.

 

Les œuvres sociales et charitables, extrêmement dynamiques, donnent pourtant l’impression d’une très grande diversité. C’est un lieu où nous sommes témoins d’une mutation qui n’est pas toujours sensible aux yeux de ses acteurs. On y trouve tout aussi bien des œuvres d’assistance que des œuvres de patronage, mais aussi des structures plus neuves, visant à une réelle prise de responsabilité des ouvriers. Dans la première catégorie, nous pouvons ranger aussi bien l’Union des œuvres ouvrières catholiques, qui coordonne les patronages, et les Cercles catholiques d’ouvriers, créés par Albert de Mun sur le modèle des Gesellenvereine d’Adolf Kolping, mais qui ne parviendront pas à donner autant de capacités d’initiative aux ouvriers que leurs devanciers. Mais d’autres réalisations ont une allure plus moderne : les jardins ouvriers, les banques populaires[5], les caisses rurales fondées pour permettre aux paysans d’échapper à l’emprise des usuriers, mais surtout les syndicats. Suscités par la loi de 1884, ils prennent d’abord la forme de syndicats mixtes, réunissant patrons et ouvriers, forme la plus proche des corporations médiévales, avant de se constituer en syndicats ouvriers et syndicats patronaux[6]. Les syndicats agricoles, quant à eux, tiennent une certaine place dans leur milieu. Ils suscitent la fondation de coopératives d’achat et favorisent la diffusion des techniques nouvelles[7].

 

Le domaine de la défense religieuse et de la propagande est un champ presque neuf pour les œuvres catholiques. Elles l’investissent néanmoins fortement. Certains d’entre elles sont composées de juristes et d’hommes politiques[8]. D’autres sont davantage tournées vers la propagande, à l’encontre des publications irréligieuses (Association de Saint-François-de-Sales) et de la franc-maçonnerie, ou bien pour la promotion des idées catholiques, au moyen de la tenue de conférences. Mais, dans le domaine de la presse, s’opère une prise en compte de la modernité. Pour toucher le plus grand nombre, il faut réaliser des publications de masse, des tracts et des brochures[9], mais aussi un journal qui sorte du cercle restreint que touchait la génération précédente de journaux religieux (L’Univers de Veuillot). Le Pèlerin et La Croix vont atteindre ce but, créés, certes, par les religieux assomptionnistes, mais appuyés sur des comités locaux menés par des laïcs qui assurent leur large diffusion.

 

3. Quel statut pour l’engagement des laïcs dans l’Église au XIXe siècle ?

 

Au XIXe siècle, la figure du laïc militant représente une certaine nouveauté qui ne va pas de soi. On le voit bien par l’attitude de certains évêques qui proposent à ces hommes de devenir prêtres, comme pour Armand de Melun qui, n’ayant pas besoin de travailler pour vivre, se propose de prendre l’exercice de la charité comme seule activité. Dans ses Mémoires, il explique la motivation de son refus :

 

En vain, […] Mgr Affre, avec qui j’avais les relations les plus affectueuses et qui m’avait associé à beaucoup de ses œuvres, me fit-il solliciter d’être son vicaire général, d’entrer dans les ordres, en me promettant qu’il me dispenserait du séminaire ; je ne sais quel esprit d’indépendance ou plutôt la certitude que la vocation me manquait et que j’étais destiné à une autre mission m’écartait du sanctuaire.

 

Il me semblait que cette pensée qui s’était emparée de moi, le retour de la société moderne au christianisme, du peuple, de l’ouvrier, du pauvre, à l’Église, créait aux hommes de bonne volonté comme une fonction nouvelle, dont le but serait d’appeler les ignorants dans la maison de Dieu, de les conduire jusqu’au seuil, de les remettre dociles et convaincus entre les mains des ministres de la religion, que de notre temps cette fonction devait appartenir aux laïques, et qu’il me fallait prendre ma place dans cette avant-garde de l’armée de Dieu[10].

 

Au moment du combat pour la liberté de l’enseignement secondaire, sous la monarchie de juillet, en revanche, Mgr Parisis, évêque de Langres, prend nettement position en faveur de la création d’un laïcat catholique reconnu. Il lui semble en effet, que, comme l’indique Montalembert, c’est le terrain parlementaire que sera le lieu de la décision et qu’il ne convient aux évêques de descendre « dans l’arène politique ». Montalembert, justement, s’adressant à son beau-frère, Xavier de Mérode, jeune et brillant officier, qui lui annonce son intention d’entrer dans les ordres, lui écrit :

 

Je suis convaincu que vous feriez mille fois plus pour l’Église comme laïc que comme prêtre. C’est surtout de laïcs qu’elle a besoin aujourd’hui : ce sont surtout les laïcs qui peuvent déconcerter et confondre ses ennemis, précisément parce qu’ils n’ont pas l’air de défendre leur propre chose, dans ce siècle stupide, où, pour l’immense majorité des hommes éclairés, la religion n’est que l’affaire des prêtres, leur gagne-pain[11].

 

Léon XIII, voulant encourager les actions de défense religieuse, invite les laïcs catholiques à s’engager en politique[12]. Il leur demande de « professer ouvertement et avec courage la doctrine catholique, et à la propager autant que chacun peut le faire », bien qu’ils ne fassent pas partie de l’Église enseignante :

 

Toutes les fois que la nécessité l’exige, ceux-là peuvent aisément, non, certes, s’arroger la mission des docteurs, mais communiquer aux autres ce qu’ils ont eux-mêmes reçu, et être, pour ainsi dire, l’écho de l’enseignement des maîtres. […] Que chacun donc se souvienne qu’il peut et qu’il doit répandre la foi catholique par l’autorité de l’exemple, et la prêcher par la profession publique et constante des obligations qu’elle impose[13].

 

II. La première époque de l’Action catholique (1886-1945)

 

1. Les premiers mouvements d’Action catholique

 

Deux mouvements de jeunesse voient le jour à la fin du XIXe siècle, qui apparaissent comme recélant un élément de nouveauté : l’ACJF et le Sillon. Tous deux voient le jour à l’initiative de laïcs catholiques et tous deux se donnent une visée de conquête, qui rompt avec ce que l’on appelle alors “les œuvres de préservation”, comme l’étaient les patronages, surtout dans le contexte de lutte contre les valeurs de l’école laïque.

 

En 1885, Albert de Mun (1841-1914), militaire catholique qui s’est tourné vers l’action sociale et politique, est invité à prononcer une conférence à l’Université catholique de Fribourg, en Suisse, par les étudiants eux-mêmes. Il admire leur capacité à s’organiser et décide de lancer en France une association qui rassemblera les étudiants catholiques, dans l’optique de lutte contre les mesures anticléricales que prend le gouvernement de l’époque. Il s’associe pour cela avec le fils de l’un de ses amis, qui est étudiant et qui se nomme Robert de Roquefeuil. L’Association catholique de la jeunesse française se propose de « coopérer au rétablissement de l’ordre social chrétien » (statuts de 1886) et choisit pour devise : « Piété, étude, action. »

 

Dans les débuts, tournée vers les étudiants en droit et les anciens élèves des collèges jésuites, elle ne touche qu’une élite sociale, mais, par la suite, elle s’ouvre aux classes plus populaires et au milieu rural. En 1898, le congrès de Besançon, sous la direction d’Henri Reverdy et d’Henri Bazire, elle prend un tournant en prônant « l’apostolat du semblable par le semblable ». En quelques années, on passe de 100 groupes à 1100. Henri Bazire, président de 1899 à 1904, lance la formule : « Nous sommes sociaux parce que catholiques. » Après Jean Lerolle, également tourné vers l’action sociale, Pierre Gerlier, président de 1909 à 1913, met, quant à lui, l’accent sur la vie spirituelle.

 

Bien souvent, selon une formule de Marcel Prélot, dans les petites villes, ces groupes présentent la physionomie suivante : quelques étudiants, des employés, des artisans ébénistes, typographes, clercs de notaire. [L'aumônerie occupe une place importante, mais doit] laisser autonomie, initiative et responsabilité [au groupe][14].

 

En 1903, Bazire estime que l’A.C.J.F. doit former des catholiques militants alors que le Sillon agit dans les milieux non catholiques, « œuvre d’éducation populaire et de pénétration chrétienne dans les masses[15] ». Au début du XXe siècle, l’ACJF apporte son soutien, sur le terrain politique, à l’Action libérale populaire de Jacques Piou, parti catholique rallié à la République, ce qui lui attire l’hostilité de l’Action française, ligue monarchiste où sont présents des catholiques. L’aumônerie générale de l’ACJF est traditionnellement assurée par les jésuites, ce qui encourage l’attachement à Rome, mais la fait échapper à l’autorité des évêques, même si c’est l’archevêque de Paris qui nomme l’aumônier général. À l’intérieur des groupes, les responsables sont élus, ce qui souligne le caractère laïc du mouvement. Alors que le mouvement compte 140 000 membres en 1914, la guerre provoque une hémorragie (15 000 morts) et un recul des effectifs : 60 000 membres en 1919, mais on remonte à 140 000 en 1927.

 

Le Sillon, fondé en 1894 par Marc Sangnier (1873-1950), aura une énorme influence au début du siècle dans la jeunesse catholique. Le fondateur se propose de fournir une éducation morale et intellectuelle à ce qui constituera “la classe éclairée” de demain. Le but est ambitieux : initier à la question sociale tous « les citoyens d’une libre démocratie[16] ». « Le cercle doit donc être un lieu de débat où le jeune ouvrier doit pouvoir laisser libre cours à sa spontanéité[17]. »

 

Grâce à la revue, aux brochures qu’il édite et à la bibliographie qu’il signale, le Sillon pénètre un certain nombre des cercles d’études que comportent les patronages au début du siècle. Il est porté par les jeunes vicaires qui perçoivent bien le détachement d’une bonne partie de la population française par rapport à l’influence de l’Église et qui cherchent des moyens nouveaux de pénétration.

 

Cependant le projet de Sangnier d’élargir le mouvement au-delà des catholiques pour faire “un plus grand Sillon” provoque la méfiance des évêques français et la condamnation du pape Pie X en 1910. Il est demandé au mouvement de se dissoudre en tant qu’organisation nationale et de placer les groupements diocésains, désormais indépendants les uns des autres, sous la tutelle des évêques. Le mouvement est dissout, mais les groupements diocésains ne se forment pas.

 

2. La première charte de l’Action catholique

 

Par l’encyclique Il fermo proposito (11 juin 1905), adressée d’abord aux évêques italiens, mais à laquelle, dans la suite, il donne une portée universelle, le pape Pie X donne une première charte à l’Action catholique. Dès les premiers mots, il dit ressentir le besoin d’une union des clercs et des laïcs pour réaliser son grand dessein de « la restauration de toutes choses dans le Christ ». Il reprend l’image du corps appliquée à l’Église, tout en insistant sur son organisation et son unité – le mot de hiérarchie est ici absent. Il assigne un vaste champ d’action à l’action catholique : « développer le règne de Dieu dans les individus, les familles et la société », en vue de rendre à la société un visage chrétien. Le pape brosse la figure du militant catholique qui doit être « convaincu de sa foi, solidement instruit des choses de la religion », d’une grande piété et rectitude de vie, et soumis au Souverain Pontife.

 

L’encyclique marque une reconnaissance solennelle de l’action menée par les laïcs catholiques, dans tous les domaines, y compris sociaux et politiques et allant au-delà de la défense religieuse. Mais, tout en leur reconnaissant un espace de liberté, elle les invite fermement à se soumettre à la hiérarchie :

 

Il est certain que de telles œuvres, étant donnée leur nature, doivent se mouvoir avec la liberté qui leur convient raisonnablement, puisque c’est sur elles-mêmes que retombe la responsabilité de leur action, surtout dans les affaires temporelles et économiques ainsi que dans celles de la vie publique, administrative ou politique, toutes choses étrangères au ministère purement spirituel.

Mais puisque les catholiques portent toujours la bannière du Christ, par cela même ils portent la bannière de l’Église, il est donc raisonnable qu’ils la reçoivent des mains de l’Église, que l’Église veille à ce que l’honneur en soit toujours sans tache, et qu’à l’action de cette vigilance maternelle les catholiques se soumettent en fils dociles et affectueux.

 

C’est dans un texte de moindre autorité qu’on remarque une avancée plus significative, qui peut ouvrir la porte à des développements ultérieurs. Dans une allocution adressée à des membres de la Société de Saint-Vincent-de-Paul, le 16 avril 1909, il compare les laïcs engagés aux soixante-douze disciples :

 

Lorsque Notre-Seigneur Jésus-Christ donna à ses Apôtres la mission de prêcher l’Évangile, il confia aussi aux soixante-douze disciples le soin de guérir les infirmes et de leur annoncer la prochaine venue du règne de Dieu. […] Si l’apôtre revêtu du caractère sacerdotal a pour office d’enseigner les vérités de la foi et de les confirmer par les prodiges de la charité, il trouve, dans l’apostolat laïque des simples fidèles, un puissant secours, qui prépare ses voies, et, par le soulagement des misères corporelles, ouvre les âmes à la vérité évangélique[18].

 

Tout en marquant bien que les laïcs apportent au clergé une aide qui a une place reconnue, le pape différencie bien les ministères : aux apôtres et à leurs successeurs – évêques et prêtres –, il revient de prêcher l’Évangile, aux laïcs, incombe une mission d’aide visant avant tout à préparer le terrain pour que la graine semée puisse être reçue et fructifier.

 

3. Les ligues catholiques

 

Le terme de ligue devient courant à la fin du XIXe siècle : ce sont des groupes de pression qui se forment pour défendre des intérêts bien définis en dehors des partis politiques et dans un contexte où ceux-ci sont parfois décrédibilisés. Parmi les plus connues, citons la Ligue des patriotes, la Ligue d’Action française, la Ligue des droits de l’homme.

 

Le contexte de la Séparation suscite l’émergence de deux ligues féminines se donnant pour but la défense des intérêts catholiques menacés, ligues dont le titre, il convient de le noter, ne mentionne pas la référence chrétienne.

 

La Ligue des Femmes Françaises (LFF)[19] est fondée à Lyon, en 1901, par Madame Lestra, femme d’un avocat royaliste, avec l’aide d’un jésuite, le P. Eymieu. Elle se propose de combattre avant tout pour le maintien des congrégations enseignantes. La Ligue Patriotique des Françaises (LPDF), née d’une scission de la précédente, est organisée l’année suivante à Paris par les baronnes de Brigode et Reille et Mlle Frossard, soutenues par un autre jésuite, le P. Pupey-Girard. Alors que la LFF est royaliste, la LPDF est ralliée à la République et elle est assez proche du parti politique catholique : l’Action libérale populaire de Jacques Piou.

 

Après avoir suscité une pétition de quatre millions de signatures contre la Séparation, la LPDF se tourne vers la formation spirituelle et apostolique de ses membres et l’organisation d’œuvres sociales. En 1910, elle compte 450 000 adhérentes. En 1929, elles sont 1,3M et son journal, Le Petit Écho des Françaises, est extrêmement diffusé. Mais les chiffres ne doivent pas faire illusion : le militantisme de beaucoup de ses membres ne dépasse guère l’abonnement au journal.

 

La Fédération Nationale Catholique (FNC) – bien qu’apparaissant après la première guerre mondiale –, doit être rangée dans la même catégorie que les deux groupes précédents[20]. C’est là aussi dans une visée protestataire qu’elle voit le jour, le 18 février 1925, pour lutter, à l’instigation du général de Castelnau, contre la restauration des lois laïques par le Cartel des Gauches (1924). Elle se donne comme programme : « Restaurer l’ordre chrétien dans l’individu, la famille, la société, la nation. Pour cela, revendiquer tous les droits et toutes les libertés catholiques. » Le mouvement organise des réunions publiques et des grands rassemblements, de plusieurs dizaines de milliers de personnes, dans l’Ouest et dans le Midi.

 

Après le retrait des mesures anticléricales, la FNC, qui, au niveau paroissial, prend le titre d’Union paroissiale, poursuit son action en faveur de l’enseignement libre et de la doctrine sociale de l’Église. Agissant comme un groupe de pression, la FNC a un certain impact sur les élections de 1928 où 46% des députés élus ont accepté son programme minimum comprenant « les libertés d’enseignement et d’association pour tous sans exception ». Elle crée aussi des caisses familiales d’assurances sociales qui, en 1930, regroupent 700 000 adhérents.

 

4. Le syndicalisme chrétien – la CFTC

 

Bien que se situant un peu à l’écart de notre sujet, il convient de dire un mot des syndicats chrétiens. Les premiers d’entre eux se sont fondés dans la mouvance de la loi du 21 mars 1884 sur les syndicats professionnels.

Le plus important, c’est le Syndicat des employés du commerce et de l’industrie, créé en 1887. Mais ce n’est que vingt ans plus tard qu’il prend ses distances à l’égard des œuvres catholiques sous l’impulsion de Jules Zirnheld, Gaston Tessier et Charles Viennet, en appelant à défendre les salariés en encourageant des négociations sectorielles. En 1919, il a plus de 9000 membres.

 

Les 1er-2 novembre 1919, 400 délégués, représentant 350 syndicats et 125 000 adhérents cotisants, constituent la CFTC. Rapidement, il est décidé que la pratique religieuse ne soit plus une condition d’adhésion. Il suffit d’adhérer à la doctrine chrétienne sociale. Mgr Germain, archevêque de Toulouse, le premier, pose la distinction, qui sera reprise par Maritain, entre « agir en tant que chrétien » et « agir en chrétien », qui différencie bien les œuvres et les syndicats chrétiens :

 

À aucun moment les autorités ecclésiastiques ne doivent donner de directives aux syndicats chrétiens. Des conseils peuvent être prodigués car l’Église peut avoir son mot à dire dans le domaine social, voire économique. Elle ne saurait le faire en se plaçant sur le plan de la doctrine. Aucun magistère ne doit s’exercer dans le cadre de l’action socio-économique. Les laïcs que sont les dirigeants syndicalistes chrétiens sont souverains dans ce domaine. Il n’y a pas plus de dépendance des syndicats chrétiens à l’égard de l’Église, qu’il ne saurait en exister dans les rapports qu’entretient un parti politique chrétien avec le Magistère ecclésial[21].

 

L’existence de cette forme de syndicalisme ne fait pas l’unanimité chez les patrons chrétiens mais c’est aux syndicalistes que Rome donnera raison en 1929, désavouant ainsi M. Mathon, patron du Consortium du textile roubaisien, qui a déposé une plainte au Vatican.

 

5. L’Action catholique selon Pie XI

 

Si c’est Pie X qui a donné sa première charte à l’Action catholique, Pie XI va lui donner des consignes très précises. Il la caractérise comme une participation à l’action de la hiérarchie :

 

L’Action catholique n’est pas autre chose que l’apostolat des fidèles qui, sous la conduite de leurs évêques, se mettent au service de l’Église et l’aident à remplir intégralement son ministère. L’Action catholique fait appel aux laïques catholiques pour qu’ils prennent part à l’œuvre hiérarchique et accomplissent les grandes missions de charité de l’apostolat laïque[22].

 

L’Action catholique est la participation des laïques catholiques à l’apostolat hiérarchique, pour la défense des principes religieux et moraux, pour le développement d’une saine et bienfaisante action sociale, sous la conduite de la hiérarchie ecclésiastique, en dehors et au-dessus de tous les partis politiques, afin d’instaurer la vie catholique dans la famille et dans la société[23].

 

Il explique qu’il s’agit d’un apostolat qui est d’abord d’ordre spirituel, mais qui a une incidence sociale, tout en n’étant pas de nature politique. Par rapport à l’action politique, celle qu’elle mène se trouve en quelque sorte en amont :

 

Ne différant pas de la divine mission confiée à l’Église et à son apostolat hiérarchique, cette Action catholique n’est pas d’ordre temporel, mais spirituel, ni d’ordre terrestre, mais divin, ni d’ordre politique, mais religieux.

Elle a précisément pour but de propager le règne du Christ[24], et, par cette propagation, de procurer à la société le plus grand des biens, d’où découlent tous les autres biens, c'est-à-dire tous ceux qui regardent l’organisation d’une nation et qu’on qualifie de politiques[25].

 

L’Action catholique, tout en ne faisant pas de politique de parti, veut préparer à faire de la bonne politique, de la grande politique, elle veut préparer politiquement les consciences des citoyens et les former, même en cela, chrétiennement et catholiquement. […] Non seulement l’Action catholique n’empêche pas les particuliers de faire de la bonne politique, mais encore elle leur en fait un devoir précis, elle les oblige à intervenir dans les affaires politiques avec une conscience plus éclairée et plus réfléchie[26].

 

S’il est vrai que cet apostolat des laïcs est souvent défini comme une suppléance ou une subsidiarité par rapport à l’apostolat hiérarchique, on entend néanmoins Pie XI affirmer que c’est le baptême et la confirmation qui fondent cet apostolat des laïcs :

 

Ce sont les sacrements du baptême et de la confirmation eux-mêmes qui imposent, entre autres obligations, celle de l’apostolat, c'est-à-dire du secours spirituel au prochain.

En effet, par la confirmation, on devient soldat du Christ. Or, qui ne voit que le soldat doit affronter les fatigues et les combats moins pour lui-même que pour les autres ?

Mais bien que d’une façon moins évidente pour les yeux profanes, le baptême aussi impose le devoir de l’apostolat puisque c’est par lui que nous devenons membres de l’Église, c'est-à-dire du corps mystique du Christ. Entre les membres de ce corps – c’est le cas pour n’importe quel organisme – il faut qu’il y ait une solidarité d’intérêts, une communication réciproque de vie (Rm 12,5). […] Un membre doit aider l’autre ; aucun ne peut demeurer inactif : chacun reçoit, chacun doit donner à son tour. Or tout chrétien reçoit la vie surnaturelle, qui circule dans les veines du corps mystique du Christ […] et tout chrétien, en conséquence, doit la transfuser, cette vie, en d’autres qui ne la possèdent pas, ou qui ne la possèdent que dans une trop faible mesure et seulement en apparence[27].

 

Le pape définit la place des prêtres dans les mouvements et, tout en rappelant qu’ils doivent veiller à ce que l’orientation donnée par la hiérarchie soit respectée, pose que leur rôle n’est pas de direction mais d’inspiration[28]. Un autre point que pose le pape et qui sera le fondement de l’Action catholique spécialisée, c’est le fait de l’évangélisation du semblable par le semblable :

 

Pour les divers milieux et dans les divers milieux, des apôtres de ces milieux. C’est cette méthode qu’il faut suivre. Ces apôtres seront mieux compris dans les milieux auxquels ils s’adressent, s’ils en proviennent eux-mêmes. Et c’est là un point vital de toute l’Action catholique[29].

 

Par ailleurs, le modèle d’Action catholique générale doit obéir à une quadripartition – hommes, femmes, jeunes gens, jeunes filles.

 

La notion de mandat, qui commence à se mettre en place à cette époque[30], tout en caractérisant la mission donnée à l’Action catholique, d’agir au nom de la hiérarchie, affirme aussi la dépendance des laïcs par rapport à celle-ci[31]. Les mouvements français adoptent peu ou prou cette quadripartition : l’ACJF constitue tout naturellement le mouvement de jeunes gens, les deux ligues féminines fusionnent en 1933 pour constituer la Ligue Féminine d’Action Catholique Française (LFACF) qui deviendra l’ACGF en 1950. En revanche, il faut attendre le décès du général de Castelnau, en 1945, pour que la FNC accepte d’entrer dans l’Action catholique et devienne la FNAC (Fédération Nationale d’Action catholique). En 1954, elle prendra le nom d’ACGH, avant de s’appeler, en 1975, VEEA (Vivre Ensemble l’Évangile Aujourd’hui). Cependant, G. Cholvy pose une question importante :

 

A-t-on perçu, par ailleurs, la différence considérable qui existait entre une organisation comme l’ACJF fondée par des laïcs et dont ceux-ci, n’ayant reçu aucun mandat, n’engageaient pas l’Église, et l’Action catholique définie par Pie XI comme “la participation des laïcs à l’apostolat hiérarchique”[32] ?

 

6. La naissance de l’Action catholique spécialisée

 

Dans ce domaine particulièrement, nous devons nous contenter de rappeler seulement quelques points. Le mouvement emblématique, c’est la JOC, la Jeunesse ouvrière chrétienne, fondée par un jeune prêtre belge, Joseph Cardijn (1882-1967), qui élabore, en 1914, une méthode d’enquête : « Voir, juger, agir. » C’est en 1924 qu’il fonde la Jeunesse Ouvrière Chrétienne (JOC). Le mouvement français équivalent naît en 1926-1927, à l’initiative de Georges Guérin (1891-1972), vicaire à Clichy[33].

 

Ce souci de la christianisation de la population ouvrière est partagé par plusieurs. C’est l’époque des enquêtes du P. Pierre Lhande sj, sur les populations de la banlieue parisienne vivant dans des baraquements misérables et peu christianisées (Le Christ dans la banlieue, 1927) qui déboucheront sur la construction d’églises (Les chantiers du cardinal). Les relations entre la JOC et l’ACJF seront toujours difficiles : alors que l’ACJF mène une action sociale et civique, la JOC est tournée avant tout vers la conquête apostolique ; alors que l’ACJF est une affaire de laïcs non mandatés, la JOC, dès ses origines, est en lien avec la hiérarchie.

 

En décembre 1927, paraît un opuscule, qui connaîtra un grand succès : L’Appel de la JOC. écrit par un jésuite, le P. Jean Boulier. Cette brochure fait appel à la fierté et à la générosité du jeune ouvrier ; elle le réévalue à ses propres yeux, elle proclame la dignité et la valeur de son travail ; elle l’invite à pratiquer la fraternité et à ne pas hésiter à s’affirmer chrétien. Elle développe la devise : « Fiers, purs, joyeux et conquérants. »

 

Tout repose sur la thèse de l’apostolat du semblable par le semblable : « entre eux, par eux, pour eux », et sur la méthode de l’enquête, avec la démarche articulée en trois temps : « voir, juger, agir. »

 

L’Action catholique reçoit le soutien du pape Pie XI dans l’encyclique Quadragesimo anno et la JOC celui du cardinal Pacelli, secrétaire d’État, futur Pie XII[34].

 

L’Action catholique induit aussi une modification des comportements cléricaux. Dans les réunions, qui se tiennent dans des locaux distincts de ceux des œuvres, l’aumônier apprend à écouter plutôt qu’à enseigner. Les membres apprennent à rédiger des convocations, des comptes-rendus, à tenir une trésorerie, à prendre la parole en public.

D’autres mouvements analogues voient le jour dans l’entre-deux-guerres, parmi lesquels la JAC, Jeunesse agricole chrétienne, qui aura un gros impact dans la formation de nouvelles générations d’agriculteurs.

 

7. L’époque de la guerre

 

Là encore, il serait trop long de développer l’impact qu’a eu la Seconde guerre mondiale sur l’Action catholique. Retenons seulement quelques points :

– le fait que les mouvements d’Action catholique aient été les seuls à conserver une part de leur liberté a conduit à élargir leur recrutement à des personnes assez éloignées de l’Église catholique et, ainsi, à modifier en profondeur leur positionnement par rapport à l’apostolat religieux et par rapport à la hiérarchie.

– le STO (Service du Travail Obligatoire) a constitué un discriminant fort entre les mouvements. Alors que la JOC invitait ses membres à ne pas se dérober à l’appel, de façon à exercer un apostolat en Allemagne auprès des ouvriers requis, l’ACJF, soutenue par le cardinal Liénart, y voit une contrainte inacceptable et appelle à désobéir[35].

– L’ACJF, par conséquent, a conçu une certaine défiance à l’égard des évêques ressentis comme trop proches du régime de l’État français.

 

IV. Le temps des crises (1945-1975)

 

1. La place des catholiques dans l’immédiat après-guerre

 

L’insistance sur l’Action catholique pour la période de l’entre-deux-guerres ne doit pas occulter la coexistence de différents modèles qui ont subsisté. Plusieurs générations d’œuvres recrutent encore, plus ou moins : les confréries de spiritualité, telles le Rosaire, le Saint-Sacrement, les Pénitents ou même la Bonne Mort, des confréries de métier, notamment en milieu rural (confréries de saint Vincent pour les vignerons, de saint Roch pour les agriculteurs, de saint Fiacre pour les jardiniers), les conférences de Saint-Vincent-de-Paul.

 

De nombreux patronages subsistent, principalement en milieu urbain, de façon à offrir des loisirs aux jeunes. Ils proposent des activités diverses. Le cinéma attire encore jusque dans les années soixante jusqu’à ce qu’il cède devant la concurrence de la télévision et des salles professionnelles mieux équipées (le cinémascope). Les colonies de vacances offrent aussi un certain attrait, de même que les clubs sportifs et les sociétés de gymnastique, regroupés dans la Fédération gymnastique et sportive des patronages de France (fondée en 1902). Plusieurs initiatives cherchent à revitaliser la spiritualité dans les patronages[36].

 

L’après-guerre est le point culminant de la JAC. Les mouvements d’Action catholique s’internationalisent (MIJARC 1954). L’ACJF jouit d’un grand prestige à la Libération, du fait de son engagement dans la résistance. Une partie de ses cadres occupe les postes dirigeants du MRP (Mouvement Républicain Populaire) qui est partie prenante des gouvernements.

G. Cholvy estime que trois millions d’enfants et 10% des jeunes de 15 à 24 ans sont atteints par l’ensemble des mouvements chrétiens, proportion qui représente un sommet[37].

 

Une nouvelle génération d’œuvres caritatives et sociales voit le jour dans l’après-guerre, avec, au premier rang, le Secours catholique et les compagnons d’Emmaüs. Par ailleurs, le Centre catholique des intellectuels français (CCIF), fondé en 1945 sous la présidence d’Henri Bedarida, organise chaque année, à partir de 1948, une Semaine des intellectuels catholiques.

 

2. La première crise des mouvements d’Action catholique

 

La crise de l’Action catholique, qui couve depuis 1945 et émerge cinq ans plus tard, procède de plusieurs causes que nous avons énumérées : l’ouverture des mouvements aux non-chrétiens, la perte de confiance dans les évêques, voire la séduction du communisme. Le recours au catholicisme social avec son réformisme semble insuffisant : certains en appellent à la révolution.

 

Le groupe Jeunesse de l’Église, fondé pendant la guerre autour du P. Montuclard, se tourne vers le marxisme comme méthode d’analyse de la réalité sociale et technique. Le périodique La Quinzaine, où écrivent les dominicains Boisselot et Chenu, fait l’éloge du système économique soviétique. Les deux périodiques sont condamnés en 1954 et 1955.

 

La Ligue Ouvrière Chrétienne, qui a vu le jour avant-guerre pour rassembler des aînés de la JOC, a décidé, en 1941, de changer de nom et de s’appeler le MPF : Mouvement Populaire des Familles, et de devenir non-confessionnel. Peu à peu, le mouvement ne se considère plus comme étant proprement d’Action catholique. C’est pourquoi, en 1950, l’épiscopat décide de créer une ACO complètement distincte du MPF. C’est, de nouveau, un véritable mouvement d’Action catholique, du fait qu’il ne rassemble que des chrétiens, qu’il a une visée apostolique, une organisation à base diocésaine et qu’il demeure indépendant des mouvements temporels.

 

Le conflit qui aboutira à l’explosion de l’ACJF procède pour une bonne part de la question de l’articulation entre l’Action catholique générale et l’Action catholique spécialisée qui est l’option de l’épiscopat. Le conflit met plusieurs années à émerger. Mais ce début des années cinquante est aussi un moment de tension avec l’épiscopat du fait que sont privilégiés les engagements temporels au détriment de la dimension spirituelle, et cela dans l’ensemble des mouvements, y compris la JOC. Le clivage entre les aumôniers d’Action catholique et le clergé paroissial apparaît très sensible dans certains diocèses comme Lyon.

 

Dans ce contexte, s’ouvre, en 1954, un conflit entre l’ACJF et la JOC qui revendique de prendre en charge l’enseignement technique, « au nom de critères privilégiant l’appartenance au monde ouvrier par rapport au milieu scolaire[38] ». Elle veut transformer l’ACJF en simple organe de concertation, sans autorité[39]. Sous l’impulsion de Mgr Guerry, l’Assemblée des cardinaux et archevêques se pose en arbitre sur cette question et elle appuie la JOC, pourtant minoritaire au sein de l’ACJF. De nouveaux statuts sont édictés par Mgr Guerry, au nom de l’ACA, qui impose à l’ACJF de ne pouvoir prendre de décision qu’à l’unanimité des mouvements qui la composent. Le président, André Vial, estime que l’ACJF est alors paralysée ; il donne sa démission, ce qui ouvre largement la crise et l’Association disparaît en 1956. « L’A.C.J.F. est morte de la conjonction entre le séparatisme de la classe ouvrière et l’ouvriérisme de l’autorité religieuse, » estime René Rémond[40].

 

Les raisons de cette option de l’épiscopat en faveur de la JOC contre l’ACJF ne sont pas toutes éclaircies : peut-être ne conçoit-elle l’activité temporelle de l’Action catholique qu’étroitement subordonnée à sa dimension spirituelle, à une époque où la théologie de l’apostolat des laïcs se cherche ; peut-être aussi a-t-elle souhaité ne pas désavouer la JOC alors que l’expérience des prêtres-ouvriers vient d’être arrêtée par Rome.

 

Le 12 mai 1957, les 80 membres des secrétariats généraux de la JEC et de la JECF démissionnent, ne se retrouvant plus dans la définition stricte donnée par la hiérarchie à l’ACS. L’équipe nationale des Routiers (Scouts de France) démissionne aussi.

 

Il s’agit là de l’affaire Jean Müller, un routier tué au combat mais dont les lettres dénonçaient les méthodes employées dans la guerre d’Algérie.

« Le numéro de mai 1957 de la Route fait référence au dossier Jean Muller : « As-tu lu les extraits des lettres de Jean ? Tu peux les commander au T.C. », suivent l’adresse et le prix. Commissaire général des Scouts de France, Michel Rigal refuse d’entraîner le mouvement sur un terrain où se divisent fortement les routiers, qui ne sont plus que 4350. Il bloque le numéro chez l’imprimeur et fait couper le passage litigieux. Le 9 mai, toute l’équipe nationale de la Route démissionne et donne une grande publicité à l’événement[41]. »

 

Dès 1945, on a essayé de trouver un compromis sur la question du mandat, avec un texte auquel a collaboré le P. Congar :

 

Non pas participation des laïcs à l’apostolat propre de la hiérarchie par le moyen d’un mandat qui leur est confié. Mais collaboration dépendante des laïcs à l’apostolat hiérarchique au sein de mouvements agréés et contrôlés par la hiérarchie. Ni action pastorale, ni action temporelle pure ; mais action catholique[42].

 

Les responsables de l’ACJF s’appuient sur des textes de Pie XI et du P. de Montcheuil affirmant la responsabilité du laïc fondée sur son baptême. Le mandat serait négation de la valeur du baptême comme conférant mission d’évangélisation à tous les chrétiens. Une action catholique mandatée tendrait à « se confiner à la sacristie », au confessionnel pur. Elle serait perçue à l’extérieur comme le bras séculier de la hiérarchie, au même titre que l’école libre et le mandat, de plus, réduisant l’action catholique à sa seule dimension religieuse, conduirait à une déperdition de militants.

 

[Pour Mgr Guerry, en revanche], l’action catholique, l’apostolat organisé et officiel des laïcs, est avant tout une activité de type religieux, une participation à l’apostolat hiérarchique. Et même s’il lui reconnaît une spécificité nouvelle, le laïc prolongeant le prêtre là où ce dernier ne peut aller, il ne conçoit cet engagement du laïcat qu’au travers du prisme sacerdotal. Toute la réflexion des dirigeants de l’ACJF et les modalités d’une évangélisation par les laïcs semble lui échapper[43].

 

Mgr Guerry se fait l’écho de son opposition aux dirigeants de l’ACJF dans la réunion de l’ACA de mi-mars 1946 : « Mgr Guerry rejette que les mouvements d’Action catholique puissent s’incarner dans le temporel car le temporel à ses yeux est le domaine de l’État et l’Église ne saurait être compromise sur ce terrain[44]. »

 

3. La question de l’apostolat des laïcs au concile Vatican II

 

Du concile Vatican II, bornons-nous à ne retenir que quelques points :

– la distance entre les évêques français et belges : les premiers semblent réduire l’Action catholique aux mouvements ayant reçu un mandat de la hiérarchie ; les seconds en donnent une définition très large, englobante ;

– la définition positive du laïcat caractérisé par son « caractère séculier » ;

– la mise en valeur par Lumen gentium de la vocation de tout chrétien à l’apostolat du fait de son baptême et de sa confirmation ;

– la définition précise qui est donnée de l’Action catholique, caractérisée comme « collaboration des laïcs à l’apostolat hiérarchique[45] », avec quatre caractères :

1) avoir un but immédiat qui soit celui de l’Église ;

2) collaboration des laïcs avec la hiérarchie, les laïcs assumant leurs responsabilités ;

3) corps organisé ;

4) action sous la haute direction de la hiérarchie.

Si la possibilité du mandat est mentionnée, on évoque aussi la possibilité d’une diversité de liens possibles entre les mouvements et la hiérarchie.

 

En 1967, la Conférence épiscopale française a semblé resserrer ses liens avec l’Action catholique, ce qui, dans certains diocèses, va conduire à un quasi-monopole des mouvements d’Action catholique dans le cadre de l’apostolat organisé : « Les évêques de France renouvellent l’option pastorale ferme pour le type de présence que représente, en France, l’Action catholique sous toutes ses formes[46]. » En revanche, à la suite des événements des années suivantes, elle prendra l’option opposée en votant, en 1975, la suppression du mandat, mettant ainsi le ministère de l’évêque à distance des positions de l’Action catholique :

 

En fonction de leur enracinement humain, des mouvements sont parfois conduits à prendre des options temporelles qu’ils jugent nécessaires à leur action apostolique et cohérentes avec la foi de l’Église. Ils le font alors librement sous leur propre responsabilité et dans ce choix ils n’engagent que le groupe chrétien qu’ils constituent.

Serviteurs de leur fidélité à l’Église, l’évêque et les prêtres accompagnent les mouvements, les interrogent au nom de l’Évangile et de la communion ecclésiale et, le cas échéant, peuvent être appelés à contester leurs positions[47].

 

4. Les crises de l’Action catholique et des mouvements dans les années soixante

 

Au début des années soixante, le souci du développement économique prend une place primordiale dans l’Église catholique en France. Il est marqué par la mise en place du CCFD (Comité catholique contre la faim et pour le développement) (1961) qui rassemble dans une même structure un certain nombre de mouvements catholiques.

 

La mutation des perspectives dans l’Action catholique s’accompagne, dans le monde syndical, par le désir de déconfessionnalisation de la CFTC, en germe depuis 1945 et qui débouche en 1964, avec la transformation en CFDT mais aussi avec la recréation d’une CFTC dissidente[48].

 

La crise de la JEC survient dès avant la fin du concile, dès 1964, du fait du refus des dirigeants d’accepter la demande de l’épiscopat d’une remise à la première place de l’action religieuse par rapport à l’action politique. Une crise assez semblable du MRJC ne tarde pas à suivre.

À cette époque, les effectifs de l’Action catholique générale sont en chute libre.

 

Le soutien déclaré qu’apportent plusieurs mouvements d’Action catholique spécialisée au programme commun de gouvernement de la gauche en 1974 conduit à des divisions en leur sein et une chute de leurs effectifs.

 

V. Quelques évolutions récentes

 

Dans le contexte d’une très forte diminution du poids de l’Action catholique dans la vie de l’Église, du fait de l’abandon du mandat, en 1975, et de la très forte chute des effectifs[49], les champs d’apostolat des laïcs se sont très largement diversifiés.

 

– La place des organisations caritatives créées il y a plus ou moins longtemps est toujours significative dans la société française.

– Le scoutisme, quoique diversifié, est toujours dynamique.

– Les communautés nouvelles sont apparues au cours des années 70, apparaissant, au début, comme à rebours des intuitions de l’Action catholique et provoquant, de ce fait, la méfiance de l’épiscopat, mais admises depuis les années 80.

– Les “communautés de base” qui ont vu le jour après 68 semblent avoir disparu, mais peut-être la Conférence des baptisés en est-elle une résurgence sous une forme quelque peu différente.

– Mais surtout, les dernières décennies ont été marquées par une croissance importante des domaines et des niveaux de responsabilité pris par les laïcs. En de nombreux secteurs, une transition s’est opérée par le remplacement momentané des prêtres par des religieuses, avant que celles-ci ne cèdent la place à des laïcs[50].

 

 

Nous avons quelque peu l’impression, en retraçant l’histoire de l’Action catholique, d’être uniquement tournés vers le passé et de n’énumérer que des regrets. Peut-être peut-on se dire que les mouvements ont été victimes de leurs pesanteurs qui les ont poussés à s’arc-bouter sur des positions et les a empêchés d’effectuer à temps les mutations nécessaires. Peut-être se dira-t-on aussi qu’ils ont fait leur temps et qu’il convient de tourner définitivement la page. C’est ce que ne manquent pas de se dire ceux de nos contemporains qui ont entendu parler de l’Action catholique.

Cependant on pourrait peut-être risquer deux autres idées :

– la première, c’est que la méthode « voir, juger, agir » a été très fructueuse quant à l’engagement des catholiques dans la société et dans l’Église et qu’elle n’a peut-être pas « fait son temps », et que tout le monde y gagnerait si elle était un peu remise au goût du jour ;

– la seconde, c’est qu’il est peut-être tout aussi nécessaire, aujourd’hui comme hier, que l’Église soit présente dans ce qui constitue des milieux de vie, afin d’y instiller la force et l’espérance de l’Évangile et que cette présence ne peut être le fait que de laïcs engagés. Certes, cette présence est et sera beaucoup plus faible qu’elle n’a été mais elle demeure un devoir de cet apostolat qui découle du baptême.

 

[1] Louis CHATELLIER, L’Europe des dévots, Paris, Flammarion, 1987, p. 27.

[2] Œuvre des jeunes économes (1823), Œuvre de Sainte-Anne (comtesse de La Bouillerie, 1824), écoles gratuites pour petites filles, Bon pasteur (abbé Legris-Duval et marquise de Croissy, 1819).

[3] Matthieu BREJON DE LAVERGNÉE, La Société de Saint-Vincent-de-Paul au XIXe siècle (1833-1871). Un fleuron du catholicisme social, (Histoire religieuse de la France, 34), Paris, Le Cerf, 2008, p. 43-47.

[4] Jean-Léon Le Prévost, vice-président, qui est d’un avis contraire, est contraint à la démission dès 1840.

M. BREJON, op. cit., p. 231-232.

[5] Là aussi, le modèle le plus souvent invoqué est allemand : il s’agit des caisses Raiffeisen.

[6] De la première catégorie, les plus connus sont l’Union fraternelle du commerce et de l’industrie et le Syndicat des employés du commerce et de l’industrie. L’Association catholique des patrons du Nord relève de la seconde.

Voir : Robert TALMY, Une forme hybride du catholicisme social en France. L’Association catholique des patrons du Nord (1884-1895), Lille, Facultés catholiques, 1962, 208p.

[7] Certains notables catholiques, notamment issus de l’aristocratie, mènent une action importante dans ce cadre. Se formant dans l’enseignement agricole, ils retrouvent, par le partage de leur savoir, une aura que leur exclusion du pouvoir politique leur refuse.

[8] Association des jurisconsultes catholiques, Comité des jurisconsultes des congrégations religieuses, Comités de défense religieuse.

[9] Plusieurs œuvres investissent ce domaine : la Société de Saint-Charles Borromée, l’Œuvre de Saint-Michel, l’Œuvre de l’apostolat de Saint-Paul, la Société française des tracts et surtout la Société bibliographique et des publications populaires.

[10] Mémoires, p. 191, cité dans Jean-Baptiste DUROSELLE, Les débuts du catholicisme social en France (1822-1870), (Bibliothèque de la science politique), Paris, PUF, 1951, p. 213.

[11] Cité dans R.P. LECANUET, Montalembert d’après son journal et sa correspondance, tome II, La liberté d’enseignement (1835-1850), Paris, Poussielgue, 1902, p. 500.

[12] Encyclique Immortale Dei, 1er novembre 1885.

Cependant, Léon XIII posera des limites en marquant une certaine défiance à l’égard de l’expression “démocratie chrétienne” si, au lieu de qualifier seulement une action bienfaisante, elle en vient à désigner un parti. Il demandera qu’on lui substitue l’appellation d’“action populaire chrétienne” (encyclique Graves de communi, 18 janvier 1901).

[13] Encyclique Sapientiae christianae (10 janvier 1890), Lettres apostoliques de Léon XIII, tome II, p. 275.

[14] Jean-Marie MAYEUR, “Le développement de l’A.CJ.F. d’Henri Bazire à Charles Flory (1889-1926)”, dans L’A.C.J.F, une création originale, Colloque, Paris, Médiasèvres, 1988, p. 24.

[15] Cité dans J.-M. MAYEUR, loc. cit., p. 27.

[16] Cité dans : Vincent ROGARD, “ Les cercles d’études et la diffusion du Sillon en province ”, dans Marc Sangnier et les débuts du Sillon, Paris, 1994, p. 69.

[17] Ibidem.

[18] Cité dans Les Enseignements pontificaux. Le Laïcat. Orientations et structures, présentation et tables par les moines de Solesmes, Tournai, Desclée, 1956, p. 239.

[19] Gérard CHOLVY et Yves-Marie HILAIRE, Histoire religieuse de la France contemporaine, tome 2, 1880-1930, Toulouse, Privat, 1986, p. 155-156.

[20] Corinne BONAFOUX-VERAX, À la droite de Dieu. La Fédération Nationale Catholique (1924-1944), (Nouvelles études contemporaines), Paris, Fayard, 2004, 659p.

[21] Michel LAUNAY, La C.F.T.C. Origines et développement, 1919-1940, Paris, Publications de la Sorbonne, 1986, p. 86-87.

[22] Lettre au cardinal Van Roey, 15 août 1928, citée dans L’Action catholique. Textes pontificaux classés et commentés par l’abbé É. Guerry, vicaire général de Grenoble, (Cathedra Petri), Paris, DDB, 1936, p. 3-4.

[23] Lettre à Mme Steenbergh-Engeringh, présidente générale de l’Union internationale des associations féminines catholiques, 30 juillet 1928, citée dans L’Action catholique, p. 16-17.

[24] Par l’encyclique Quas primas (décembre 1925), Pie XI institue la fête du Christ Roi.

[25] Lettre Quae Nobis au cardinal Bertram, 13 novembre 1928, citée dans L’Action catholique, p. 9-10.

[26] Discours à la Fédération italienne des hommes catholiques, 30 octobre 1926 ; lettre au cardinal patriarche de Lisbonne, 10 novembre 1933, cités dans L’Action catholique, p. 83-83.

[27] Lettre au cardinal patriarche de Lisbonne, 10 novembre 1933, citée dans L’Action catholique, p. 58-59.

[28] Id. citée dans L’Action catholique, p. 65-66.

[29] Discours à l’Union internationale des Ligues féminines catholiques, avril 1934, cité dans L’Action catholique, p. 71.

[30] Mgr FONTENELLE, Petit catéchisme de l’Action catholique, 1930.

[31] Gérard CHOLVY et Yves-Marie HILAIRE, Histoire religieuse de la France contemporaine, tome 3, 1930-1988, Toulouse, Privat, 1988, p. 29.

[32] Gérard CHOLVY, Histoire des organisations et mouvements chrétiens de jeunesse en France (XIXe-XXe siècle), (Cerf Histoire), Paris, le Cerf, 1999, p. 124.

[33] Voir : Pierre PIERRARD, Georges Guérin. Une vie pour la JOC, Paris, Éditions de l’Atelier, 1997, 320p.

[34] Lettre du cardinal Pacelli au chanoine Cardijn, 11 janvier 1935, citée dans L’Action catholique, p. 72.

[35] Dans cette affaire, les deux positions ont leurs motivations. Le refus du STO s’appuie sur le fait qu’il s’agit d’une réquisition de main d’œuvre au service de l’ennemi et, particulièrement, le plus souvent, d’une fabrication d’un armement qui sera utilisé contre les armées alliées. Le refus pourra s’appuyer sur la déclaration du cardinal Liénart, affirmant que les jeunes ne sont pas liés en conscience et par le texte des cardinaux français qui va dans le même sens. L’acceptation de partir, pour le militant chrétien, s’appuie sur sa vocation à l’apostolat, pour être « le ferment dans la pâte », au sein d’une main d’œuvre ouvrière dont l’occupant, au nom de son idéologie païenne, cherche à détruire la moralité. Elle s’enracine parfois sur une spiritualité du sacrifice. Les chrétiens ont à cœur de lutter contre cette “démoralisation” systématique entreprise par les nazis.

[36] Le journal Cœurs vaillants diffuse à 120 000 exemplaires en 1937 ; Âmes vaillantes, créé en décembre 1937 obtient 63 000 abonnés en un an. Cœurs vaillants est lancé en 1929 par Gaston Courtois, Fils de la Charité qui bénéficie de la collaboration de Hergé et atteint un tirage de 89 000 exemplaires en 1936. Les Cœurs vaillants se dotent d’une devise, d’une hiérarchie interne, d’un uniforme. En 1937, alors que l’hebdo atteint les 130 000 exemplaires, paraît Âmes vaillantes qui atteint d’emblée 63 000 exemplaires.

La Croisade eucharistique est créée à Bordeaux en 1915 par un jésuite, dans la ligne de l’Apostolat de la prière dont elle devient la section des enfants de 6 à 14 ans. La revue Hostia (1917) est destinée aux responsables ; devise : « Prie, communie, sacrifie-toi, sois apôtre » Au départ, l’implantation est limitée aux écoles libres, mis elle se développe après 1920 dans les paroisses et les patronages. Entre 1928 et 1934, les créations sont nombreuses au sein des patronages.

[37] G. CHOLVY et Y.-M. HILAIRE, op. cit., tome 3, p. 144.

[38] Louis de VAUCELLES, “ Débats et tensions dans l’Église de France autour des mouvements de jeunes de l’Action catholique spécialisée (1945-1965) ”, L’ACJF, une création originale, Paris, Médiasèvres, 1988, p. 120.

[39] “ L’attitude des représentants de la JOC s’appuyait sur une conviction fondamentale : continuer à travailler selon l’esprit et les méthodes de l’ACJF amènerait les jocistes à se couper de la base, à s’engager dans une promotion individuelle, à inscrire leur action dans une approche consensualiste de la société, alors que le Mouvement ouvrier privilégiait des comportements de lutte et d’opposition. ”

L. de VAUCELLES, loc. cit., p. 121.

[40] Cité dans G. CHOLVY et Y.-M. HILAIRE, op. cit., tome 3, p. 254.

[41] G. CHOLVY et Y.-M. HILAIRE, op. cit., tome 3, p. 254.

[42] Alain-René MICHEL, Catholiques en démocratie, (Cerf histoire), Paris, Le Cerf, 2006, p. 384.

Yves Congar caractérise ainsi la différence entre les deux concepts de participation et de coopération :

« Participation disait un organisme constitué par l’Église hiérarchique ; coopération dit un groupe d’action dans lequel la hiérarchie reconnaît, en des circonstances données, un bon moyen de remplir une partie de sa propre mission, serait-ce en matière temporelle. »

Yves CONGAR, “Apports, richesses et limites du décret”, dans L’Apostolat des laïcs. Décret Apostolicam actuositatem, (Yves CONGAR dir.), (Unam sanctam, 75), Paris, Le Cerf, 1970, p. 170-171.

[43] A.-R. MICHEL, op. cit., p. 391.

[44] Cité ibid.

[45] Le décret fait ici référence à la lettre Quae nobis adressée par Pie XI au cardinal Bertram le 13 novembre 1928 et à l’allocution de Pie XII à l’Action catholique italienne du 4 septembre 1940.

[46] Déclaration, p. 69, citée dans Guy RÉGNIER, L’Apostolat des laïcs, (L’héritage du concile), Paris, Desclée, 1985, p. 88.

[47] Chercheurs et témoins de Dieu, p. 55, cité dans G. RÉGNIER, op. cit., p. 109.

[48] L’épiscopat est resté silencieux (le cardinal Marty et les aumôniers d’ACO soutiennent la CFDT) et la CFTC a du mal à se faire reconnaître de la hiérarchie dans les années qui suivent.

[49] Effectifs des mouvements d’Action catholique selon Henri Tincq en 1988 :

ACI 13 000 ; ACO 15 000 ; CMR 20 000 ; MCC 8000 ; ACMSS 1500 ; Équipes enseignantes 2000 ; CFPC 1300 ; VEEA 5000 ; ACGF 35 000 ; Partage et rencontre 3000 ; Vie montante 100 000 ; Fraternité catholique des malades 7000 ; JEC 1500 ; Mission étudiante 13 000 ; JIC 5000 ; JICF 2000 ; MRJC 10 000 ; JOC et JOCF 27 000.

G. CHOLVY et Y.-M. HILAIRE, op. cit., tome 3, p. 479.

[50] Céline BÉRAUD, Prêtres, diacres, laïcs. Révolution silencieuse dans le catholicisme français, (Le lien social), Paris, PUF, 2007, XV-351p.

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