Qu'est-ce qu'un acolyte ?

Comment le pape a différencié les acolytes des servants d'autel

et pourquoi c'est important.

Thomas O'Loughlin

Royaume-Uni

7 juin 2021

 

 

Les réactions au décret Spiritus Domini du pape François, qui a donné aux femmes l'accès au ministère de lecteur et d'acolyte, n'ont pas été très violentes. En effet des évêques et des prêtres du monde entier ont déclaré que ce n'était qu'une question de mots. Après tout, les femmes lisent depuis des années lors des célébrations, les appeler "lectrices" n'est donc qu'une formalité inutile. Les femmes présentent les offrandes depuis tout aussi longtemps, les servants d'autel sont devenus moins importants aujourd'hui que lorsqu'ils devaient répondre au latin du prêtre et les quelques autres tâches, comme tenir le livre ou présenter l’encensoir, sont effectuées par des femmes depuis des décennies.

Alors pourquoi toute cette agitation ?

Le pape et le Vatican auraient-ils si peu de travail qu’ils veuillent créer un rite d'installation pour que les hommes et les femmes puissent faire toutes ces choses "officiellement". En bref, pour la plupart des gens, Spiritus Domini n'est pas une révolution.

Je ne suis pas d'accord.

Spiritus Domini est important et la tiédeur des réactions est aussi importante.

Permettez-moi de traiter d'abord l'apparente mise à l'écart de Spiritus Domini.

Une expression concrète de Vatican II

Le fait que nous considérions les ministères liturgiques comme de simples tâches à partager est un test décisif de notre manque d'intériorisation de la vision de la liturgie présentée dans Sacrosanctum Concilium, publié en 1963 car il s'agit d'une vision du peuple tout entier qui célèbre. Nous devons être "entièrement célébrants".

De même, cela nous montre à quel point la vision de l'Église peuple de Dieu de Lumen gentium - par opposition au modèle des officiants et des autres « gradés » en usage auparavant - s'est peu ancrée dans nos comportements.

J'entends beaucoup de gens qui disent : "Vatican II est allé trop loin". Mais quand je regarde autour de moi, je constate combien la réalisation du Concile est superficielle dans la vie de tant de catholiques.

Spiritus Domini est une expression concrète du changement hérité de Vatican II.

Nous ne sommes pas seulement les consommateurs d'un produit sacré, dont le clergé aurait la garde. Nous sommes un peuple, une famille de sœurs et de frères dans le baptême, qui a reçu de l'Esprit du Seigneur une variété de dons afin que nous puissions devenir plus pleinement l'Église.

Ou, comme l'a dit le pape François dans les premiers mots du document : "L'Esprit du Seigneur Jésus, source pérenne de la vie et de la mission de l'Église, distribue aux membres du peuple de Dieu les dons qui permettent à chacun, de manière différente, de contribuer à l'édification de l'Église et à l'annonce de l'Évangile."

Des acolytes[1] et des servants d'autel

Venons-en maintenant à la question principale : en quoi un " acolyte " est-il différent d'un " servant d'autel " ? Une profonde confusion est enracinée depuis plus de 1000 ans chez les chrétiens latins qui sont ignorants du sujet.

Une fois que la forme standard de la célébration eucharistique dans les Églises occidentales est devenue celle d'un prêtre se tenant seul devant un autel et célébrant en latin, un fossé important est apparu entre ceux qui étaient présents mais n'avaient en fait rien à faire dans la liturgie et le prêtre qui disait la Messe. Le prêtre était celui qui était actif, les autres étaient passifs. Le prêtre disait la Messe, l’assemblée écoutait, regardait et priait ses propres prières.

Il importait peu qu'il y ait une seule personne dans l’église ou plusieurs centaines ou même plusieurs milliers. Cependant, il fallait qu'il y ait au moins une personne ! Cette personne - toujours un homme et généralement un garçon - devait servir le prêtre.

Si le prêtre disait Dominus vobiscum - nous passerons sur l'ironie du fait qu'il s'agit d'un pluriel : le Seigneur soit avec vous, même s'il le disait dans une église où seul le servant était présent - alors quelqu'un devait répondre : Et cum spiritu tuo.

En d'autres termes, il fallait être deux pour danser le tango !

Le servant était là pour servir le prêtre. Le prêtre avait besoin de ce service et ce qui se passait avec les autres personnes présentes n'avait aucune importance.

En fait, on partait du principe que le servant ne savait probablement pas ce que signifiaient les mots qu'il prononçait ; tant qu'ils étaient prononcés comme une réponse, la loi était respectée et le prêtre pouvait dire sa messe.

L'important était que le prêtre puisse dire la Messe et le servant n'était qu'une exigence pratique, de la même manière que les vêtements, les livres et les récipients sont nécessaires à la célébration.

Servir le prêtre ou servir la communauté ?

Les servants d'autel avaient-ils pas un devoir envers la communauté ? La réponse est simple : non !

Lors des quelques occasions annuelles (avant 1903) où la communion était donnée à l'assemblée, le servant tenait une assiette sous le menton des destinataires.

De fait, puisque la communion pour toute personne autre que le prêtre était un élément supplémentaire à la forme ordinaire de la Messe, il était rare que le servant reçoive la communion à la messe qu'il servait.

Sa tâche consistait essentiellement à aider le prêtre. En effet, en cas d'urgence, la réponse pouvait être faite par une femme qui s'agenouillait au pied de l'autel (mais ne pouvait monter les marches du « sanctuaire » avec les burettes ou laver les doigts du prêtre).

Le rite de Vatican II suppose que toute la communauté célèbre avec le prêtre qui préside : c'est un acte de l'Église assemblée. L'acolyte est là pour aider et servir toute la communauté.

L'acolyte est un ministère dans une Église de service mutuel. Il ne s'agit pas d'un travail, mais d'une forme de service qui construit tout le peuple de Dieu et c'est là sa dignité et la raison pour laquelle il doit être pris au sérieux et doit être institué.

Le servant d'autel sert le prêtre dans son travail devant Dieu.

L'acolyte sert la communauté dans le travail de toute la communauté devant Dieu.

Changer de mentalité et de théologie

Le monde du servant d'autel est celui du monde à deux vitesses : clerc/laïc ; ministre/administré ; maître/serviteur et à sens unique.

Le monde de l'acolyte est celui d'une communauté, égale en dignité, au service des uns et des autres ; tous y sont ministres, servants et servis, dans le partage des compétences de chacun plutôt que dans des relations ordonnées ou hiérarchiques.

Dans le premier cas, il suffisait d’être capable de réciter du latin par cœur.

Aujourd'hui, c’est un chrétien au service de ses sœurs et frères dans un geste commun qu'ils considèrent, collectivement, comme le centre et le sommet de leur vie de chrétiens.

L'un était une tâche qu'il suffisait de mener à bien pour que le prêtre puisse dire la messe. L'autre est une célébration où nous sommes des personnes qui se servent les unes les autres de différentes manières.

Quelle est donc l'importance de Spiritus Domini ?

Nous défaisons une liturgie cléricaliste vieille de 1000 ans.

Nous affirmons la dignité de notre baptême qui a fait de nous un peuple sacerdotal.

Nous apprenons que nous devons tous dans la liturgie nous servir les uns les autres.

Nous cessons de considérer les gestes du culte comme des choses à faire, nous nous assistons mutuellement en tant que disciples.

Nous intégrons ainsi, après plus d'un demi-siècle, la vision du Concile Vatican II.

En un mot : nous ne changeons pas les mots, nous changeons notre théologie, nos mentalités et notre pratique.

Thomas O'Loughlin est prêtre du diocèse catholique d'Arundel et de Brighton et professeur de théologie historique à l'université de Nottingham (Royaume-Uni). Son dernier livre est “Eating Together, Becoming One : Taking Up the Pope Francis's Call to Theologians” – « Manger ensemble, devenir uns : l’appel du pape François aux théologiens » (Liturgical Press, 2019).

https://international.la-croix.com/news/religion/what-is-an-acolyte/14431?utm_source=NewsLetter&utm_medium=Email&utm_campaign=20210609_mailjet

What is an acolyte?

How the pope has differentiated acolytes from altar servers, and why that's a big deal

By Thomas O'Loughlin

United Kingdom

June 7, 2021

Reactions to Pope Francis's decree Spiritus Domini, which has given women access to the ministry of lector and acolyte, have not been explosive.

Indeed, the reverse is the case: bishops and presbyters around the world have said that it is merely a matter of words. After all, women have been reading for years at the liturgy – so calling them "lectors" is just needless formality!

Women have been presenting the gifts for just as long, altar servers are less important now than when they had to "answer" the Latin uttered by the presider, and the other few jobs like holding the book or swinging the thurible have been done by women for decades!

So why all the fuss?

It seems that the pope and the people in the Vatican must have little work if they want to now have a rite of installation so that men and women can do these things "officially". In short, for most people, Spiritus Domini is non-news.

I beg to differ.

Spiritus Domini is news; and the fact of the lukewarm reactions is also news.

Let me deal with the apparent dismissal of Spiritus Domini first.

A concrete expression of Vatican II

The fact that we think of liturgical ministries as just "the jobs" that were shared out by servers is a litmus test of how little we have internalized the vision of the liturgy that was put forth in Sacrosanctum Concilium, which was issued in 1963.

That is a vision of the whole people ministering to one another in differing ways. We are to be "wholly celebrant".

Likewise, it shows how little the vision of the Church as the holy people of God – as distinct from the officers and "other ranks" model in use before then – found in Lumen gentium has actually embedded itself in the ways we behave.

I hear many people who say, "Vatican II has gone too far." But when I look around I notice how shallow is the realization of the Council in the lives of so many Catholics.

Spiritus Domini is a concrete expression of the change from the inherited mindset to that which was/is envisaged at Vatican II.

We are not just consumers of a sacred product, which is in the keeping of the clergy. We are a people, a family of sisters and brothers in baptism, who have been given a variety of gifts by the Spirit of the Lord so that we might become more fully the Church.

Or, as Pope Francis put it in the document's opening words: "The Spirit of the Lord Jesus, the perennial source of the Church's life and mission, distributes to the members of the People of God the gifts that enable each one, in a different way, to contribute to the edification of the Church and to the proclamation of the Gospel."

Of acolytes and altar servers

Now to the main question: how is an "acolyte" different from an "altar server"?

The confusion is a deep one for Latin Christians because it is rooted in over a 1000 years of ignoring the issue.

Once the standard form of Eucharistic celebration in the Western Churches became that of a priest standing alone at an altar and celebrating in Latin, a major gulf emerged between those who were "in attendance" – but actually had nothing to do in the liturgy as such – and the priest who said the Mass.

The priest was the one who was active, the others were passive. The priest said the Mass, the congregation listened, watched and prayed their own prayers.

It mattered little if there was just one person in the building or several hundred or, indeed, several thousand. However, there had to be at least one person there! This person – always a male and usually a boy – was needed to serve the priest.

If the priest said "Dominus vobiscum" – we shall pass over the irony that this is a plural: the Lord be with ye, even if he said it in a building with only the server present – then someone had to answer: "Et cum spiritu tuo."

Put another way: it took two to tango!

The server was there to serve the priest. The priest needed this service and it did not matter what was happening with other people who were present.

Indeed, it was assumed that the server probably did not know what the words he uttered meant – so long as they were uttered in response, the law was fulfilled and the priest could say his Mass.

The important thing was that the priest could offer Mass, and the server was only a practical requirement somewhat in the way that vestments, books and vessels were needed for the lawful celebration.

Serving the priest or serving the community?

But did not the altar servers have a duty to the community? The simple answer is: no!

On the few occasions each year (before 1903) when communion was given to the congregation, the server held a plate under the chins of the recipients (in some places).

Indeed, since communion for anyone but the priest was an additional element to the standard form of the Mass, it would have been rare that the server even received communion at the Mass he served.

The whole task was to help the priest. Indeed, in an emergency, the answering could be done by a woman who knelt at the altar rails (but could not go inside "the sanctuary" to bring up and down the cruets or wash the priest's fingers).

But the rite of Vatican II assumes that the entire community is celebrating with the presbyter who is presiding: it is an act of the assembled Church. Now the acolyte is there to help and serve the whole community.

The acolyte is one ministry in a Church of mutual service. It is not a job, but a form of service that builds up the whole people of God – and this is its dignity and why it needs to be taken seriously and needs to be instituted.

The altar server served the priest in the priest's work before God.

The acolyte serves the community in the whole community's work before God.

Changing mentality and theology

The world of the alter server is that of the two-tier world of cleric/lay; minister/ministered; master/servant – a one-way transaction.

The world of the acolyte is that of a community, equal in dignity, serving one another, all are ministers and ministered to – and a sharing of energy and skill rather than a transaction.

In the first case, all that was needed was a voice that could recite Latin by rote.

Today, we have one Christian serving her/his sisters and brothers in a common work which they, collectively, see as the center and summit of their lives as Christians.

One was a task that just had to be got through so that the priest said Mass. The other is a celebration which affirms who we are as people who serve each other in different ways.

So what is the importance of Spiritus Domini?

We are undoing a 1000-year-old clericalist liturgy.

We are affirming the dignity of our baptism which has made us a priestly people.

We are learning that we must all be servants of one another at the liturgy.

We are moving from seeing actions in our worship as "things needing doing" to assisting we one another as disciples.

We are embedding – after more than half a century – the vision of the Second Vatican Council.

In a nutshell:

We are not changing our rubrics; we are changing our mind-sets.

We are not changing technical names; we are changing our theology and our practice.

Thomas O'Loughlin is a priest of the Catholic Diocese of Arundel and Brighton and professor of historical theology at the University of Nottingham (UK). His latest book is Eating Together, Becoming One: Taking Up Pope Francis's Call to Theologians (Liturgical Press, 2019).

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[1] Celui qui assure le service (de la table eucharistique)

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Date de dernière mise à jour : 28/08/2021