Qui est le Cardinal Hollerich ?

Qui est le Cardinal Hollerich ?

Luke Coppen

2 juillet 2022

The Pillar (Le Pilier)[1]

Il est l'archevêque de l'un des plus petits pays du monde. Mais le cardinal Jean-Claude Hollerich est aussi l'un des dirigeants catholiques les plus influents d'Europe.

Comment l'archevêque du Luxembourg, âgé de 63 ans, a-t-il atteint une telle notoriété ? Comment va-t-il influencer l'Église dans les années à venir ?

Le Pilier regarde.

Né et grandi au Luxembourg

Jean-Claude Hollerich est le 9 août 1958 à Differdange, dans le sud-ouest du Luxembourg, près de la frontière française. Mais il a grandi à Vianden, dans le nord-est, près de la frontière allemande. Dès son plus jeune âge, il a vécu à la jonction des cultures - une caractéristique de la place du Luxembourg dans l'Europe.

J. C. Hollerich a été élevé dans la religion catholique au sein de l'archidiocèse de Luxembourg, dont les racines sont anciennes, mais qui n'a été élevé au rang d'archidiocèse qu'en 1988. L'archevêché, qui est directement soumis au Saint-Siège, couvre la totalité du pays.

La nation est connue sous le nom de Grand-Duché de Luxembourg. Elle a une population d'environ 645 000 personnes et s'étend sur seulement 2 600 km carrés. Si le luxembourgeois est la langue nationale officielle, le français et l'allemand sont largement parlés dans ce pays enclavé bordé par la Belgique, l'Allemagne et la France.

Mgr Hollerich a été nommé archevêque de Luxembourg par Benoît XVI en 2011. Lorsqu'il célèbre la messe dans sa cathédrale, il prononce l'homélie en français et en luxembourgeois. La communauté catholique locale, très diversifiée, comprend des anglophones, des lusophones, des italiens, des polonais, des hongrois et des philippins.

Les jésuites et le Japon

J. C. Hollerich a commencé à étudier pour devenir prêtre en 1978 à l'Université Grégorienne de Rome. En 1981, il entre dans la Compagnie de Jésus et fait son noviciat dans la province jésuite de Belgique du Sud et du Luxembourg.

En 1985, le jeune jésuite part pour le Japon, où il s'imprègne de la langue et de la culture locales tout en suivant des cours de théologie à l'université Sophia de Tokyo, fondée par les jésuites en 1913.

Après quatre ans en Extrême-Orient, il poursuit ses études dans la ville allemande de Francfort. Son immersion dans le monde théologique allemand se révélera plus tard importante.

Il a été ordonné prêtre à Bruxelles, en Belgique, en 1990, puis a entrepris des études supérieures en langue et littérature allemandes à l'université Ludwig-Maximilians de Munich.

De 1994 à 2011, J. C. Hollerich enseigne les civilisations allemandes et européennes à l'université Sophia, devenant professeur titulaire en 2006.

En 2002, il a prononcé ses vœux perpétuels à l'église Saint-Ignace de Tokyo, entrant ainsi dans la province jésuite du Japon. En 2008, il est devenu recteur de la communauté jésuite de l'Université Sophia.

Dans une récente interview accordée au magazine allemand Herder Korrespondenz[2], M. Hollerich a déclaré que le Japon l'avait profondément changé.

"Je suis un évêque qui vient du Japon, et je pense que beaucoup au Luxembourg n'ont pas encore pleinement compris ce que cela signifie", a-t-il déclaré.

Il a ajouté : "Au Japon, j'ai appris à connaître une autre façon de penser. Les Japonais ne pensent pas selon la logique européenne des contraires. Nous disons : C'est noir, donc ce n'est pas blanc. Les Japonais disent : C'est blanc, mais c'est peut-être aussi noir. Au Japon, vous pouvez combiner les opposés sans changer de point de vue."

La scène européenne

Peu de temps après son installation au Luxembourg, J. C. Hollerich a accédé à des postes de direction au sein des institutions catholiques européennes.

En 2014, il a été nommé président de la Conférence des commissions Justice et Paix européennes. En 2017, il a été choisi pour diriger la commission jeunesse du Conseil des conférences épiscopales d'Europe (CCEE). Un an plus tard, il est devenu Président de la Commission des conférences épiscopales de l'Union européenne (COMECE), et en 2021 il a été élu vice-président du CCEE.

Ces postes ont permis au cardinal de se constituer un réseau de contacts au sein de l'Église catholique en Europe. Ils l'ont également placé dans le collimateur du Vatican. En 2019, le pape François l'a nommé cardinal. Des nominations en tant que membre du Conseil pontifical pour la culture, du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux et de la Congrégation pour l'éducation catholique ont suivi.

J. C. Hollerich est très conscient du déclin de la foi catholique en Europe, disant que la COVID-19 a accéléré de 10 ans la sécularisation du continent. Lors du Congrès eucharistique international en Hongrie en 2021, il a reconnu que "la foi en Europe était devenue une toute petite flamme".

Il est n’est pas certain sur ce qu'il faut faire à ce sujet. Dans son interview à Herder Korrespondenz, le cardinal a insisté sur le fait qu'il n'était "pas un prophète".

Il a déclaré :

"Nous devons apprendre que l'Évangile doit être interprété encore et encore dans les situations d'aujourd'hui. Ainsi de nouvelles approches doivent émerger. L'exégèse scientifique nous a montré que ce qu'on appelle la Parole de Dieu a été écrite par des communautés qui utilisaient des modèles narratifs spécifiques. Cette réflexion peut nous aider à comprendre le sens de la foi aujourd'hui."

"Je ne suis pas un prophète, donc je ne peux pas dire exactement comment nous devons faire. Mais en même temps, je vois précisément les limites de notre système, qui a du mal à reformuler la foi. Au Moyen Âge, la plupart des croyants ne savaient pas lire, et pourtant la foi a été transmise. Quand on regarde l'abbaye d'Echternach[3] et ses évangiles, on finit par comprendre comment la transmission de la foi va au-delà de l'écrit."

Pilotage du synode sur la synodalité

En 2021, J. C. Hollerich reçoit sans doute la nomination la plus importante de sa carrière ecclésiastique lorsque le pape le choisit comme rapporteur général du prochain synode sur la synodalité.

Le rapporteur général joue un rôle essentiel dans l’assemblée du Synode des évêques, ouvrant le rassemblement par un rapport et présidant à la préparation du document final qui est soumis aux participants pour approbation.

Être nommé rapporteur général est un signe significatif de la faveur papale. Le pape François a lui-même assumé ce rôle lors de l'assemblée du Synode des évêques de 2001, après le retour du cardinal Edward Egan à New York à la suite du 11 septembre 2001.

Pourquoi le pape a-t-il choisi J. C. Hollerich pour ce rôle exigeant ? Il n'a jamais donné d'explication publique. Plusieurs points peuvent avoir recommandé le cardinal pour ce rôle.

Premièrement, c’est un jésuite comme le pape. Le pape François a l'habitude de nommer des jésuites à des postes sensibles, comme en témoignent son choix du cardinal Luis Ladaria Ferrer comme responsable de la doctrine[4] et sa nomination du père Stephen Chow comme évêque de Hong Kong.

En tant que membre de la Compagnie de Jésus, J. C. Hollerich est profondément imprégné du concept de "discernement", que le pape François a récemment décrit comme le "charisme" des jésuites. Le discernement est au cœur de ce que le pape entend par "synodalité", qui, insiste-t-il, n'est pas une délibération parlementaire mais un acte collectif de discernement de la volonté de l'Esprit Saint pour l'Église.

Deuxièmement, J. C. Hollerich est une figure centrale. Il est à l'aise à la fois dans le monde catholique français et dans le monde catholique allemand, et grâce à ses fonctions européennes, il comprend la situation de l'Église en Europe. Il a également une grande expérience de l'Asie, que le pape aurait appelée "l'avenir de l'Église". Ce cardinal polyglotte est à l’aise pour rassembler des personnes d'horizons culturels variés.

Quelle est sa position ?

Le commentaire le plus célèbre de J. C. Hollerich est que l'enseignement de l'Église catholique sur l'homosexualité n'est "plus juste".

Il est particulièrement significatif qu'il ait fait cette remarque lors d'un entretien avec l'agence de presse catholique allemande KNA. L'opinion du cardinal fait écho à celle des participants au "Chemin synodal" allemand, qui ont récemment soutenu un projet de texte appelant à la "réévaluation de l'homosexualité comme une variante normale de la sexualité humaine".

La déclaration du cardinal a suscité des critiques, notamment de la part du cardinal George Pell, qui a exhorté le dicastère doctrinal du Vatican "à intervenir et à prononcer un jugement sur ce rejet massif et explicite de l'enseignement de l'Église catholique sur l'éthique sexuelle". Ni le Vatican ni le pape François n'ont répondu publiquement à cette demande.

J. C. Hollerich a souvent exprimé son admiration pour le projet synodal allemand, déclarant qu'il avait un "grand respect" pour lui car il ose "poser de très grandes questions". Il a modéré son avis en notant que d'autres parties de l'Église trouvent ses propositions inacceptables.

Dans l'interview accordée à Herder Korrespondenz, il a dit qu'il n'avait rien contre l'introduction de femmes diacres. "Mais les réformes ont besoin d'une base stable", a-t-il déclaré. "Si le pape se contentait aujourd’hui d'autoriser l’ordination de viri probati (des hommes matures et mariés) et de diaconesses, le danger de schisme serait grand."…"Il ne s'agit pas seulement de la situation allemande, où peut-être seule une petite partie ferait sécession. En Afrique ou dans des pays comme la France, de nombreux évêques ne seraient peut-être pas d'accord."

J. C. Hollerich a accusé les évêques allemands de mal comprendre le pape François en déclarant : "Le pape n'est pas libéral, il est radical. C'est de la radicalité de l'Évangile que vient le changement."

Sans surprise, le cardinal a une vision négative du traditionalisme. Il a déclaré à Herder Korrespondenz qu'il utilisait occasionnellement le latin lorsqu'il célébrait la messe dans sa chapelle privée, mais qu'il était réticent à le faire en public.

Quant à la cappa magna, la "grande cape" portée par les cardinaux soucieux de tradition, J. C. Hollerich a déclaré que s'il la portait, il aurait l'impression de "trahir le Christ".

Sa future influence

À la suite du synode sur la synodalité - que certains commentateurs ont présenté comme le rassemblement catholique le plus important depuis Vatican II - J C. Hollerich est susceptible de devenir une figure encore plus importante.

Son rôle de rapporteur général prendra fin avec le synode. Son mandat de cinq ans en tant que président de la COMECE se termine fin 2023, mais il pourra être élu pour un second mandat, comme son prédécesseur, le cardinal Reinhard Marx.

Dans un conclave, J. C Hollerich jouera un rôle important en raison de sa notoriété et de ses relations au sein de l'Église.

Traduit par Jean-Paul 


[1] Magazine catholique nord-américain. Son titre fait référence à la femme de Lot changée en statue de sel (Cf. Gn 19).

[2] Fondé en 1946 et publié par les Éditions HERDER. Magazine mensuel de grande réputation traitant des développements de l’Église, de la religion et de la société.

[3] Monastère bénédictin luxembourgeois fondé au VIIe siècle. Les « Évangiles d’Echternach » lui furent transmis d’Irlande et donnèrent naissance à sa réputation de rédacteur de codex majeurs et de propagateur de la foi.

[4] Préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi

Ajouter un commentaire