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“Le monde séculier nous libère d’être chrétiens par habitude” - Arturo Sosa, sj - La Croix 24/10/2018

Synode 2018 : “Le monde séculier nous libère d’être chrétiens par habitude”, affirme le père Sosa, sj

24 octobre 2018, discours du père Sosa, sj, lors du Synode sur les jeunes

La Croix , le 09/11/2018

Texte original espagnol (*)

Le père Arturo Sosa, supérieur général des jésuites, s’est exprimé le 24 octobre 2018 devant le Synode sur les jeunes qui s’est réuni au Vatican du 3 au 28 octobre 2018. Intervenant sur la question de la sécularisation de la société contemporaine, il a proposé au Synode de la considérer non pas de manière négative mais plutôt comme « un signe des temps » dans le sens théologique de Vatican II. Un processus de la pensée, a expliqué le père Sosa, qui nous conduit à prendre conscience « de la manière dont le monde séculier nous libère d’être chrétiens par habitude » ; qui nous libère de fonder dans la religion « l’identité tribale, l’identité nationale ou toute autre identité étrangère à l’expérience spirituelle » ; qui nous conduit à retrouver « l’importance de l’annonce de la foi et de l’accompagnement pastoral » et qui, enfin, nous fait prendre conscience de l’importance de l’existence « des communautés chrétiennes ».

La DC

Saint-Père, frères et sœurs,

La confrontation avec la réalité, dans le cadre du discernement, suppose une analyse (une interprétation) adéquate de la réalité dont on a pris conscience. Je perçois dans l’Instrumentum laboris (1) une vision simplifiée et négative de la sécularisation. Alors que c’est une caractéristique du changement d’époque que nous vivons, elle est à peine mentionnée dans la première partie comme une sorte d’étape sombre en voie d’être dépassée, elle n’apparaît plus du tout dans la deuxième partie qui cherche à interpréter la réalité et à discerner l’action de Dieu dans l’histoire, pour réapparaître – mentionnée brièvement – dans quelques données numériques de la troisième partie, toujours sur un ton négatif.

Et si nous osions plutôt considérer la sécularisation comme un signe des temps, dans le sens théologique que le concile Vatican II a donné à cette expression ? Il s’agit de voir la sécularisation, et le monde séculier qui en émerge, comme une des manières par lesquelles l’Esprit nous parle et nous guide à l’époque actuelle. Au lieu de multiplier les lamentations sur le passé idéalisé qui a disparu, demandons-nous sincèrement ce que le Seigneur nous dit par la sécularisation, vers où l’Esprit Saint nous conduit sur le chemin vécu en humanité.

Demandons-nous, par exemple, de quoi la sécularisation nous libère. Une réponse nous amènerait à différencier divers types de réactions provoquées par la sécularisation.

a) L’une est la laïcité combative qui lutte contre toute forme de foi religieuse à partir d’un athéisme militant.

b) Dans d’autres cas, la laïcité se présente sous l’aspect de l’indifférence à l’expérience religieuse.

c) L’un des effets fréquents de la sécularisation est l’interruption de la transmission sociale de la religion qui conduit à l’ignorance de la foi, de l’expérience religieuse et de la religion elle-même.

d) Lorsque la société devient séculière, le désir de connaître le religieux et l’expérience de la foi surgit chez beaucoup de gens. À ce stade, la lutte contre la religion a été dépassée et l’indifférence se change en recherche sur le phénomène religieux. Ainsi, par curiosité, beaucoup de jeunes viennent voir ce qu’ils peuvent trouver là.

Percevoir le processus de sécularisation comme un signe des temps nous conduit à :

1. Prendre conscience de la manière dont le monde séculier nous libère d’être chrétiens automatiquement, par habitude, parce que nous vivons dans un environnement chrétien, parce que nous faisons partie d’une famille chrétienne dans une société chrétienne. Dans une société séculière, on est chrétien parce qu’on veut l’être, parce que la question a été posée, qu’on s’est informé, qu’on a discerné et choisi d’être chrétien.

2. La société séculière nous libère aussi de fonder dans la religion l’identité tribale, l’identité nationale ou toute autre identité étrangère à l’expérience spirituelle qui, elle, nous invite à nous reconnaître comme humains, frères et sœurs, fils et filles du même Père.

3. La société séculière nous conduit à retrouver l’importance de l’annonce de la foi et de l’accompagnement pastoral de la maturation humaine et chrétienne. La première annonce de la foi devient ainsi une dimension clé du travail de l’Église dans ce type de société. L’annonce de la foi est basée sur le témoignage des apôtres auxquels Jésus, le crucifié ressuscité, s’est manifesté. Aujourd’hui, il y a des témoins qui ont eu une rencontre personnelle avec le Christ et qui en témoignent par leur vie de disciples.

4. L’annonce est suivie par le long et complexe processus d’accompagnement de la maturation de la foi. L’expérience de la foi ne produit pas des sujets d’une seigneurie terrestre, mais plutôt des disciples volontaires de la Seigneurie universelle du crucifié-ressuscité, celle dont ils ont librement choisi de devenir disciples. D’où l’importance des communautés chrétiennes. Nous savons que la foi chrétienne n’est pas vécue de manière isolée ; la foi chrétienne est vécue en communauté et c’est la communauté qui garantit cet accompagnement du processus de maturation de la foi.

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(*) Traduction française de la Curie jésuite de Rome. Titre et note de La DC.