Il est malsain d’être obsédé

Il est malsain d’être obsédé par les évêques

L'expérience naissante de l'Église catholique en matière de synodalité peut-elle conduire à une révision de sa structure d'autorité descendante et monarchique ?

Robert Mickens

La Croix International

Italie

19 novembre 2022

Nous sommes tous coupables, du moins beaucoup d'entre nous dont le métier est de rapporter ou de commenter les informations sur l'Église catholique. Admettons-le : nous sommes obsédés par les évêques. Ils sont presque toujours le point central ou du moins une part importante de tout ce que nous écrivons.

Pourquoi pas ? Les évêques sont considérés comme les "successeurs des apôtres par institution divine". Ils sont "maîtres de la doctrine, prêtres du culte sacré et ministres du gouvernement". Ce sont les hommes à qui Dieu a confié la "fonction de gouverner" l'Église (cf. Code de droit canonique, n° 375).

Les évêques sont les "grands prêtres" du catholicisme, désignés comme les "principaux dispensateurs des mystères de Dieu" (can. 853). Wow ! Quels personnages puissants et importants !

Les évêques possèdent presque toute l'autorité dans l'Église. Ils la délèguent parfois à d'autres, mais rien dans la loi ne les oblige à le faire. En fait, aucune modification significative ne peut avoir lieu dans notre vie cultuelle et aucun changement important de personne ne peut être fait sans leur consentement. Dans les diocèses, les évêques ont le dernier mot sur toutes les questions majeures concernant la communauté de foi locale.

Comme un monarque absolu

Ajoutons notre obsession pour le super-évêque, l'évêque de Rome. Communément appelé par son titre de pape ou avec dévotion Saint-Père, il est canoniquement désigné comme le Pontife romain ou suprême.

Il "jouit dans l'Église du pouvoir ordinaire suprême, plénier, immédiat et universel, qu'il peut toujours exercer librement" (can. 331). En effet, "Il n'y a ni appel ni recours contre une décision ou un décret du Pontife Romain" (can. 333 §3). Le pape est au sommet d'une structure de pouvoir qui n'existe que dans les monarchies absolues (Il en reste peu aujourd'hui) ou les dictatures.

Théologiquement l'évêque de Rome n'est pas un super-évêque. Au cours des premiers siècles du christianisme, plusieurs papes ont régulièrement étendu leur autorité juridique sur les autres Églises locales et, assez rapidement, la papauté impériale ou monarchique a été pleinement établie.

Si, autrefois, le peuple et le clergé des communautés chrétiennes locales élisaient les évêques - quand ce n'était pas les souverains temporels qui les choisissaient -, aujourd'hui c'est le pape qui "nomme librement les évêques ou confirme ceux qui ont été légitimement élus" (can. 377 §1).

Administrateur suprême et juge suprême

Qu'en est-il des biens temporels de l'Église ? "En vertu de sa primauté dans le gouvernement, le Pontife romain est l'administrateur suprême et le gardien de tous les biens ecclésiastiques" (can. 1273).

Si un évêque local veut vendre des biens ecclésiastiques il doit obtenir l'approbation du Siège apostolique (Également appelé le Saint-Siège, un autre nom pour la papauté romaine) en fonction de leur valeur pécuniaire ou culturelle et de leur provenance (par exemple s'ils ont été légués).

En matière judiciaire, si "l'évêque diocésain est le juge en première instance dans chaque diocèse et pour tous les cas non expressément exceptés par la loi" (can. 1419 §1), c'est le pape qui est "le juge suprême pour tout le monde catholique". Il peut juger ou trancher les affaires personnellement ou par l'intermédiaire des tribunaux du Siège apostolique (cf. canon 1442).

Vous avez probablement remarqué que le Code de droit canonique aime utiliser le mot "suprême" lorsqu'il fait référence au pape et à son autorité. Donc, oui, lui et ses collègues évêques sont très importants dans l'Église catholique. Il n'est pas surprenant qu'ils soient sous le feu des projecteurs de la presse qui n’est généralement pas très flatteuse pour nombre de ces "successeurs des apôtres".

Un modèle brisé

Le problème est que presque tous ces hommes venant de sociétés considérées comme des démocraties tentent de "guider" les membres de leurs diocèses par une structure juridiquement descendante et quasi-monarchique. C'est une situation inconfortable pour la plupart d'entre eux et pour leurs concitoyens. J'imagine que la plupart des évêques ne veulent pas agir en dictateurs. Cependant ils travaillent sous une pression intense dans un système où la responsabilité leur incombe totalement.

Les évêques les plus efficaces semblent être ceux qui ne craignent pas de déléguer généreusement leur autorité et de partager leur pouvoir. Combien le font ? La responsabilité leur incombant « in fine » beaucoup d'évêques ne prête pas ou peu d’attention à la manière dont ils partagent leur pouvoir que ce soit par un noble sens du devoir ou par peur de perdre le contrôle. C'est souvent la recette du désastre.

Il y a des évêques qui croient qu'ils doivent constamment "corriger" ceux dont ils ont la charge parce qu’ils s'écartent, même légèrement, de la loi ou de l'enseignement le plus insignifiant de l'Église. Leur zèle à vouloir tout diriger les amène à démoraliser leur peuple et leurs prêtres. La récente enquête du Catholic Project, qui a montré que la plupart des prêtres aux États-Unis ont de sérieux problèmes de confiance avec leurs évêques en est la preuve. La situation n'est probablement pas très différente chez les prêtres de beaucoup d'autres pays.

Les évêques américains - du moins en tant que conférence épiscopale nationale - ne représentent probablement pas fidèlement la hiérarchie catholique dans le monde. Au cours de l'assemblée de leur conférence la semaine dernière, ils ont élu de nouveaux dirigeants qui sont soit en opposition avec les priorités pastorales du pape François ou ne les partagent pas totalement (par exemple le dialogue avec la société, l'accompagnement des personnes en marge) -Il en va de même pour la synodalité dans l'Église.

La synodalité est-elle la réponse au problème ?

Dans l'ensemble, les évêques des États-Unis sont parmi ceux qui ont montré peu d'intérêt pour la large consultation de tous les baptisés qui est une partie clé du processus synodal (comme beaucoup de leurs pairs dans d'autres parties du monde). La réponse des évêques américains à ces consultations qui se sont déroulées de manière très inégale dans le pays, a été considérée par de nombreuses observateurs indépendants comme peu honnête, ne reflétant pas le sentiment général des catholiques américains.

Le processus synodal ne fait que commencer. Il n'en est qu'à ses débuts. Encore ambivalent il suscite beaucoup de scepticisme et même d'hostilité. Mais s'il commence réellement à s'enraciner dans l'Église et que la hiérarchie se trouve dans l'obligation de dialoguer - voire de débattre - avec le peuple de Dieu, il lui sera presque impossible d'ignorer ou de rejeter les appels au changement et à la réforme qu'il suscite.

De toute évidence, l'idée de synodalité ne peut trouver sa place dans un système monarchique descendant où seul un petit groupe d'hommes célibataires prend toutes les décisions. Mais si elle devient constitutive de l'Église, comme le dit le pape François, sa structure devra être modifiée. Sinon, la synodalité finira par n'être qu'un slogan vide, voire une farce, par exemple si les fidèles continuent à ne pas avoir leur mot à dire sur la façon dont leurs évêques sont choisis, y compris le Souverain Pontife, l'évêque de Rome.

Pour en savoir plus : https://international.la-croix.com/news/letter-from-rome/unhealthy-obsession-with-bishops/16921

Traduit par Jean-paul

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