Les vertus de la synodalité : éviter le langage confus

Les vertus de la synodalité : éviter le langage confus

Si nous devons nous écouter les uns les autres dans une Église synodale, nous devrons éviter que l'utilisation d'un langage mal ajusté ne nous égare.

Thomas O'Loughlin

Royaume-Uni

31 janvier 2022

 

Nous utilisons les mots de manière imprécise. Nous le faisons tous. Nous utilisons des raccourcis pour la rapidité ou par paresse. Nous utilisons des mots qui "marchent" même s'ils incommodent les autres ou perturbent le dialogue.

J'ai grandi dans une maison où un stylo à bille était un Biro[1] et où un aspirateur était un Hoover et où il fallait "passer l'aspirateur". Il s'agissait d'inexactitudes techniques, mais personne n'était blessé. Nous ne possédions pas d'aspirateur fabriqué par la société Hoover et n'utilisions qu'occasionnellement des stylos à bille fabriqués par Biro.

Il est très significatif que nous utilisions par ailleurs un langage qui non seulement trahissait nos partis pris et nos préjugés, mais qui les perpétuait et les ancrait davantage chaque fois que nous le pratiquions. Je me souviens qu'il était courant de parler de la naissance d'un "fils", alors qu'un bébé de sexe féminin était un "enfant".

Un de mes oncles n'avait que des filles et je me souviens que ses frères et sœurs (c'est-à-dire mes parents, mes tantes et mes oncles) se lamentaient sur ce fait : "Pauvre Joe, il n'a que des filles".

Lorsque j'ai entendu cela pour la première fois, nous, les enfants, étions en train de jouer et on supposait que nous n'entendions pas ce que les adultes disaient. Je ne savais pas trop pourquoi mais j'avais donc l'impression qu'il était bien mieux d'avoir des fils plutôt que des filles.

La remise en question de ces stéréotypes et préjugés est rejetée par ceux qui la qualifient de rétrograde. Cependant, si vous avez déjà fait l'objet de préjugés - en raison de votre sexe, de votre race, de votre nationalité, de votre morphologie, de votre handicap ou de votre orientation sexuelle - vous êtes heureux lorsque l’abus de langage cesse.

Le faux langage dans le catholicisme

L’histoire des abus de langage dans notre Église est longue.

Prenez le mot "Messe" - qui vient d'une mauvaise compréhension du mot « envoi » - alors que ce que nous voulons dire « Eucharistie ». Pensez au mot "Église", qui signifie « Assemblée du peuple » et qui est utilisé pour désigner un bâtiment. On se demande pourquoi on oublie souvent que nous sommes une communauté. « Église » est un mot qui fait référence à un groupe humain. La liste est longue...

Pour nous entendre dans une Église synodale, nous devrons être prudents pour ne pas nous égarer dans un langage approximatif.

Qui est le célébrant ?

Voici un exemple de confusion liturgique qui ne permet pas de vivre pleinement notre foi.

L’image du prêtre à l’autel donne l'impression que la célébration est uniquement son œuvre : n’est-ce pas une trahison de notre théologie ?

Beaucoup de gens pensent qu'à l'Eucharistie, il y a le célébrant et puis les autres : les laïcs.

C'est compréhensible : il doit y avoir au moins un prêtre (qu'il y en ait 10, ou 20, ou 200 autres ne change rien) - pas de prêtre, pas de célébration - mais un laïc en moins et la célébration se déroule quand même.

Ce n’est pas la réalité de ce que nous faisons en tant qu'Église, une communauté qui forme le Corps du Christ. Nous nous réunissons tous pour célébrer et remercier le Père dans, avec et par son Christ.

Chacun des baptisés est un célébrant.

Nous devons dire à l’assemblée que l’Eucharistie ce n’est pas un acteur et un public. Nous sommes tous célébrants. Nous devons progresser dans notre compréhension que toute liturgie est l'œuvre de l'ensemble de l’assemblée sacerdotale.

Chaque personne de l'assemblée célèbre en tant que membre du peuple saint de Dieu, le prêtre préside.

Qui est le célébrant principal ?

Lorsqu'il y a plusieurs prêtres dans une célébration eucharistique, l'un d'eux doit présider. Mais quelqu'un peut demander (comme je l'ai souvent entendu) : "Qui est le célébrant principal ?". La question sous-entend : "Qui est le célébrant principal parmi les prêtres ?"

Cette question tombe dans le piège de penser que l'Eucharistie est l'œuvre du prêtre ou des prêtres, plutôt que de la concevoir appartenant (de différentes manières) à toute l’assemblée.

Revenons à la question : Qui est le célébrant principal ? La seule réponse cohérente avec Sacrosanctum Concilium, le document du Concile Vatican II sur la liturgie, est la suivante : le célébrant principal est l'assemblée tout entière.

Synode signifie "nouvelles relations".

Beaucoup se demandent quelle sera l'issue du processus synodal.

Certains recherchent de nouvelles structures et d'autres pensent que c'est ce que nous devrions éviter.

Certains au Vatican croient pouvoir orienter le processus de manière à éviter les questions délicates telles que l'ordination des femmes ou la suppression du célibat sacerdotal obligatoire. On nous dit aussi que l'évêque de Rome veut que l'accent soit mis sur l'évangélisation.

Le problème est simple : dès que vous demandez à l’être humain ses espoirs et ses craintes, il vous le dit. Si vous ne voulez pas que ces pensées gênantes fassent l'objet de discussions, alors ne lui demandez pas !

Qu'apportera la synodalité ? Nous ne le savons pas.

Je soupçonne qu'elle décevra beaucoup de gens des deux côtés. Le défi sera d'éviter le schisme. Pour éviter une telle crise considérons ce processus comme la création de nouveaux modes de relation.

À cet égard, rien n'est plus urgent que d’abandonner la conviction que c'est à la célébration du prêtre que les fidèles assistent.

Nous sommes tous des célébrants, la communauté doit devenir célébrante.

Thomas O'Loughlin est prêtre du diocèse catholique d'Arundel et Brighton et professeur émérite de théologie historique à l'université de Nottingham (Royaume-Uni).

Son dernier livre est “Eating Together, Becoming One : Taking Up the Pope Francis's Call to Theologians” (Mangeons ensemble, devenons un : l’appel du pape François aux théologiens), Liturgical Press, 2019.

Pour en savoir plus : https://international.la-croix.com/news/religion/synodality-virtues-avoid-confusing-language/15566

Traduit par Jean-paul*

Synodality Virtues: avoid confusing language

If we are to listen to one another in a synodal Church, then we will have to be more careful lest our use of sloppy language leads us astray

By Thomas O'Loughlin

United Kingdom

January 31, 2022

We all do it! We use language inaccurately. We use short-hands – for speed or out of laziness. We use words that "work" even when they insult others or falsify the situation.

I grew up in a home where a ball-point pen was a "Biro" and a vacuum-cleaner was a "Hoover" and there was "hoovering" to be done. These were technical inaccuracies but no one was hurt.

We did not even own a vacuum-cleaner made by the Hoover Company and only occasionally used ball-points made by Biro.

But it is far more significant that we also used language that not only betrayed our biases and prejudices, but which perpetuated and further embedded them every time we used them. I recall that it was common to refer to "a son" being born, whereas a female infant was a "child" or "merely a child".

One of my uncles had only daughters and I can recall his brothers and sisters (i.e. my parents and aunts and uncles) lamenting the fact: "Poor Joe, he has only daughters.

"When I first overheard this being said – we children were playing and so it was assumed we did not hear what the adults were talking about – I was not sure why this was such a pity, but I did perceive that it would be much better to have sons rather than children.

Challenging such stereotypes and prejudice is currently dismissed by reactionaries as "wokeness".

However, if you have ever been on the receiving end of prejudice – for your gender, race, nationality, body-shape, disability or sexual orientation – then you are glad when such mis-use of language stops.

False language in Catholicism

We have a long history of sloppy language in our Church. Just take the word "Mass" – which comes from mis-understanding the dismissal – when what we mean is Eucharist.

Think of the word "Church", which means the assembly of the people. But most use it for a building. We then wonder why we often forget that we are a community! Church is first and foremost a word referring to a human group.

The list goes on … .But if we are to listen to one another in a synodal Church, then we will have to be more careful lest our use of sloppy language leads us astray.

Who is the celebrant?

Here is just one example of how we confuse ourselves and so fail to appreciate our doctrine and what we are doing when we celebrate the liturgy.

This is a standard image for a celebration of the Eucharist. But is it a false image? Does it give the impression that the celebration is solely the work of the presider? With images like this – taken as tantamount to being images of the Eucharist – are we betraying our theology?

Many people think that at the Eucharist there is a celebrant (i.e. someone in presbyteral orders) and then there are the others – the laity.

This is perhaps understandable. There must be at least one presbyter, but whether there are 10, or 20, or 200 others does not seem to matter? One less presbyter, then no celebration. But one less non-presbyter, and the celebration goes ahead.

But that fails to express the reality of what we are doing as a Church, a community that forms the Body of Christ.

We all gather to celebrate and thank the Father in, with and through his Anointed One.

Each of the baptized is a celebrant.

The gathering needs to realize that this is not a few actors and then a large audience. We are wholly celebrant.

We need to grow in our understanding that the liturgy is the work of the whole priestly people.

Each person in the assembly celebrates as a member of the holy People of God. The presbyter presides.

Who is the principal celebrant?

When there are several clergy around for a celebration of the Eucharist, one still has to preside. But someone might ask (as I have often heard), "Who is the principal celebrant?"

Understood within the question is this surface-level assumption: "Who is the principal celebrant among the presbyters assembled here?"

But this question falls into the trap of thinking of the Eucharist as the work of the priest or the priests, rather than seeing the liturgy as belonging (in differing ways) to all God's people.

So back to the question: Who is the principal celebrant? The only answer that is consistent with Sacrosanctum Concilium, the Second Vatican Council's document on the liturgy, is this: the main, principal celebrant is the whole assembly.

Synod means "new relationships"

Many people are wondering what the outcome of the synodal process will be. Some seek new structures and some imagine that such are the very things we should be avoiding.

Some in the Vatican, we are told believe they could guide the process to avoid all the awkward questions such as the ordination of women or removing obligatory sacerdotal celibacy. We are told that the Bishop of Rome wants the focus to be on evangelization.

The simple problem is that as soon as you ask people about their hopes and fears, they tell you! If you do not want to have such awkward thoughts brought into discussion, then do not ask people!

So what will synodality bring? We do not know. I suspect that it will disappoint many on both sides. Then the challenge will be to avoid schism.

One thing that may help avert such a crisis is to think of this process as establishing new ways of relationship.

In this, nothing could be more urgent than to move beyond the notion that it is the presbyter's celebration which people attend.

We are all celebrants. Our community must become wholly celebrant.

Thomas O'Loughlin is a presbyter of the Catholic Diocese of Arundel and Brighton and professor-emeritus of historical theology at the University of Nottingham (UK). His latest book is Eating Together, Becoming One: Taking Up Pope Francis's Call to Theologians (Liturgical Press, 2019).

Read more at: https://international.la-croix.com/news/religion/synodality-virtues-avoid-confusing-language/15566


[1] Le Bic français, ndt

Ajouter un commentaire