USA - L'enseignement de l'Église change-t-il ? - LCI 31/07/2019

John O'Malley, sj, explore la doctrine de l'Église aux conciles de Trente, Vatican I et Vatican II

L'enseignement de l'Église change-t-il ?

John O'Malley, sj, explore la doctrine de l'Église aux conciles de Trente, Vatican I et Vatican II

 

John W. O'Malley

États Unis

31 juillet 2019

 

Cet article est un extrait de « Quand les évêques se rencontrent : un essai comparant les conciles de Trente, Vatican I et Vatican II », publié ce mois-ci par Harvard University Press. (Copyright © 2019 par le président et les membres du Harvard College).

 

Les textes des premiers conciles de l'Eglise trahissaient de manière caractéristique une forte continuité avec les enseignements et les pratiques antérieures bien qu’ils aient reconnu que certains enseignements et coutumes dussent être corrigés - ce qui est en soi une forme de changement -.

Ils ont appelé à la poursuite de la mise en pratique des anciennes coutumes et traditions  - antiqua lex, antiqua traditio -.

Les documents des conciles médiévaux suivent en grande partie le même schéma. Bien qu’ils soient enracinés dans la culture et les structures institutionnelles de leurs époques, ces conciles ne saisirent pas la tension entre le passé et le présent : ils n’ont donc jamais ressenti la nécessité de s’attaquer directement à cette divergence.

Ce n’est qu’à la Renaissance italienne du XVe siècle, puis à la Réforme au début du siècle suivant, que cet état d’esprit a été sérieusement ébranlé. Le concile de Trente a donc été le premier concile à prendre en compte ces défis.

 

Le concile de Trente

Luther voyait dans sa doctrine de la justification par la seule foi le cœur même du message évangélique.

Le refuser, c'était rejeter le christianisme lui-même. Alors qu'il commençait à ressentir l'hostilité de la hiérarchie de l'Eglise et des théologiens au sujet de son enseignement, Luther conclut que l'Eglise avait non seulement échoué à proclamer l'Evangile, mais en avait affirmé l'antithèse, à savoir l'hérésie de la justification par les œuvres.

L'Eglise avait trahi l'enseignement du Christ et avait ainsi cessé d'être la vraie Eglise. Au cours des siècles, l'Eglise a changé, Luther est resté, et le pire est advenu.

Entre l’Eglise institution et l’assemblée des chrétiens fondée par le Christ, les siècles ont creusé un fossé. L'Eglise du temps de Luther avait rompu avec l'enseignement du Christ et des apôtres.

Lorsque les évêques se sont réunis à Trente en 1545, ils ont vite compris que la justification était la question doctrinale essentielle. Après sept mois de discussions parfois acerbes, ils ont finalement été en mesure de rédiger une déclaration qui a recueilli leur écrasante approbation.

Ni à ce moment ni à aucun autre, le concile n'a explicitement discuté de la question de savoir si l'Eglise avait failli à proclamer la vraie doctrine.

Les prélats de Trente ont supposé que l'enseignement de l'Eglise était en continuité avec l'enseignement de l'Évangile. Ils ont donc simplement affirmé, ou laissé entendre, que ce qu'ils enseignaient était orthodoxe et fidèle à la tradition.

 

Au début du XXe siècle, l’important historien et philosophe anglais R. G. Collingwood qualifia ce style de pensée historique de « substantialisme » ; il le considérait comme le principal défaut des anciens historiens romains.

Tite-Live, par exemple, a pris pour acquis que Rome était une entité immuable qui naviguait au travers de la mer des siècles sans en être affectée. Les penseurs chrétiens ont hérité de cette tradition et, sans l'analyser, l'ont appliquée à l'Eglise.

Au moment du concile, cependant,  de nombreux européens étaient conscients de vivre dans une période particulièrement délétère. Leur époque a été la pire de toutes, le point le plus bas du long processus de déclin d’un passé plus authentique et pur.

L'Eglise, pensaient-ils, n'était pas à l'abri de ce processus. Pour les catholiques et en particulier pour les évêques rassemblés à Trente, les bouleversements survenus à la suite de la Réforme ont confirmé et exacerbé la prise de conscience de l’obscurantisme d’alors.

À trois reprises au moins, les évêques ont reconnu à quel point la situation était catastrophique. Ils ont donc accepté l’idée d’un changement mais ils ne l’ont pas vu s’appliquer à la doctrine, qui échappa ainsi au processus de relecture historique.

Ils ont vu le changement ne concerner que la « discipline du clergé et du peuple chrétien ».

L’expression implique que la morale et les mœurs des personnes vivant dans l’Eglise avaient décliné, mais pas l’institution elle-même et très certainement pas sa doctrine.

Les documents de Trente reposent donc sur une distinction opérante entre l'Eglise et ses membres. Cette dernière existe immuablement et indépendamment des contraintes auxquelles ses membres sont soumis.

Le concile orienta les changements vers eux, en particulier vers le clergé qui occupait les trois ministères pastoraux officiels de l'Eglise : ceux du pape, de l’évêque et du prêtre en paroisse.

En tentant d'imposer des changements dans le comportement des responsables, le concile ne s'est pas perçu innovant, mais plutôt rétablissant les anciennes normes et pratiques.

Ce qui était nécessaire pour contrer les maux de l’époque, pensait-il, était la restauration et la réintégration de la saine discipline ecclésiastique du passé.

Les réformes de Trente consistèrent donc pour la plupart à renforcer ou à reformuler de manière significative les anciennes règles canoniques, en particulier celles relatives au clergé. Le conseil a rétabli, ravivé et rappelé les bonnes vieilles normes du passé : restituere, innovare, revocare (revenir, innover, révoquer)

Cependant dans la réalité, le concile a apporté des modifications qui étaient des innovations et non pas simplement un toilettage des lois antérieures. Le décret Tametsi est l'exemple le plus clair de telles innovations.

Il stipulait que désormais l'Église ne considérerait un mariage comme valide que si un prêtre en était témoin. Le concile voulait que ce décret mette un terme aux abus des mariages clandestins, c’est-à-dire l’échange de promesses entre les deux partenaires en l’absence de témoin.

De tels mariages permettaient à l'un des époux, généralement à l'homme, de nier plus tard le mariage et d'abandonner sa femme et souvent ses enfants.

Il n’y a pas eu de précédent à Tametsi dans toute l’histoire de l’Eglise, ce dont les évêques de Trente étaient conscients.

Ils avaient donc compris qu'il fallait parfois adopter des mesures qui constituaient de réels changements par rapport à la pratique et aux normes antérieures.

Le débat de Trente sur Tametsi a toutefois été animé parce qu'il ne concernait pas seulement la pratique sacramentelle mais semblait avoir des implications doctrinales.

Le problème était le suivant : si le consentement des époux constitue le sacrement, ce dont tout le monde convenait, comment l'Eglise pouvait-elle légitimement déclarer invalide une union consentie?

L’Église a-t-elle le droit et le pouvoir d’imposer une condition à la validité des mariages qui empièterait sur l’échange de vœux des partenaires, l’élément constitutif du sacrement ?

Comment l’Église pourrait-elle invalider dans le futur des mariages qu’elle avait reconnus comme valides dans le passé, même si elle les interdisait dorénavant ?

Les évêques ont discuté de ces objections et sont parvenus à la conclusion qu'ils pouvaient adopter le décret. À Trente le problème du changement doctrinal resta tapi dans l'ombre, prêt à émerger à tout moment.

Mais quand Trente traita directement de la doctrine, il parla clairement en déclarant : "Pas de changement !". Il a réformé les mœurs mais il a confirmé la doctrine.

En réaction à Luther, aucun concile précédent n’a jamais insisté aussi explicitement et implicitement pour affirmer que l’enseignement actuel de l’Eglise était identique à celui de l’âge apostolique et qu’il n’y avait eu aucun changement au cours des siècles écoulés.

Lorsque le concile a affirmé que, dans l'Église catholique, la doctrine de l'Eucharistie avait été maintenue « inchangée dans la foi ancienne et dans la doctrine parfaite », il ne faisait que rendre explicite l'une de ses déclarations doctrinales qui sous-tendait toutes les autres.

 

Vatican I

En Italie, au milieu du quinzième siècle, de nouvelles méthodes d’approche critique des textes historiques se sont développées.

L’humaniste italien Lorenzo Valla a ouvert la voie. Dans ses Adnotationes in Novum Testamentum, il a montré comment la Vulgate latine souvent ne parvenait pas à transcrire le sens du texte grec original. Il a également montré par des critiques philologiques que le document connu sous le nom de "La donation de Constantin" était un faux.

Avec ces travaux, Valla a fondé la discipline de la philologie et, ce faisant, a donné un nouvel élan à l’étude de l'anachronisme. Il a ainsi semé les graines de ce qui s'est développé dans la conscience historique moderne.

L'approche critique des textes historiques du passé, initiée par Valla et développée ensuite par des humanistes comme le pionnier Erasme, a pris de l'ampleur et a atteint un tournant décisif au XIXe siècle.

Ce fut un siècle au cours duquel la conscience du changement historique a commencé à structurer l'approche par les érudits des textes de toutes les disciplines, y compris celle des textes sacrés.

C’est d’ailleurs le siècle de « L’origine des espèces » de Darwin. Evolution, développement, progrès, changement sont des mots qui ont marqué la culture de l’époque.

Les Lumières du dix-huitième siècle ont largement rejeté le rôle du passé dans la définition des règles pour le présent et ont replacé celui de l'histoire dans l’analyse de l'avenir.

Les philosophies libérales du XIXe siècle supposaient que le progrès était inévitable dans pratiquement tous les aspects de la vie et des activités humaines.

Le monde a évolué dans un processus de changement vers le meilleur, comme l'a montré Darwin. À la grande joie des uns et à l'horreur des autres, Darwin sembla réduire l'histoire d'Adam et Eve à une fable naïve.

La Bible ainsi que l'histoire de l'Eglise font alors l'objet de nouvelles approches sceptiques dans les universités, qui renaissent au XIXe siècle après une longue période de stagnation.

L'Allemagne a été l'épicentre de la renaissance, en particulier à l'Université de Berlin. Affûtant les méthodes mises au point par les humanistes de la Renaissance, Léopold von Ranke a formé des générations de talentueux étudiants à des méthodes rigoureuses d'analyse historique et de critique des textes.

Ce développement, longtemps en gestation, a déplacé la discipline de l'histoire de son ancienne base rhétorique et philosophique vers des méthodes de recherche plus contrôlées, qui jusqu’à un certain point ont commencé à être décrites comme scientifiques.

Ces méthodes professaient l'objectivité dans l'évaluation des preuves et l'absence de contamination par des préoccupations apologétiques. Elles ont également rejeté le maintien systématique des opinions reçues. Pour les historiens ces méthodes ont marqué la fin du substantialisme.

Chaque réalité a une histoire. Simplement en étant historique, chaque réalité change, au moins dans une certaine mesure. Comme d'autres érudits de l'époque, les exégètes et les historiens catholiques ressentirent l'impact de telles méthodes et durent compter avec elles.

A cet égard durant Vatican I, les évêques catholiques durent faire face aux objections historiques à la doctrine de l'infaillibilité papale, c'est-à-dire la prérogative du pape de déclarer avec une absolue certitude qu'une vérité de foi est divinement révélée et doit être crue par tous les fidèles catholiques.

Lorsque, le 26 juin 1867, Pie IX fit connaître aux évêques et aux pèlerins présents à Rome son intention de convoquer un concile, il décrivit son objectif dans des termes des plus généraux : revoir les problèmes auxquels l'Église était confrontée et leur trouver les remèdes appropriés. Il créa des commissions pour préparer l'ordre du jour, ce qui généra un large éventail de sujets que le concile dut traiter.

Tous ces sujets ne portaient pas sur l'infaillibilité du pape. Mais parce que la presse catholique, surtout en France, avait mené en sa faveur une campagne très vigoureuse avant l'ouverture du concile, l'émergence de la question de l'infaillibilité comme la question qui allait le dominer était presque inévitable.

Une minorité importante d'évêques venant en particulier d'Allemagne, d'Autriche et de Hongrie s'opposait à la définition de cette doctrine et fondait leurs objections en grande partie sur des motifs historiques.

Selon ces évêques, cette doctrine n'avait pas de fondement historique dans la tradition et dans la pratique de l'Église. Il y avait selon eux des cas où un pape avait enseigné une opinion non orthodoxe.

Parmi ceux qui s'opposaient le plus catégoriquement à l'infaillibilité pour de tels motifs se trouvait Karl Josef von Hefele, évêque de Rottenburg, qui avait déjà publié plusieurs volumes de sa très reconnue histoire des conciles.

Cependant, les hérauts de la majorité au concile ont tenté de montrer que les cas supposés de faillibilité papale pouvaient être expliqués ou n'étaient pas pertinents.

L'hypothèse selon laquelle l'Église et surtout ses enseignements n'avaient pas changé était devenue un axiome dans la plupart des cercles catholiques au XIXe siècle, ce qui, dans une certaine mesure, était l'héritage du concile de Trente.

Selon cette hypothèse, l'Eglise actuelle se rapportait au passé par un lien de continuité pratiquement inconditionnel.

Dans ce mode de pensée, les arguments historiques ne pesaient pas face aux textes apparemment irréfutables de l'Écriture ou à des documents ultérieurs. La méthode abstraite et non historique de la théologie scholastique a aidé à protéger la doctrine de l’infaillibilité de la contingence historique.

Une certaine naïveté historique, qui considérait le présent comme seule norme d’interprétation du passé et qui projetait sur lui les pratiques d’alors et leur compréhension, a également contribué à ce mode de pensée.

La position la plus claire de la majorité sur la question de l’infaillibilité s'est retrouvée dans le Relatio (notes explicatives) qui accompagnait la première ébauche du décret (sur l'infaillibilité).

Comme cela a été largement montré à partir des textes les plus importants (Monumentis), l'infaillibilité du Pontife romain devint une vérité divinement révélée. Par conséquent, il devint impossible qu'elle puisse jamais être démontrée fausse par des faits historiques.

Toutefois, si de tels faits étaient présentés pour s'y opposer, ils devaient être considérés comme faux dans la mesure où ils semblent s'opposer à l’infaillibilité.

Dans leur formulation, ni l'un ni l'autre des deux décrets du concile - Dei filius et Pastor aeternus - ne se sont directement intéressés aux questions historiques brûlantes : la déclaration du Relatio révèle l'état d'esprit qui les sous-tend.

Bien que le concile Vatican Ier ait fermé les yeux sur la question du changement, le problème n'a pas disparu. Quelques décennies plus tard il a explosé avec la crise moderniste.

À la fin du XIXe siècle, la défense par des catholiques de l’adoption de la nouvelle approche historique des textes et des doctrines sacrées s'inscrit dans le courant de pensée connu sous le nom de modernisme.

Cette étiquette trop globale de « Modernisme » suggère pourquoi il est difficile de trouver un fil conducteur reliant les modernistes les uns aux autres au-delà de leur désir d'aider l'Église à se réconcilier avec ce qu'ils pensaient être le meilleur de la culture intellectuelle telle qu'elle avait évolué du passé vers le présent.

Cependant, un aspect général de ce mouvement, bien que non universellement accepté, (si l'on peut s’exprimer ainsi) était l'omniprésence de la volonté de changement et la nécessité d’une réconciliation intellectuelle.

La tempête éclata le 3 juillet 1907. Ce jour-là, le Saint-Office publia le décret Lamentabili condamnant soixante-cinq propositions prétendument soutenues par les modernistes.

Deux mois plus tard, le pape Pie X (1903-1914) enchaîna avec son encyclique Pascendidominici gregis. Par l’ampleur de ses accusations, le style accusateur de son langage et la sévérité de ses décisions, Pascendi n’avait pas de précédents dans les annales de la papauté moderne.

Une véritable purge a suivi. Outre les dommages qu'elle a causés à la vie intellectuelle catholique, elle a confirmé chez beaucoup de catholiques la volonté omniprésente d'ignorer le changement.

L'Église catholique, a-t-on souvent dit fièrement, ne change pas.

 

Vatican II

Dans les premières décennies du XXe siècle et malgré les sévères mesures prises par le Saint-Siège contre les exégètes et les historiens de l'Eglise accusés d'être modernistes, un nombre relativement faible mais bien formé d'érudits catholiques a continué à appliquer les règles historiques de la recherche et de l'analyse aux textes ecclésiastiques et aux problèmes pratiques de l'Eglise.

À mesure que la surveillance de ces chercheurs se relâchait, leur nombre augmentait et leurs méthodes commençaient à recevoir un accueil positif ou du moins tolérant.

Quand en 1943 le pape Pie XII a publié son encyclique Divino afflante spiritu, il a validé les méthodes historiques et archéologiques pour l'étude de la Bible ; c’était une acceptation implicite d'approches similaires appliquées à d'autres domaines d'études sacrées.

Peu à peu, les savants ont commencé à montrer que tous les aspects de la vie et de l'enseignement de l'Église étaient affectés par le changement.

Pour faire admettre l'idée que le changement affectait même la doctrine, aucun livre ne fut plus important que l'essai de John Henry Newman sur le développement de la doctrine chrétienne, publié en 1845.

Le livre est paru quatorze ans avant celui de Darwin sur l'origine des espèces. Comme le travail de Darwin, il reflète la préoccupation de l'époque pour l'évolution, le changement, le progrès et les implications du processus historique.

En utilisant différentes analogies, Newman a montré comment l’enseignement de l’Eglise a évolué en restant fidèle à ses origines, tout en étant à la fois continu et discontinu dans son articulation avec le passé.

Ce livre, toujours un classique dans le domaine, a mis, à un degré inconnu auparavant, la question de l’évolution de la doctrine sur le devant de la scène du discours théologique.

Bien qu'il ait été publié bien avant le concile Vatican I, il n'a eu aucun impact significatif sur les débats, mais dans les décennies qui ont précédé Vatican II, la plupart des évêques et théologiens catholiques l’avaient accepté sous une forme ou une autre.

En France, au milieu du XIXe siècle, Prosper Guéranger, abbé du monastère de Solesmes, a initié un mouvement dans lequel les méthodes critiques étaient appliquées aux textes liturgiques.

Au milieu du siècle suivant, les liturgistes appelèrent à des changements dans la façon de célébrer pour la mettre plus en conformité avec ce qu'ils considéraient être son véritable sens, qui avait été obscurci par les ajouts successifs au travers des siècles.

Le Pape Pie XII y a répondu en partie par deux décrets, en 1951 et 1955, dans lesquels il a complètement réorganisé la liturgie du triduum pascal pour le mettre en accord avec leurs recommandations.

Le temps était donc venu à Vatican II pour prendre position sur la question du changement de manière radicalement différente de celle des deux conciles précédents.

Les évêques et les théologiens du concile acceptèrent la réalité du changement comme une évidence.

Leurs seules questions portaient sur la façon de l'expliquer, sur la mesure dans laquelle il pouvait légitimement se développer et sur les critères de son introduction.

« Changement » : le mot est apparu dans la première phrase du premier paragraphe du premier document publié par le concile, Sacrosanctum concilium, « De la liturgie sacrée ».

La phrase disait que le concile avait l'intention d'adapter aux conditions contemporaines les aspects de la liturgie qui étaient sujets à changement (mutatio). Sacrosanctum concilium donnait le tempo de ce qui allait être la question sous-jacente et omniprésente durant le concile.

Ce sens du changement historique a pris trois formes que l’on retrouve dans trois mots de l'époque : aggiornamento (mot italien pour dire la mise à jour ou la modernisation), développement (dans le sens de mise au point, d’évolution, parfois de progrès), et ressourcement (mot français pour retour aux sources).

Une hypothèse de base sous-tendait l'emploi par le concile de ces trois modes de changement : la tradition catholique était plus riche, plus large et plus souple que ce que l'on percevait souvent dans le passé.

Les évêques ne se sont pas approprié cette hypothèse comme une vérité abstraite, mais comme la conviction d’entreprendre l’examen approfondi du statu quo.

Ils ont réagi contre les interprétations de la doctrine et de la pratique catholiques qui les ont réduites à des formules simplistes et non historiques. Ils ont réagi contre le substantialisme.

Des trois termes, les commentateurs du concile et surtout les médias populaires ont le plus souvent retenu aggiornamento pour expliquer ce qu'était Vatican II.

Le sens de ce terme, généralement attribué au Pape Jean XXIII, se trouvait dans son discours d'ouverture du concile, dans lequel il disait aux pères conciliaires d'apporter les « changements appropriés » (opportunis emendationibus) qui aideraient l'Église dans sa mission pastorale.

En principe, l’aggiornamento n'avait rien de nouveau. L'Eglise s'est toujours, contrainte ou forcée, adaptée à de nouvelles situations.

Le Vatican a adopté microphones et amplificateurs avant la Chambre des communes et des machines à écrire avant le ministère des Affaires étrangères britanniques.

Mais à au moins quatre égards, l'aggiornamento de Vatican II était nouveau.

Tout d'abord, certains des changements apportés en son nom touchaient à des choses que les catholiques ordinaires supposaient être la norme, comme la liturgie latine, et qui avaient donc un impact fort. Deuxièmement, aucun concile précédent n'avait considéré l'aggiornamento comme un principe général plutôt que comme une exception rare.

Troisièmement, l'aggiornamento de Vatican II ne concernait pas le modernisme ou les conventions sociétales, mais certaines hypothèses et valeurs culturelles du « monde moderne », dont les plus élémentaires, comme la liberté, l'égalité et la fraternité, remontaient directement aux Lumières.

Ce sont ces hypothèses et ces valeurs que le concile Vatican I a implicitement rejetées ; par conséquent l'aggiornamento de Vatican II a marqué un tournant sur la route de l’Eglise.

Quatrièmement, la réconciliation volontaire de l'Église avec certains changements qui se produisaient à son extérieur a permis une compréhension plus claire de son fonctionnement.

Ce dynamisme fut encore plus pertinent dans le concept de développement, ce mouvement vers un autre point le long d'un chemin donné.

Il s'agissait d'un processus cumulatif mais aussi d'un élagage par lequel la tradition de l'Eglise devenait plus riche ou peut-être plus lumineuse qu'auparavant. Ce mouvement a suggéré le progrès, ce fut un mot que le concile n'hésita à utiliser.

La constitution Dei verbum, « Sur la révélation divine », a déclaré que la tradition de l'Eglise issue des apôtres « progresse dans l'Eglise et grandit » (proficit et crescit, no. 8). La tradition n'est pas immobile mais dynamique.

Bien que l'idée que la tradition évolue ait gagné une large acceptation au concile, ce ne fut pas sans problèmes, dont le plus aigu s'est produit dans le débat sur la constitution Dignitatis humanae, "Sur la liberté religieuse".

Depuis la révolution française, les papes ont condamné à plusieurs reprises la liberté religieuse et la séparation de l'Église et de l'État. Mais ses partisans au concile ont soutenu que c’était là des développements légitimes de l'enseignement de l’Eglise, un argument que leurs adversaires considéraient comme un tour de passe-passe.

Le développement était censé rester le long d'un chemin donné, mais Dignitatis humanae semblait s’en écarter pour aller vers un nouveau.

Les partisans du changement ont défendu leur position en faisant usage du ressourcement. Ils ont soutenu que les papes en condamnant la séparation de l'Église et de l'État réagissaient contre une situation historique spécifique qui ne prévalait plus.

Pour savoir comment l'Eglise pourrait maintenant légitimement s'adapter à une nouvelle situation, elle devait « revenir aux sources ».

Dans ce cas, la vérité était que l'enseignement constant de l'Eglise dit que l’acte de foi doit être libre et que pour tous les individus suivre leur conscience est la règle morale ultime.

Contrairement au développement, une théorie proposée pour la première fois au XIXe siècle, le ressourcement a une histoire vraiment vénérable dans l'Eglise occidentale dès les premiers siècles, mais il émerge notamment avec la réforme grégorienne du XIe siècle, une action des papes (et d’autres) pour restaurer les traditions canoniques anciennes.

Les réformateurs comprenaient les changements pour la mise en œuvre desquels ils se battaient comme la restauration d’une pratique plus authentique des époques antérieures, ce qui impliquait un mandat pour la rétablir.

Ressourcement était dans sa forme latine la devise des grands humanistes de la Renaissance - Ad fontes ! - (Aux sources !). Le retour aux sources a d'ailleurs motivé les réformateurs protestants qui cherchaient à restaurer l'Évangile authentique que l'Église papale avait, selon eux, écarté et perverti.

Il se cache aussi derrière l'encyclique du pape Léon XIII Aeterni patris (1879) qui initie la renaissance de l'étude de Thomas d'Aquin.

En fait, il se trouve dans la culture occidentale derrière pratiquement tous les mouvements de réforme dans l'Eglise et la société au moins jusqu'aux Lumières.

Au milieu du XXe siècle, le retour aux sources, désormais explicitement désigné sous le néologisme ressourcement, fut en France, et largement, le ferment théologique qui a joué un rôle si important dans Vatican II.

Au concile, presque tous les participants ont accepté le principe du retour aux sources. Les différents à ce sujet n'ont surgi que lorsqu'il sembla être appliqué de façon trop radicale.

Ceux qui hésitaient à l’appliquer pensaient que le ressourcement avait des implications plus puissantes que celles du développement. Alors que le développement implique un mouvement le long d'un chemin donné, le ressourcement dit que nous n'allons plus nous déplacer le long de ce même chemin. Nous revenons à un embranchement sur la route et nous allons maintenant emprunter un chemin meilleur et différent.

Le développement et le ressourcement relèvent à la fois de la mémoire et de l’identité, la mémoire qui est constitutive de l'identité. Ce que les institutions ont choisi consciemment ou non de retenir et d'oublier de leur passé font ce qu'elles sont.

Les grandes batailles de Vatican II ont été des batailles sur l'identité de l'Église : non pas sur ses dogmes fondamentaux, mais sur le lieu, la pertinence et le poids respectif de certaines valeurs fondamentales de la tradition.

Vatican II n'a pas résolu le problème théorique du changement de la façon dont une institution conservatrice le gère et ce concile n'avait pas l'intention de le faire.

Les conciles sont des rencontres qui génèrent des décisions contraignantes pour l'Eglise. Ce ne sont pas des lieux de résolution des problèmes théoriques, même si on doit s’y attaquer aux implications pratiques de ces problèmes.

Ce qui fut particulier dans Vatican II par rapport aux deux conciles précédents, c'est qu'il a pris ses décisions en pleine conscience de la réalité du changement et que cette réalité a affecté l'Église sous tous ses aspects.

Pour un concile agir avec une telle conscience du changement est lui-même un changement important. L'audace avec laquelle le concile a accepté la réalité du changement se basait sur la conviction qu’il ne signifiait pas perdre son identité, mais plutôt la faire progresser et la sauver de la sclérose.

Si un tel changement atteint son objectif, il implique un processus de redéfinition vis-à-vis du passé, à la fois continu et discontinu.

 

John W. O'Malley, sj, est professeur d'université au département de théologie de l'Université de Georgetown (Washington, DC), et l'auteur de nombreux livres, dont « Quatre cultures occidentales », « Le concile de Trente », « Le concile Vatican I », « Que s’est-il passé à Vatican II » et « Les premiers jésuites ».

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Does Church teaching change?

John O'Malley SJ explores Church doctrine at Trent, Vatican I and Vatican II

John W. O’Malley

United States

July 31, 2019

This article is an excerpt from When Bishops Meet: An Essay Comparing Trent, Vatican I, and Vatican II, published this month by Harvard University Press. Copyright © 2019 by the president and fellows of Harvard College. Used by permission. All rights reserved.

Although the documents of the early councils of the church recognized that bad customs and bad teaching had to be uprooted, which is a form of change, they most characteristically betray a sense of continuity with previous Christian teaching and practice.

They called for continuation and implementation of ancient customs and ancient traditions — antiqua lex, antiqua traditio.

The documents of the medieval councils very much follow the same pattern. Although they in fact deal with the twists and turns in culture and institutional structures of their day, they lack a keen sense of discrepancy between past and present, and thus the councils never felt the necessity to address the discrepancy directly.

Only with the Italian Renaissance of the fifteenth century and then the Reformation early in the next century did this ahistorical mindset receive its first serious challenges. The Council of Trent was, therefore, the first council that had to take those challenges into account.

The Council of Trent

Luther saw his doctrine of justification by faith alone as the very core of the Gospel message.

To reject it was to reject Christianity itself. As he began to experience hostility from the church hierarchy and from theologians concerning his teaching, he concluded that the church had not only failed to proclaim the Gospel but had proclaimed its antithesis, the heresy of justification by good works.

The church had betrayed the teaching of Christ and had thereby ceased being the true church. In the course of the centuries, the church had changed, Luther maintained, and changed radically for the worse.

Between it and the congregation of Christian faithful founded by Christ yawned a gap of many centuries. The church of his day was discontinuous with the teaching of Christ and the apostles.

When the bishops convened at Trent in 1545, they soon realized that justification was the key doctrinal issue at stake. After seven months of sometimes acrimonious discussion, they were finally able to articulate a statement that won their overwhelming approval.

Neither at this nor at any other point did the council explicitly discuss whether the church had failed to proclaim the true doctrine.

The prelates at Trent assumed that church teaching was continuous with the teaching of the Gospel, and they therefore simply affirmed or implied that what they taught was orthodox and true to the tradition.

In the early twentieth century, the important English historian and philosopher R. G. Collingwood designated this style of historical thinking "substantialism," and he saw it as the chief defect of the ancient Roman historians.

Livy, for instance, took for granted that Rome was an unchanging substance that sailed through the sea of the centuries without being affected by it. Christian thinkers inherited this tradition and without examining it applied it to the church.

By the time of the council, however, an awareness of living in particularly evil times gripped many Europeans. Their times were the worst of all, the low point in a long process of decline from a purer and more authentic past.

The church, they believed, was not exempt from this process. For Catholics and especially for the bishops gathered at Trent, the upheavals in the wake of the Reformation confirmed and exacerbated the awareness of a pervasive darkness.

On at least three occasions, the bishops at the council lamented how calamitous were the times in which the council was taking place. They therefore accepted the idea of change for the worse, but they did not see it applying to doctrine, which somehow was immune to the historical process.

They did see change as applying to the discipline of "the clergy and the Christian people."

The expression implies that the morals and mores of the people living within the institution of the church had declined, but not the institution itself, and most certainly not its doctrine.

The documents of Trent rest, therefore, on an operative distinction between the church and its members. The former exists unchanged and apart from the contingencies to which the members are subject.

The council directed its changes therefore to the members, especially the clergy who occupied the three official pastoral offices in the church — pope, bishop, pastor of parishes.

In trying to enforce changes in the behavior of officeholders, the council did not see itself as innovating but, rather, as restoring former norms and practices.

What was required to counter the evils of the age was a recovery and restoration of the healthy ecclesiastical discipline of the past.

The reforms of Trent for the most part consisted, therefore, in strengthening or significantly reformulating older canonical regulations, especially as those regulations related to the clergy. The council restored, revived, and called back into operation the good norms of the past — restituere, innovare, revocare.

In actual fact, however, the council made changes that were innovations, not simply a burnishing of past laws. The decree Tametsi is the clearest example of such innovations.

It stipulated that henceforth the church would consider no marriage valid unless witnessed by a priest. The council intended the decree to stamp out the abuse of so-called clandestine marriages — that is, the exchange of vows between the two partners with no witness present.

Such marriages made it possible for one of the spouses, usually the man, to deny later that a marriage had taken place and to abandon his wife and, often, his children.

There was no precedent for Tametsi in the entire history of the church, a fact of which the bishops at Trent were aware.

They were aware, therefore, that sometimes measures had to be adopted that were real changes from past practice and standards of behavior.

The debate at Trent on Tametsi was heated, however, because it did not concern merely sacramental practice but seemed to have doctrinal implications.

The problem was this: If the consent of the spouses constituted the sacrament, which everybody agreed was the case, how could the church legitimately declare a consented-to union invalid?

Did the church have the right and the authority to impose a condition on the validity of marriages that intruded on the partners' exchange of vows, the constitutive element of the sacrament?

How could the church declare invalid in the future marriages that in the past it had recognized as valid, even if forbidden?

The bishops discussed these objections and somehow came to the conclusion that they could pass the decree. At Trent, therefore, the problem of doctrinal change lurked in the shadows, poised to strike in the open at any moment.

But when Trent treated doctrine directly, it spoke clearly and declared, "No change!" It reformed mores, but it "confirmed" doctrine.

In reaction to Luther, no previous council ever insisted as explicitly or implied so regularly that the present teaching of the church was identical with that of the apostolic age and that there had been no change in it in the intervening centuries.

When the council affirmed that in the Catholic Church "the ancient, absolute, and in every respect perfect faith and doctrine" of the Eucharist had been retained unchanged, it was only making explicit for one of its doctrinal pronouncements what underlay them all.

Vatican I

In Italy by the middle of the fifteenth century, new critical methods for dealing with historical texts had developed.

The Italian humanist Lorenzo Valla led the way. In his Adnotationes in Novum Testamentum, he showed how the Latin Vulgate failed in many instances to convey the sense of the original Greek text, and through philological criticism he showed that the document known as "The Donation of Constantine" was a forgery.

With these works Valla founded the discipline of philology and in so doing gave impetus to a newly keen sense of anachronism. He thus sowed the seeds of what developed into modern historical consciousness.

The critical approach to historical texts and to the past that Valla and later humanists such as Erasmus pioneered caught on, gained momentum, and reached a culminating turning point in the nineteenth century.

It was a century in which awareness of historical change began conditioning scholars' approach to virtually every text in every discipline, including sacred texts.

It was, moreover, the century of Darwin's On the Origin of Species. Evolution, development, progress, change — these words marked the culture of the age.

The Enlightenment of the eighteenth century had largely rejected any role for the past in prescribing norms for the present, and it had thrown history's goal into the future.

The liberal philosophies of the nineteenth century assumed that progress was inevitable in virtually every aspect of human life and endeavor.

The world moved forward in a process of change for the better, as Darwin showed. To the delight of some and to the horror of others, Darwin seemed to reduce the story of Adam and Eve to a naïve fable.

The Bible as well as the history of the church now came under newly skeptical criticism in the universities, which revived in the nineteenth century after a long period of stagnation.

Germany was the revival's epicenter, most especially the University of Berlin. Sharpening the methods pioneered by Renaissance humanists, Leopold von Ranke trained generations of talented students in rigorous methods of historical analysis and textual criticism.

This development, long in the making, moved the discipline of history from its former base in rhetoric and moral philosophy to more controlled methods of research, which at a certain point began to be described as scientific.

The methods professed objectivity in evaluating evidence and freedom from contamination by apologetic concerns. They likewise professed freedom from what the maintenance of received opinions might require. For professional historians, these methods spelled the end of substantialism.

Every historical reality had a history. Simply by being historical, each and every historical reality changed — at least to some degree. As did other scholars of the era, Catholic exegetes and historians felt the impact of such methods and had to reckon with them.

At Vatican I in that regard, Catholic bishops had to deal with historical objections to the doctrine of papal infallibility — that is, the pope's prerogative to declare with absolute finality that a truth is divinely revealed and must be believed by all faithful Catholics.

When on June 26, 1867, Pius IX made known to bishops and pilgrims present in Rome his intention to convoke a council, he described its purpose in the most general terms: to review the problems facing the church and to find appropriate remedies for them. He established commissions to prepare the agenda, which resulted in a wide range of topics for the council to deal with.

Among those topics, however, was none dealing with the popes' infallibility. But because the Catholic press, especially in France, had carried on such a vigorous campaign for it before the council opened, the early emergence of infallibility at the council as the issue that would dominate it was almost inevitable.

A sizeable minority of bishops coming especially from Germany, Austria, and Hungary opposed defining the doctrine and based their objections in large part on historical grounds.

According to those bishops, the doctrine lacked historical foundation in the church's doctrine and in the church's practice. According to them also, there were instances where a pope had taught a heterodox opinion.

Among those most adamantly opposed to infallibility on such grounds was Karl Josef von Hefele, bishop of Rottenburg, who had already published several volumes of his highly respected history of the councils.

Leaders of the majority at the council tried to show, however, that the supposed instances of papal fallibility could be explained or were irrelevant.

The assumption that the church and especially its teachings did not change had by the nineteenth century become axiomatic in most Catholic circles, which to some extent was the legacy of the Council of Trent.

According to this assumption, the present church related to the past through a bond of virtually unqualified continuity.

In this mode of thinking, historical arguments were irrelevant in the face of seemingly irrefutable texts from Scripture or later documents of the church. The abstract and ahistorical method of the Scholastic system of theology further helped shield doctrine from historical contingency.

A historical naiveté that took the present situation as the norm for interpreting the past and that projected present practice and understanding onto it also contributed to this substantialistic mode of thinking.

The clearest statement of the majority's stance on the matter occurred in the Relatio (explanatory notes) that accompanied the first draft of the infallibility decree:

As has without exception been shown above from the most important texts [monumentis], the infallibility of the Roman Pontiff is a truth divinely revealed. Therefore, it is impossible that it can ever be proved false by any historical facts.

If, however, such facts are brought forward to oppose it, they must themselves be deemed false insofar as they seem opposed.

In their wording, neither of the council's two decrees — Dei filius and Pastor aeternus — directly engaged with the historical issues that were germane to them, but the statement in the Relatio reveals the mindset that underlay them.

Although Vatican Council I shut its eyes to the problem of change, the problem did not go away. It exploded onto the scene with the Modernist crisis some decades later.

In the late nineteenth century, advocacy among Catholics of a sometimes-undiscriminating adoption of the new historical approach to sacred texts and sacred doctrines became part of the amorphous phenomenon known as Modernism.

The inclusiveness of the seemingly all-encompassing label "Modernism" suggests why it is difficult to find a common thread linking so-called Modernists to one another beyond their desire to help the church reconcile itself with what they thought was best in intellectual culture as it had evolved into the present.

However, a general though not universally accepted premise of the movement (if it can be called that) was the pervasiveness of change and the need to come to terms with it.

The storm broke on July 3, 1907. On that day, the Holy Office issued the decree Lamentabili condemning sixty-five propositions supposedly held by the Modernists.

Two months later, Pope Pius X (r. 1903–1914) followed up with his encyclical Pascendidominici gregis. For the sweep of its accusations, the accusatory style of its language, and the severity of its provisions, Pascendi had few, if any, precedents in the annals of the modern papacy.

A veritable purge followed, which, besides the damage it did to Catholic intellectual life, confirmed among many Catholics an already pervasive readiness to ignore change.

The Catholic Church, it was often proudly said, does not change.

Vatican II

Despite the severe measures taken by the Holy See against exegetes and church historians accused of being Modernists, a relatively small but well-trained number of Catholic scholars in the early decades of the twentieth century continued to apply historical modes of research and analysis to ecclesiastical texts and to problems in church practice.

As surveillance over such scholars diminished, their numbers grew, and their methods began to receive a positive or at least tolerant reception.

When in 1943 Pope Pius XII published his encyclical Divino afflante spiritu, he validated historical and archeological methods for the study of the Bible, which was an implicit validation of similar approaches for other areas of sacred studies.

Bit by bit, scholars began to show that every aspect of church life and teaching had been affected by change.

For winning acceptance of the idea that change affected even doctrine, no book was more important than John Henry Newman's Essay on the Development of Christian Doctrine, published in 1845.

The book appeared, therefore, fourteen years before Darwin's On the Origin of Species. Like Darwin's work, it reflected the preoccupation of the age with evolution, development, progress, and the implications of the historical process.

By using different analogies, Newman showed how teachings evolved while remaining true to their origins. Teachings were both continuous and discontinuous with their earlier articulation.

The book, still the classic in the field, put the problem of change in doctrine on the stage of theological discourse to a degree unknown before.

Although published well before Vatican Council I, it had no significant impact on the council's debates, but in the decades leading up to Vatican II most Catholic bishops and theologians accepted its basic premise in some form or other.

In France in the middle of the nineteenth century Prosper Guéranger, abbot of the monastery of Solesmes, set in motion a movement in which critical methods were applied to liturgical texts.

By the middle of the next century liturgical scholars were calling for changes in how the liturgy was celebrated to bring it more into conformity with what they saw as its true character, which had been obscured by accretions through the centuries.

Pope Pius XII responded to them in part through two decrees, in 1951 and 1955, in which he completely reorganized the liturgies for the last three days of Holy Week to bring them in line with liturgists' recommendations.

The stage had thus been set for Vatican II to take a stance on the problem of change radically different from that of the two previous councils.

The bishops and theologians at the council accepted the reality of change as a matter of course.

Their only questions were about how to explain it, about how far it could legitimately go, and what the criteria were for making changes.

Change — the word appeared in the first sentence of the first paragraph of the first document the council published, Sacrosanctum concilium, "On the Sacred Liturgy."

The sentence stated that the council intended to adapt to contemporary conditions those aspects of the liturgy that were subject to change (mutatio). Sacrosanctum concilium thus sounded the first note in what was to be an underlying and pervasive issue at the council.

This keener sense of historical change took three forms in the council, captured in three words current at the time — aggiornamento (Italian for updating or modernizing), development (an unfolding or evolution, sometimes the equivalent of progress), and ressourcement (French for a return to the sources).

A basic assumption undergirded the council's employment of these three modes in which change might take place: the Catholic tradition was richer, broader, and more malleable than often perceived in the past.

The bishops who appropriated that assumption did so not as an abstract truth but as a license to undertake a thorough examination of the status quo.

They reacted against interpretations of Catholic doctrine and practice that reduced it to simplistic and ahistorical formulae. They reacted against substantialism.

Of the three terms, interpreters of the council and especially the popular media most often invoked aggiornamento to explain what Vatican II was all about.

The term, generally attributed to Pope John XXIII, equivalently occurred in his charge to the council in his opening address, in which he told the fathers of the council to make "appropriate changes" (opportunis emendationibus) that would help the church in its pastoral mission.

In principle, aggiornamento was nothing new. The church had perforce always adapted to new situations.

In recent times, the Vatican adopted microphones and amplifiers before the House of Commons and typewriters before the British Foreign Office.

But in at least four regards the aggiornamento of Vatican II was new.

First, some of the changes made in its name touched upon things ordinary Catholics assumed were normative, such as Latin liturgy, and hence they had a startling impact. Second, no previous council had taken aggiornamento as a broad principle rather than as a rare exception.

Third, the aggiornamento of Vatican II related not to modern inventions or polite conventions of society but to certain cultural assumptions and values of "the modern world," the most basic of which—such as liberty, equality, and fraternity — stemmed most directly from the Enlightenment.

These were assumptions and values that Vatican Council I implicitly rejected and, hence, the aggiornamento of Vatican II marked a turn in the road.

Fourth, the broad adoption of deliberate reconciliation of the church with certain changes taking place outside it provided an entry point for a more dynamic understanding of how the church functioned.

Dynamism was even more relevant to the concept of development, which was by definition a movement — a movement to a further point along a given path.

It was a cumulative though sometimes also a pruning process by which the tradition of the church became richer or perhaps clearer than before. Development suggested progress, which was itself a word the council did not hesitate to use.

Dei verbum, "On Divine Revelation," stated that the tradition of the church stemming from the apostles "makes progress in the church and grows" (proficit et crescit, n. 8). Tradition is not inert but dynamic.

Although the idea that tradition evolved won broad acceptance at the council, it was not without its problems, the most acute of which occurred in the debate on Dignitatis humanae, "On Religious Liberty."

Since the French Revolution, the popes had repeatedly condemned religious liberty and separation of church and state. But proponents of them at the council argued that they were legitimate developments of church teaching, an argument that to their opponents seemed like legerdemain.

Development was supposedly movement to a further point along a given path, but Dignitatis humanae seemed to jump off the given path to forge a new one.

Proponents of the change defended their position by making use of ressourcement. They maintained that popes in condemning separation of church and state were reacting against a specific historical situation that no longer prevailed.

To discover how the church could now legitimately adapt to the new situation, it had to "return to the sources." In past tradition, it would find the fundamental truths that could guide it in the present situation.

In this case, those truths were the church's consistent teaching that the act of faith had to be free and that for all individuals following their conscience was the ultimate moral norm.

Unlike development, a theory first straightforwardly proposed in the nineteenth century, ressourcement had enjoyed avant la lettre a truly venerable history in the Western church, beginning in the earliest centuries but emerging most notably with the Gregorian Reform of the eleventh century, the campaign of popes and others to restore older canonical traditions.

The reformers understood the changes they fought to implement as a restoration of the more authentic practice of an earlier era, which implied a mandate to reinstate it.

Ressourcement was in its Latin form the motto of the great humanists of the Renaissance — Ad fontes! Return to the sources was, moreover, what motivated the Protestant reformers as they sought to restore the authentic Gospel that in their opinion the papal church had discarded and perverted.

It lay behind Pope Leo XIII's encyclical Aeterni patris (1879) initiating the revival of the study of Thomas Aquinas.

In fact, it lay behind virtually every reform movement in the church and society in Western culture at least up to the Enlightenment.

In the mid-twentieth century, return to the sources, now explicitly under the neologism ressourcement, drove much of the theological ferment in France that played such a major role in Vatican II.

At the council virtually all the participants accepted the validity of the return-to-the-sources principle. Disputes over it arose only when it seemed to be applied too radically.

Those who balked at such application had a point because ressourcement had more potent implications than development. While development implies further movement along a given path, ressourcement says that we are no longer going to move along Path X.

We are going back to a fork in the road and will now move along a better and different path.

Development and ressourcement are both about corporate memory, the memory that is constitutive of identity. What institutions wittingly or unwittingly chose to remember and chose to forget from their past makes them what they are.

The great battles at Vatican II were battles over the identity of the church: not over its fundamental dogmas, but over the place, relevance, and respective weight of certain fundamental values in the tradition.

Vatican II did not solve the theoretical problem of how an institution by definition conservative handles the problem of change, nor was it the council's intention to do so. Councils are meetings that make decisions binding on the church.

They are not meetings that solve theoretical problems, even though they must deal with the practical implications of such problems.

What is special about Vatican II in relationship to the two previous councils is, therefore, that it made its decisions with full awareness of the reality of change and full awareness that that reality affected the church in all its aspects.

For a council to act with such an awareness of change is itself a significant change. Underlying the boldness with which the council accepted the reality of change was the assumption that appropriate change did not mean losing one's identity but, rather, enhancing it or salvaging it from ossification.

If such change achieved its goal, it entailed a process of redefinition that was both continuous and discontinuous with the past.

John W. O'Malley, SJ, is University Professor in the Department of Theology at Georgetown University, and the author of many books, including Four Cultures of the West, Trent, Vatican I, What Happened at Vatican II, and The First Jesuits.

 

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