Rome - François et les pharisiens Le pape évangélique ne se laisse pas décourager par les attaques des rigides idéologues de l’Église - LCI 3 mai 2019

Robert Mickens,

Rome, Cité du Vatican, 3 mai 2019

 

Le pape François est connu pour plaisanter de temps en temps hors sujet ou de manière politiquement incorrecte. Par exemple, il a provoqué des soupirs et fait se soulever des sourcils avec les stéréotypes de la belle-mère et les références aux femmes vues comme des fraises sur le gâteau.

Mais il y a sa constante préoccupation pour les pharisiens des temps modernes : il qualifie souvent ces prêtres et évêques catholiques d'hypocrites.

Les dirigeants juifs ne sont pas du tout amusés par cette référence, pour le dire gentiment. Ils disent que la manière dont François attribue sans cesse une connotation négative au mot pharisien ne fait que perpétuer les stéréotypes anti juifs anciens.

Riccardo Di Segni, grand rabbin de Rome, a même critiqué le pape à ce sujet en 2015. François a répondu : « Je le sais très bien. Je suis jésuite et je sais que le terme " jésuistique "sonne également faux. »

 

Remettre les pendules à l'heure

Près de quatre ans plus tard, des intellectuels de traditions catholique, protestante et juive vont se pencher sur les préoccupations de Di Segni.

Ils se réuniront lors d’une conférence internationale à l’Université Grégorienne de Rome dans le but de mettre les choses au clair sur l’image peu flatteuse, bien que traditionnelle, de ces « docteurs en droit ».

Le colloque "Jésus et les pharisiens. Une réévaluation interdisciplinaire" aura lieu du 7 au 9 mai et se terminera par une audience pontificale privée. Il est parrainé conjointement par le Centre d'études judaïques Cardinal Bea de l'université et par l'Institut biblique pontifical géré par les jésuites, qui célèbre son 110e anniversaire.

En regardant la liste des orateurs et les sujets de leurs conférences, on ne peut que deviner que le pape François est un peu visé. Mais Jésus l'est aussi, du moins tel que le décrivent les auteurs des évangiles, ainsi que sa relation avec certains pharisiens.

 

Docteurs en droit à l’esprit étriqué

Mais si cela devrait amener le pape de 82 ans à faire plus attention à ses paroles, il s’agit de tout autre chose. En tous cas il n’empêchera François de parler d’hypocrisie dans la "classe dirigeante" catholique.

C’est sa façon indirecte, mais extrêmement claire, de répondre aux critiques acerbes de ses détracteurs les plus féroces, presque tous en lien avec les secteurs de l'Eglise doctrinalement rigides ou traditionalistes.

Lorsque Jorge Mario Bergoglio a été élu évêque de Rome en 2013, il n'était pas clair qu'il deviendrait la peste des traditionalistes de l'Église.

Bien qu'il ait rompu la tradition en étant le premier pape à prendre le nom de François, il a très publiquement soutenu la valeur des dévotions populaires et des autres pratiques traditionnelles.

Mais son langage direct, ses coups contre les cléricalistes et son éloignement des protocoles de la cour royale du Vatican, l’ont mis en conflit avec les catholiques « semper idem » (refusant Vatican II et l’Eglise actuelle, ndt) et ceux qui ne pensent que par les règles.

Maintenant, six ans plus tard, il est clair que les chefs de file de la petite mais très vive opposition au pape François et à sa vision de la réforme de l’Église sont des hommes cléricaux.

Ils ont commencé à aiguiser leurs couteaux à la veille du premier des deux rassemblements du synode des évêques, qui ont débattu de plusieurs questions épineuses concernant le mariage et la famille.

Certains cardinaux ont averti le pape François de ne rien changer à la façon dont l'Église s'est engagée (ou plutôt a lamentablement échoué) sur ces questions.

Lorsque le synode a conclu ses deux séances et que le pape a publié son exhortation post-synodale, Amoris laetitia, quatre de ces vieux oiseaux de mauvaise augure (deux sont décédés depuis) ​​ont mis François à l'épreuve en le mettant au défi de répondre à plusieurs de leurs doutes (dubia) avec un simple oui ou non.

Ces "idiots savants" (pour reprendre une phrase de l'homme qui m'a enseigné la métaphysique) ressemblaient aux pharisiens de l'Évangile qui essayaient sans cesse de prendre Jésus au piège. Comme l’homme de Nazareth, le pape argentin les a presque tout simplement ignorés ou a refusé de mordre à l'hameçon.

 

La faille dans l'armure du pape

Un certain nombre de médias catholiques politiquement conservateurs, notamment ceux de langue anglaise, ont été des serviteurs idiots. Ils ont donné à ces prélats amers un large forum pour leurs insinuations puis pour des attaques directes contre le pape.

Cela aurait été suffisamment grave, mais des « hackeurs » se faisant passer pour des journalistes sont devenus complices en promouvant activement ces actions.

Cela n’a jamais été aussi évident que l’été dernier, lorsque ces "journalistes" se sont joints à l’archevêque Carlo Maria Viganò, ancien nonce aux États-Unis, dans une tribune stratégiquement planifiée qui exigeait la démission du pape.

N'ayant pas réussi à toucher François sur les questions familiales et matrimoniales, Viganò et ses co-conspirateurs médiatiques ont utilisé sans vergogne la crise des abus sexuels - ainsi que l’approche directe du pape sur la question - comme la prochaine occasion de porter un coup mortel à son pontificat.

Une fois encore, ils imitaient les pharisiens hypocrites qui attaquaient Jésus. Et comme Jésus, François n’a répondu que par le silence.

 

Joseph Ratzinger / Benoît XVI

L'un des aspects très troublants de ce spectacle pathétique de la dissidence catholique de droite (comment l'appeler autrement ?) est que les membres de ce combat arriéré s'inspirent du prédécesseur de François.

Et, il est triste de devoir le dire, Benoît XVI n'a rien fait - absolument rien - pour faire taire ces chiens qui aboient. L’ancien pape aurait dû faire une déclaration brève mais ferme.

Il n’a pas besoin de 6 000 mots -cf. son dernier essai-, qu’il a déguisés en "contribution" à la résolution de la crise des abus, pour protéger son héritage en ruine,

Benoît doit dire très clairement qu'il y a un pape et qu'il s'appelle François. C'est l'homme à qui Benoît a promis son "respect et son obéissance inconditionnelles" le jour où il a officiellement démissionné de la papauté.

L’ancien pape devrait également demander à ses anciens conseillers, flagorneurs de la première heure, de faire de même et de cesser de s’opposer à François. Des hommes comme le cardinal Gerhard Müller devraient se taire.

« Dans sa lettre, Benoît a percé l’abcès… son texte est plus intelligent que toutes les contributions du " Sommet des Abus " à Rome (février 2019, ndt) et des experts en savoir-faire de la Conférence des évêques allemands », a déclaré l'amer Müller, rédacteur en chef des écrits de Joseph Ratzinger-Benoît XVI.

« Le concept nébuleux de cléricalisme (en tant que cause d'abus) est une mauvaise approche », a déclaré le cardinal âgé de 71 ans lors de son dernier coup porté contre François, le pape qui lui a remis son chapeau rouge.

19 prêtres et universitaires ont adressé une lettre ouverte de 20 pages aux évêques du monde entier, dans laquelle ils déclarent dénoncer l’hérétisme du pape.

« Nous demandons donc à vos Seigneuries de dénoncer l’adhésion du pape François à l'hérésie", ont-ils déclaré.

La plupart des 19 ne sont rien. Mais il existe un nom important parmi les signataires du document qui devrait alarmer, Aidan Nichols.

Ce dominicain anglais, âgé de 70 ans, est un prolifique écrivain théologien. Il est l'auteur d'au moins trois livres sur la théologie de Joseph Ratzinger-Benoît XVI.

Benoît ayant tant à cœur de contribuer à la réponse de l'Église à la crise des abus, ne devrait pas trouver trop difficile ni trop contraignant de se dissocier définitivement de personnes qui comme Nichols, attaquent le pape François.

La révérence et l'obéissance inconditionnelles (les propres mots de Benoît) n’en exigent pas moins.

 

Francis and the Pharisees

The evangelical pope remains undeterred by attacks from rigid Church ideologues

Robert Mickens,

Rome, Vatican City, May 3, 2019

Pope Francis has been known to make off-color or politically incorrect jokes from time to time. For example, he has provoked sighs and raised eyebrows with stereotypical mother-in-law asides and occasional references to women as strawberries on the cake.

Then there's his constant harping about modern-day Pharisees, as he frequently labels those Catholic priests and bishops who are being hypocrites.

Jewish leaders are not at all amused at the reference, to put it mildly. They say the way Francis continuously attributes a negative connotation to the word Pharisee only perpetuates age-old anti-Jewish stereotypes.

Riccardo Di Segni, chief rabbi of Rome, even criticized pope to his face about this back in 2015. He said Francis replied, "I know very well. I'm a Jesuit and I know the term 'Jesuitical' also sounds bad."

Setting the record straight

Nearly four years later scholars from the Catholic, Protestant and Jewish traditions are set to look more carefully at Di Segni's concerns.

They'll be gathering at an international conference at the Gregorian University in Rome aimed at setting the record straight about the unflattering, though conventional image of these "doctors of the law."

"Jesus and the Pharisees. An interdisciplinary reappraisal" will take place from May 7-9 and conclude with a private papal audience. It is jointly sponsored by the university's Cardinal Bea Centre for Judaic Studies and the Jesuit-run Pontifical Biblical Institute, which is marking the 110th year of its existence.

Taking a look at the line-up of speakers and the topics of their lectures, one can only guess that Pope Francis is in for a bit of a reprimand. But, then again, so is Jesus – at least as the Gospel writers portray him and his relationship with certain Pharisees.

Small-minded doctors of the law

Whether this will cause the 82-year-old pope to be more careful about his language, however, is quite another matter. One thing it will not do is halt Francis from calling out the hypocrisy among those in the Catholic "ruling class."

It has been his indirect, but extremely clear way of answering the biting criticism of his fiercest detractors, almost all of them identified with doctrinally rigid or traditionalist sectors of the Church.

When Jorge Mario Bergoglio was elected Bishop of Rome in 2013 it was not immediately clear that he would become the bane of Church traditionalists.

While he broke tradition by being the first pope ever to take the name Francis, he very publicly extolled the enduring value of popular devotions and other traditional practices.

But his salty language, not so playful jabs at clericalists and his eschewing of the Vatican's royal court-like protocols, put him on a collision course with semper idem and rule-bound Catholics.

Now six years on, it is clear that the ringleaders of the tiny, but very vocal opposition to Pope Francis and his vision for reforming the Church are men in the clerical state.

They began sharpening their knives in the run-up to the first of the two gatherings of the Synod of Bishops that discussed a number of thorny issues regarding marriage and the family.

There were cardinals who warned Pope Francis not to change anything in the way the Church has engaged (or, rather, failed miserably to engage) certain of these issues.

When the Synod finished its two sessions and the pope issued his post-synodal exhortation, Amoris laetitia, four of these old birds (two have since died) put Francis to the test by challenging him to answer several of their doubts (dubia) with a simple yes or no.

These "learned idiots" (to borrow a phrase from the man who taught me metaphysics) were like the Pharisees in the Gospel who tried endlessly to catch Jesus in a trap. And like the holy man from Nazareth, the pope from Argentina has mostly just ignored them or has refused to take the bait.

The chink in the pope's armor

A number of politically conservative Catholic media outlets, especially those in English, have been the useful idiots of the learned ones. Increasingly they have given these embittered and brittle prelates a larger forum for their insinuations and, finally, outright attacks against the pope.

That would have been bad enough, but the hacks pretending to be reporters have also become accomplices by actively promoting the deeds Francis' enemies are carrying out.

This was never more obvious than last summer when these "journalists" colluded with the former nuncio to the United States, Archbishop Carlo Maria Viganò, in a strategically planned broadside that actually demanded the pope resign!

Having failed to bring Francis down on the family and marriage dispute, Viganò and his media co-conspirators shamelessly used the sexual abuse crisis – and the pope's flat-footedness on the issue – as their next opportunity to strike a mortal blow to his pontificate.

Once again they were imitating the hypocritical Pharisees who attacked Jesus. And like Jesus, Francis has responded only with silence.

Enter Joseph Ratzinger/Benedict XVI

One of the very disturbing aspects of this pathetic spectacle of right-wing Catholic dissent (what else can one call it?) is that the members of this retrodox racket draw inspiration from Francis' predecessor.

And, sad to have to say it, but Benedict XVI has done nothing – absolutely nothing – to call off these dogs. All the former pope would have to do is issue a short, but firm statement.

Hell, it doesn't even need to be 6,000 words, like his latest essay to protect his crumbling legacy, which he masqueraded as a "contribution" to resolving the abuse crisis.

Benedict must make it very clear that there is one pope and his name is Francis. This is the man to whom Benedict promised his "unconditional reverence and obedience" the day he officially resigned from the papacy.

The former pope should also tell his former aides and sycophants to do the same and to stop opposing Francis. Men like Cardinal Gerhard Müller should be told to shut up.

"In his letter, Benedict has pierced the boil… his text is more intelligent than all the contributions at the Roman 'Abuse Summit' and the know-it-all experts at the German Bishops' Conference," said the embittered Müller who is general editor of Joseph Ratzinger-Benedict XVI's collected writings.

"The nebulous concept of clericalism (as a cause of abuse) is the wrong approach," said the 71-year-old cardinal in his latest passive-aggressive swipe at Francis – the pope who, by the way, gave him his red hat!

Now 19 priests and academics have issued a 20-page open letter to the world's bishops saying they need to denounce the pope for being a heretic.

"We therefore request that your Lordships urgently address the situation of Pope Francis' public adherence to heresy," they say.

Most of the 19 are nobodies. But there is one prominent name among the signatories of the document that should cause alarm – Aidan Nichols.

The 70-year-old English Dominican is a theologian and prolific writer. He has authored at least three books on the theology of Joseph Ratzinger-Benedict XVI.

Since Benedict was so keen to contribute to the Church's response to the abuse crisis, he ought not find it too difficult or burdensome to definitively disassociate himself from want-to-be protégés like Nichols who attack Pope Francis.

Unconditional reverence and obedience (Benedict's own words) demand as much.

 

 

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Date de dernière mise à jour : 17/05/2019