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Les vertus synodales de la confiance mutuelle

Les vertus synodales de la confiance mutuelle

Si les ministres ordonnés et le peuple de Dieu ne se font pas sincèrement confiance,

il n'y aura jamais d'Église synodale.

Thomas O'Loughlin

6 janvier 2022

Royaume-Uni

Toute institution humaine - qu'il s'agisse d'une famille, d'un village, d'une entreprise ou d'une Église doit s'appuyer - si elle veut survivre - sur certaines vertus communes à ses membres.

C'est une évidence qui est à la base de tout système - tant ceux bien établis que les innombrables autres jamais été formalisés.

Présence ou absence de ces vertus détermine souvent les différences entre les groupes, ces derniers demandant aussi à leurs membres des comportements particulièrs.

Dans une Église cléricaliste, la vertu nécessaire et la plus répandue est l’obéissance. L'obéissance à la hiérarchie était incluse dans l'ancienne liste des "six commandements de l'Église" et tout acte de désobéissance était puni par le droit canonique. Le plus grand compliment que l'on pouvait faire à un laïc catholique était qu'il ou elle "était un fils ou une fille loyale de l'Église". Cela signifiait que la personne obéissait aux règles et ne cherchait pas à s’immiscer dans le champ d'action des dirigeants de l'Église et dans leur capacité à influencer la législation (contrôler les hôpitaux et les écoles, agir en tant que "gardiens" de la "moralité publique", etc.)

Dans cette société simple à deux niveaux, la relation entre les clercs et les laïcs est analogue à celle des officiers et des militaires de rang inférieur. Le pouvoir est descendant, l'obéissance et la loyauté unissent les deux niveaux pour former la société qu’est l'Église.

C'est ce système de vertus qui est résumé par cette phrase : les laïcs sont là pour prier, payer et obéir.

Nouvelle situation, nouvelles vertus

Si nous devons passer à une Église synodale, nous devrons découvrir et apprendre à vivre avec un nouvel ensemble de vertus.

L’idée de base de la synodalité épiscopale est que les évêques viennent de divers endroits et se rencontrent : le synode est un carrefour. S’étant rencontrés, ils doivent se faire confiance pour que chacun travaille dans son propre lieu pour le bien de l'ensemble du groupe.

C'est la vertu de la confiance mutuelle.

À quoi ressemblera la confiance mutuelle dans l’Église synodale que nous cherchons à faire naître ?

La confiance au sein d'une communauté eucharistique

Il est clair que la majorité de chaque communauté - "les laïcs" - est censée faire confiance au prêtre qui préside les célébrations. Ils sont censés croire qu'il travaille à la fois pour leur bien et pour le bien de l'ensemble du peuple de Dieu.

Ils font confiance à son attention à la liturgie ; par exemple, qu'il réfléchit et se prépare soigneusement quand il va commenter la Parole de Dieu dans une homélie. Ils ont confiance qu'il accorde une attention particulière aux pauvres de la communauté et aux malades.

Ils doivent aussi faire confiance au prêtre visage public de cette Église et que, dans ce rôle, il est un modèle de service chrétien.

La communauté fait confiance à son prêtre - confiance qui le soutient par ses contributions – et les structures de l'Église lui donnent aussi cette confiance, comme l'exprime le droit canon.

Vérité ou méfiance ? Une question fondamentale dans chaque communauté

Cette confiance a souvent été brisée au cours des deux dernières décennies par les scandales d'abus qui ne cessent d'éclater dans les différents pays. Le problème va perdurer, en partie parce que nous avons peur de l’examiner en profondeur et en partie parce qu’il nous gêne. Chaque organisation d’Église a tendance à minimiser l'ampleur du problème dans le vain espoir de préserver son image publique.

Mais il reste ce fait : une communauté a besoin de faire confiance à la personne qui préside l'Eucharistie. Elle doit la voir comme un frère bien-aimé qui la conduit dans son action de louange au Père en union avec le Christ.

Elle doit avoir confiance en lui comme leur enseignant, leur guide, leur confident et leur guérisseur, l'instrument de l'Esprit pour les guider sur le chemin de la foi.

Vice-versa

Mais si la communauté doit faire confiance au prêtre, le prêtre doit aussi faire confiance à la communauté, car ce sont les baptisés qui constituent ensemble le peuple sacerdotal de Dieu.

Pour les catholiques romains, il va de soi que les membres de la communauté doivent avoir confiance dans le sacrement de l'ordre. Mais plus difficile est que les ordonnés doivent avoir confiance dans le sacrement du baptême.

Chaque prêtre a baptisé de nombreuses personnes ; malheureusement, très peu d'entre elles croient profondément ce que l'Église - et pas seulement l'Église romaine - croit au sujet du baptême. Si l’Esprit vit dans le cœur de chaque personne baptisée, alors cette personne mérite la confiance et le respect au sein de l'Église.

La Prière des Fidèles [1]

Nous nous levons pour la Prière des fidèles parce que nous agissons en tant que peuple sacerdotal.

Il y a quelques années, un curé écossais créa dans sa paroisse une liturgie dominicale synodale. La communauté apportait chaque semaine ses offrandes et les partageait entre tous dans son action de grâce au Père. Il a constitué plusieurs petits groupes de trois ou quatre personnes qui, à tour de rôle, prépareraient la "Prière des Fidèles". Pour les aider, il les a instruits sur la théologie de cette action et les a formés.

Cela peut paraître surprenant que cette partie du rassemblement dominical soit appelée "prières des fidèles", comme s'il s'agissait d'une simple liste de "donne-nous" ; on l'appelle aussi "prières de demande". Tout cela évoque l'idée d'énumérer ce que nous voulons.

La Prière universelle est, en fait, l'intercession du peuple sacerdotal - qui est devenu tel par son baptême - pour le monde, pour l'Église de Dieu, pour ceux qui sont dans le besoin et pour leurs besoins particuliers. C'est un acte sacerdotal qui consiste à entrer dans la présence de Dieu, à s'y tenir en tant que peuple et à intercéder.

Cet acte trouve ses racines dans le judaïsme et le travail quotidien de la tribu de Lévi, les cohenim. C'est une expression du nouveau et unique sacerdoce du Christ ressuscité, auquel nous participons tous, en tant que peuple saint de Dieu.

Le frère ordonné qui préside prend part à cette prière en vertu de son baptême et non de son ordination.

La Prière universelle peut être considérée comme une expression de l'Église synodale en action.

Mais qu'en est-il de la confiance ?

Un nouveau et jeune prêtre est arrivé dans la paroisse et n'aimait pas ce que son prédécesseur avait fait. Il allait diriger la liturgie et lui seul.

Il a commencé par demander au groupe qui préparait la Prière universelle de lui montrer - pour qu'il l'approuve - ce qu'ils allaient dire. Puis il a opposé son veto aux textes qui ne correspondaient pas à sa vision de l'Église. Il voulait qu'ils utilisent ses textes ou qu'ils puissent dans un livre.

La prière est passée du statut d'expression de cette communauté particulière de baptisés à celui d'une formule. La communauté n’intercédait plus en tant que telle ; elle acceptait quelque chose venu d’ailleurs.

Les personnes furent naturellement blessées de voir que leurs efforts et leur ministère auprès de leurs sœurs et frères, étaient mis de côté.

"Il veut juste que nous priions, payions et obéissions"

"Il pense comme une Église cléricale"

"Il ne nous fait pas confiance".

Tous étaient d'accord pour dire que c'était un problème de fond.

Ce prêtre n'avait pas confiance en sa communauté.

Il n'avait pas confiance au baptême.

Il n'avait pas confiance en l'Esprit qui parle dans le cœur des fidèles.

Il n'avait pas confiance à la présence du Christ au milieu des trois ou quatre personnes réunies pour composer la Prière universelle.

La confiance est une voie à double sens

Chaque fois que je rencontre un évêque, un prêtre ou un diacre, j'entends leur interrogation sur le fait qu'ils ont perdu la confiance du peuple.

Mais lorsque je parle à des laïcs catholiques, ils sont très préoccupés par le fait qu'ils n'ont pas la confiance de leur clergé.

La confiance va dans les deux sens. Il s'agit d'une valeur fondamentale pour la synodalité.

Si les prêtres n'apprennent pas à faire confiance au peuple de Dieu, l'Église synodale ne verra pas le jour.

Thomas O'Loughlin est prêtre du diocèse catholique d'Arundel et Brighton et professeur émérite de théologie historique à l'université de Nottingham (Royaume-Uni).

Son dernier livre est Eating Together, Becoming One : Taking Up the Pope Francis's Call to Theologians (Manger ensemble, devenir un : recevoir l’appel du pape François aux théolmogiens), Liturgical Press, 2019).

 

traduction par Jean-Paul 

 

Synodal virtues of mutual trust

Unless the ordained ministers and the People of God sincerely trust one another, there will never be a synodal Church

By Thomas O'Loughlin

January 6, 2022

United Kingdom

Every human institution – be it a family, a village, a company or a worldwide Church – must rely on certain virtues that are common to its members if it is to survive.

This is the truism that is at the basis of every system of ethics – both those that have been written down, and the countless others that have never achieved that level of formality.

Moreover, it is the presence or absence of particular virtues that often determines the differences between groups. Different styles of society call forth from their members difference values of behavior.

In a clericalist Church, the most widespread virtue needed by the majority of the members is the virtue of obedience.

Obedience to the hierarchy was even included in the old list of the "Six Commandments of the Church". And any act of disobedience was punishable by canon law.

The highest compliment that could be paid to a Catholic layman was that he or she "was a loyal son or daughter of the church".

By this was meant that the person obeyed the rules and did not seek – for instance as a politician – to limit the scope of the Church leaders to use their position to influence legislation, control hospitals and schools, and perhaps act as the "guardians" of 'public morality.'

In such a simple two-tier society the relationship between clerics and laity was analogous to officers and those in lower ranks. Power descended, and obedience and loyalty joined the two levels together to form the society of the Church.

It is this virtue system that is often summarized in this phrase: the laity are there to pray, pay and obey.

New situation, new virtues

But if we are to move to a synodal Church we will have to discover and learn to live with a new set of virtues.

A basic idea of synodality is that bishops came from a variety of places and met together – the place of the synod was, in effect, a crossroads.

Once they met, they had to trust one another that each was working in his own place – near or far – for the good of the whole group.

This is the virtue of mutual trust.

But what does mutual trust look like in the new synodal Church we are seeking to bring into being?

Trust within a Eucharistic community

Clearly, the majority of each community – "the laity" – are expected to trust the presbyter who presides at their celebrations. They are expected to trust that he is working both for their good and the good of the whole People of God.

They trust that he is giving careful attention to the liturgy; for example, that he thinks and prepares carefully each time he seeks to break open the Word of God in a homily. And they truest his giving careful attention to the poor of the community and to the sick, as well.

They also have to trust that in the virtue of the presbyter being the public face of that Church. And they must trust that, in so far as he takes on that public role, that he is a model of Christian service.

This is not just the trust that the community places in their presbyter – and for which they sustain him with their contributions –, but this is what the formal structures of the wider Church expect of him as expressed in canon law.

Truth or Distrust? A basic question in every community

It is this trust that has often been shattered in the last couple of decades by the scandals of abuse that keep coming out in country after country.

The problem will continue, partly because we are fearful of looking deeply at the problem and partly out of our embarrassment.

Every organization tends to diminish the extent of the problem in a vain hoping that it will preserve the organization's public face.

But that still leaves this fact: a community needs to place trust in the person who presides at the Eucharist.

They have to see him as leading them as a beloved brother in their sacrifice of praise to the Father in union with the Christ.

They have to trust in him as their teacher, guide, confidante and healer – that he will be the Spirit's instrument in guiding them along pilgrimage of faith.

Vice-versa

But if the community has to trust the presbyter, the presbyter has also to trust the community of the baptized because it is they together who constitute the priestly people of God.

For Roman Catholics it goes -- almost without saying -- that those in the community have to trust in the sacrament of Holy Orders. But the harder task is the ordained have to trust in the sacrament of baptism.

Every presbyter has baptized many people; sadly, very few really believe what the Church – not just the western, Roman church – believes about baptism.

But if the Holy Spirit lives in the heart of every baptized person, then that person deserves trust and respect within the Church.

The Prayer of the Faithful

We stand for the Prayer – because we are acting as a priestly people

A few years ago a parish priest in Scotland wanted to create a Sunday synodal liturgy in his parish. The community would bring their gifts to the gathering each week and share them with the community of the baptized in their thanksgiving to the Father.

So this presbyter set up several little groups of three or four people who would take it in turn to prepare the Prayer of the Faithful. And to help them, he instructed them in the theology of this action and gave them training in doing it well.

This might seem surprising because, in many places, this part of the Sunday gathering is mistakenly called the "prayers of the faithful" as if it was just a list of "give me" prayers.

In other places it is called "the bidding prayers". Again, this conveys the idea of listing what we want.

The Prayer of the Faithful is, in fact, the intercession of the new priestly people – who are made such by their baptism for the world, the whole Church of God, all who are in need and for their particular needs.

This is a priestly act of entering into the presence of God – and standing there as a people – and making intercession.

The roots of this are in Judaism and the daily work of the tribe of Levi, the cohenim. It is an expression of the new, unique priesthood of the Risen Christ in which we all, as the holy People of God, take part.

The ordained brother who presides takes part in this prayer by virtue of his baptism, not his ordination.

The Prayer of the Faithful can be seen as an expression of the synodal Church in action.

But what about trust?

A new, young priest came to the parish in Scotland and did not like what his predecessor had done. He was going to lead the liturgy and only he was going to lead the liturgy!

His first step was to require the group who prepared the Prayers of the Faithful to show him – for his approval – what they were going to say. Then he vetoed texts that did not fit with his own vision of the Church. He wanted them to use his texts or to read them from a book.

The prayer shifted from being an expression of this particular community of the baptized, to being one more formula read out for them. This Church was no longer making its specific and unique intercession, but simply agreeing to a something.

The people were naturally hurt that their efforts, and their ministry to their sisters and brothers, were being set aside.

One said: "He just wants us to pray, pay and obey in his words!"

"He thinks in terms of a clerical church!" said another.

And another said: 'He simply does not trust us!'

All agreed that that was the basic problem.

This presbyter simply did not trust his community.

He did not trust what we believe about baptism.

He did not trust that the Spirit speaks in the hearts of the faithful

And he simply did not trust that when the three or four people are gathered to compose a text for the Prayer of the Faithful on Sunday that the Lord Jesus was among them.

Plain and simple, this presbyter does not trust the faithful.

Trust is a two-way street

Every time I meet a bishop, a presbyter or a deacon, I hear concern over the sad fact that they have largely lost the trust of the people.

But when I talk to groups of lay Catholics, they are usually more concerned that they are not trusted by their clergy.

Trust goes both ways. It is a basic value for synodality.

Unless our presbyters learn to trust the People of God, the synodal Church will not come into being.

Thomas O'Loughlin is a presbyter of the Catholic Diocese of Arundel and Brighton and professor-emeritus of historical theology at the University of Nottingham (UK). His latest book is Eating Together, Becoming One: Taking Up Pope Francis's Call to Theologians (Liturgical Press, 2019).

Read more at: https://international.la-croix.com/news/religion/synodal-virtues-of-mutual-trust/15443


[1] Notre « Prière universelle ». NdT

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