conférence de Monique Baujard « la pensée du pape François sur la place des laïcs dans l’Évangélisation » - 6/12/2018

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A l’exposé de la conférencière, nous avons ajouté des liens vers des explications ou vers des textes cités ainsi que d’autres exemples puisés dans l’actualité.

 

 

Compte-rendu très personnel de la conférence de Monique Baujard

« La pensée du pape François sur la place des laïcs dans l’Évangélisation »

Le jeudi 6 décembre 2018

A l’exposé de la conférencière, nous avons ajouté des liens vers des explications ou vers des textes cités ainsi que d’autres exemples puisés dans l’actualité.

 

Monique débute son exposé en constatant que nous sommes nombreux à souhaiter une évolution dans notre Eglise. Dans notre monde occidental (de l’Ouest) où la religion catholique n’est plus pratiquée régulièrement que par une petite part de ceux qui se disent encore catholiques (pour ses valeurs chrétiennes) et qui eux, ne représentent que 60 % de la nation, la recherche de spiritualité existe, mais les églises ne sont plus les premiers lieux où nos contemporains vont la chercher. En effet, les personnes qui fréquentent peu les églises n’ont plus les codes et les rituels sont devenus vides de sens pour eux. Ils sont davantage attirés par des ouvrages comme ceux de Frédéric Lenoir où d’autres ouvrages plus ésotériques, mais qui ne fondent par leur spiritualité dans la foi en Jésus-Christ. Par ailleurs, nous constatons que nous savons mal parler de notre foi et que les mots nous manquent pour faire passer notre expérience personnelle de rencontre avec la personne de Jésus. Certains pensent qu’il faudrait une importante réforme de l’institution pour mieux annoncer la Bonne Nouvelle. Mais il faut plutôt penser l’Église « hors les murs », « celle qui n’a pas peur de se salir les mains » et aller là où aucune structure actuelle de l’Église ne se trouve.

En nous appuyant sur la phrase de Jésus « Donnez- leur vous-mêmes à manger » et sur le paragraphe 49 d’Evangelii Gaudium, nous sommes invitées à sortir pour annoncer la bonne nouvelle, tout en essayant de vivre en synodalité.

Dans son très important discours du 17 octobre 2015 au beau milieu du synode de la famille, qui célébrait le cinquantenaire de la création par Paul VI de ces assemblées d’évêques réunis autour du pape pour débattre d’un thème particulier (comme le récent synode pour les jeunes qui vient de se terminer, ou le prochain qui va avoir pour thème l’Amazonie) le pape a redit son souhait pour l’Église du IIIème millénaire : une Église à l’écoute, une Église du service, une réelle prise en compte du « sensus fidei », qui supprime la distinction ancienne entre « Ecclesia  docens », l’Eglise qui enseigne, c’est-à-dire les clercs, et « Ecclesia discens », l’Eglise qui apprend, qui est enseignée, c’est-à-dire les laïcs.  Pour approfondir le sensus fidei, voir un article très complet dans La Croix :

https://www.la-croix.com/Urbi-et-Orbi/Archives/Documentation-catholique-n-2516-K/Ch.-I.-Le-sensus-fidei-dans-l-Ecriture-et-dans-la-Tradition.-1.2-Le-developpement-de-l-idee-et-son-role-dans-l-histoire-de-l-Eglise-2014-07-11-1177597

C’est de cet article qu’est extraite cette citation : « Là où par le passé les auteurs avaient souligné la distinction entre l’Ecclesia docens et l’Ecclesia discens, le souci de Congar fut de montrer leur unité organique. « L’Église croyante et aimante, c’est-à-dire le corps des fidèles, est infaillible dans la possession vivante de la foi, non dans un acte ou un jugement particulier. L’enseignement de la hiérarchie est au service de la communion ».

Le pape donne l’image de la pyramide « inversée ». On voit tout de suite que cette représentation est bien moins stable qu’une pyramide reposant sur un important socle de laïcs fidélisés et encadrés ! On ne voit d’ailleurs pas beaucoup de propositions dans ce sens. Au récent synode sur les jeunes, les articles qui ont recueilli le moins de voix étaient justement ceux qui préconisaient que l’après synode se fasse dans le même esprit de synodalité en accentuant l’écoute fraternelle et intergénérationnelle !

Monique Baujard nous propose ensuite un petit détour par l’Eglise du XIème siècle, grande époque de la réforme Grégorienne qui donne à l’institution sa forme actuelle et attribue clairement aux prêtres et aux laïcs des rôles distincts et des états de vie différents : aux prêtres le célibat et aux laïcs le mariage. Un spécialiste de cette période, Patrick Boucheron a consacré son discours inaugural au collège de France sur l’histoire des pouvoirs et le modèle qu’a représenté l’institution Eglise pour l’ordonnancement du monde occidental du second millénaire. C’est de cette époque que date le dogme de la Transubstantiation, au IVème concile du Latran en 1215 et qui a été confirmé au concile de Trente (1545). Seul le prêtre a ce « pouvoir » et « l’élévation » de l’hostie aux yeux des fidèles en est le signe. Cette « élévation » se retrouve dans l’architecture des bâtiments de l’Eglise. Cette culture de la différentiation n’a pas favorisé le dialogue entre clercs et laïcs. Le fossé semble se creuser de plus en plus entre « le monde » et « l’Eglise » qui est clairement comprise comme l’Eglise des clercs. C’est également le moment où l’on distingue clairement les baptisés, de ceux qui ne le sont pas, en n’encourageant pas la communication entre ces deux populations.

Vatican II, qui va être une sacrée révolution, a été préparé par des courants de réflexions de théologiens et philosophes chrétiens. Des sujets aussi impensables que l’œcuménisme ou la liberté religieuse vont être abordés. Sur beaucoup de sujets, le concile va s’efforcer d’enjamber cette coupure entre clercs et laïcs.

C’est dans la constitution dogmatique « Dei verbum » que l’on retrouve cette idée, découlant de l’incarnation, que Dieu (le Verbe) s’est fait conversation. Le travail des exégètes y est reconnu et grâce aux dons de l’Esprit Saint reçu au baptême, les fidèles peuvent lire la bible, mais l’interprétation reste confiée au seul magistère ! Dans le travail de la transmission de la foi tout le monde est partie prenante, et c’est dans le dialogue où chacun doit être reconnu comme interlocuteur valable que peut se faire l’évangélisation, dans la bienveillance pour autrui et l’esprit critique que nous devons nous appliquer d’abord à nous-mêmes.

Gérard Defois, maintenant évêque émérite, qui a été sociologue, montre que la transition de l’après concile entraine une certaine passivité des laïcs qui, de fait, ne sont pas reconnus comme interlocuteurs institutionnels. Cette situation ne permet pas un véritable dialogue ni des laïcs avec les clercs, ni de l’Eglise avec le monde. La manière dont a été vécu l’épisode « du mariage pour tous » montre qu’il n’y a pas pu avoir de lieux même dans l’Eglise pour aborder ces questions avec nuance, obligeant les fidèles à choisir presque idéologiquement leur camp !

 L’exhortation Evangelii Gaudium annonce clairement le programme du pontificat de François. L’accent est mis sur la présence de l’Esprit Saint au cœur de tout baptisé qui fait de lui un missionnaire. Le rôle des conférences épiscopales doit être accentué et marcher de pair avec une inculturation raisonnable mais audacieuse. Avec le travail universitaire, les recherches en théologie et l’étude des sciences sociales sont encouragées car elles peuvent apporter des éléments importants pour enrichir notre annonce de la Bonne Nouvelle plutôt que l’utilisation sans nuance d’une annonce monolithique toute faite.

Mais pour le pape François, l’expérience personnelle est très importante et il ne se contente pas d’une vision théorique par exemple pour la notion de synodalité : dès le premier synode de la famille de 2014, il avait fait envoyer un questionnaire à l’ensemble du Peuple de Dieu (je rappelle au passage, qu’en France, sous prétexte que la traduction avait pris du temps, ce questionnaire n’a été envoyé aux fidèles que très rarement, et que certains diocèses avaient tout simplement fait répondre une petite commission estimant que le peuple de Dieu n’allait pas bien comprendre les questions !) Le pape a également fait travailler les théologiens. En France une commission de 26 théologiens a été créée. Ils se sont retrouvés et ont apporté leur contribution sur des sujets liés aux questions des défis pastoraux soulevées au premier synode de 2014. Une autre commission s’était retrouvée pendant la période inter synodale pour répondre à une proposition dans la Relatio Finalis de 2014 sur la communion spirituelle. Cette notion est désormais absente de la Relatio Finalis de 2015, de même que dans Amoris Laetitia.

La tenue des synodes de la famille a été très pédagogique sur le plan de la synodalité, puisque le pape a clairement libéré la parole par ces trois petites phrases

Parler sans crainte

Écouter avec humilité

Accueillir avec le cœur

Il a également souhaité qu’il y ait beaucoup de temps en « petits groupes », les circulus minores qui réunissait 20 à 25 personnes seulement et où la parole pouvait circuler, même parmi les auditeurs ! Il a voulu que chaque membre du synode fasse l’expérience personnelle du travail en synodalité, afin qu’il puisse exporter cette culture chez lui à son retour ! C’était d’ailleurs le sens de son discours de clôture pour le synode de 2015.

Un récent colloque sur la synodalité dans l’Eglise catholique a mis en évidence que nous avons pris quelques retards par rapport à nos amis protestants et orthodoxes.

Les enjeux

Depuis le début le pape parle d’une Eglise « en sortie », il déplace l’évangélisation vers les périphéries. Ainsi l’Eglise ne se confond plus avec les bâtiments, l’essentiel se joue à l’extérieur. La place des laïcs est donc déplacée vers l’extérieur. Leur mission, plus que d’enseigner le catéchisme, des dogmes ou des normes, est celle de révéler aux autres le Christ déjà présent dans leur vie et comment lui donner encore plus de place.

En conclusion

La question n’est pas d’abord celle de la place des laïcs, mais plutôt celle de l’action des laïcs. Cette action se nourrit de la Parole qui doit toujours les accompagner comme une « compagne de voyage », elle s’enrichit de la rencontre avec l’autre pour « entrer en communication » avec lui. Elle ne se fait pas « pour » ou « à la place », mais « avec », que ce soit les pauvres, les migrants, les jeunes, ou même les malades ou les ainés vieillissants.

L’idée est bien d’initier des « processus », d’être inventifs et audacieux, d’apprécier la variété que représente le polyèdre qui fait de nos diversités une richesse.

En dehors de ses grands textes, le pape travaille par petites touches au cours de ses homélies, ses catéchèses, ses prises de paroles devant diverses assemblées, ses lettres (publiées) comme celle au cardinal Ouellet, celle aux laïcs chiliens et plus récemment celle du 20 août au Peuple de Dieu. Mais surtout, il parle par ses gestes, ses visites et ses voyages : Lampedusa, le lavement des pieds dans une prison, l’accueil d’une famille musulmane, la nomination d’évêques ou de cardinaux de « petits pays » et tant d’autres.

Plus particulièrement pour nous laïcs, les lettres au cardinal Ouellet, aux laïcs chiliens et au Peuple de Dieu, comme je viens de les citer, nous donnent une responsabilité importante par la confiance qu’il nous accorde et la mission qu’il nous confie !

Quelles sont les limites que le pape pourrait fixer aux laïcs ? Sa vision même large et sans doute prête à s’élargir encore, est celle d’un homme, argentin, ayant déjà vécu plus de quatre-vingt ans… Souhaite-t-il vraiment avancer sur la question de l’ordination des hommes mariés, le diaconat féminin, (pas question d’aller jusqu’à la prêtrise !!!) Je pense que nous devons attendre le synode de l’Amazonie qui risque de nous réserver des surprises.

 

 

 

 

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Date de dernière mise à jour : 01/01/2019