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La mission chrétienne en modernité liquide - Arnaud Join-Lambert - Etude sept. 2017

La métaphore de la liquidité s'impose progressivement pour parler de la déstructuration des institutions.

Etudes Septembre 2017  /Arnaud Join-Lambert

La mission chrétienne en modernité liquidehttps://www.revue-etudes.com/prod/file/etudes/article/picture/2235.jpg

Dans une société « liquide », l'annonce de l'Évangile prend des formes diverses. Les modèles récents (postconciliaires) ne sont pas nécessairement caducs. Le pape François semble proposer sa propre manière d'envisager la mission de l'Église. Ces différents modèles sont-ils incompatibles ? À quelles conditions pourraient-ils être complémentaires ?

 

La métaphore de la liquidité promue par Zygmunt Bauman (1925-2017) s'impose progressivement comme une des plus suggestives pour rendre compte de la déstructuration et de la délégitimation des institutions, au profit d'un triomphe de l'individu1. Chaque groupe, structuré ou non, est provoqué à une mue pour faire face aux mutations. Elle consiste, selon la métaphore de Bauman, à passer de l'état solide à l'état liquide. Je me suis interrogé en 2015 sur ce que cela pourrait signifier pour l'Église catholique2. Les nombreuses réactions à cette perspective d'Église liquide ont ouvert plusieurs champs de réflexion dans des diocèses, des mouvements, des services et des communautés en France, au Québec et en Belgique, dans l'Église catholique mais aussi dans l'Église protestante unie de France.

De ce foisonnement inattendu émerge une question récurrente : que faire pour continuer à vivre en Église et à annoncer l'Évangile aujourd'hui ? Comment déployer une action en écho à l'impératif de Jésus à ses disciples : « Allez, de toutes les nations, faites des disciples » (Matthieu 28,19). Pour le dire autrement, y aurait-il un type de mission adapté à une Église liquide en modernité liquide ? La question fondamentale n'est alors pas tant la structure ecclésiale que la manière de mettre en œuvre la mission. On parle, depuis le missiologue protestant sud-africain David Bosch (1929-1992), de « modèle missionnaire »3, comme une façon particulière de penser la mission et d'y intégrer la dimension contextuelle. Plusieurs modèles peuvent coexister dans un même contexte en fonction des options des responsables, notamment leurs options théologiques.

Dans cet article, j'examinerai trois modèles missionnaires contemporains, ainsi qu'un éventuel quatrième initié par l'action et les discours du pape François, et j'aborderai quelques perspectives liées à la compatibilité éventuelle entre ces modèles pour évaluer la possibilité même d'une mission chrétienne.

Trois nouveaux modèles missionnaires identifiables en Europe occidentale

Au risque d'être trop schématique, je propose d'identifier trois nouvelles manières plus ou moins théorisées d'annoncer l'Évangile aujourd'hui : la nouvelle évangélisation, la proposition de la foi et la pastorale d'engendrement. J'écarte deux options « anciennes » : la tentative de maintenir à tout prix ce qui existait pendant des siècles dans la chrétienté, présente dans les milieux catholiques traditionnels et traditionalistes, manière d'agir caractérisée par une dynamique restauratrice. Mélange de repli sur soi et de déni nostalgique, cette attitude paraît loin du style de Jésus Christ transmis dans les évangiles et renonce à l'appel à la mission par tous et vers tous. L'autre option plus spirituelle est résumée par la notion d'enfouissement, à son apogée dans les années 1950-1970, encore vécue par des communautés religieuses et des chrétiens, mais dont il est difficile de faire une théorisation comme pour les trois autres modèles retenus.

La « nouvelle évangélisation » est une notion répandue soudainement dans l'Église catholique, consécutive à des exhortations du pape Jean Paul II à partir de 1983. C'est l'expression d'une exigence à entreprendre à nouveau une évangélisation que l'on croyait parvenue à son but dans des pays entièrement chrétiens. L'insistance du pape a porté ensuite régulièrement sur la dimension de renouvellement intérieur, condition pour évangéliser les non-croyants. Cette nouvelle évangélisation est une notion suffisamment large pour recouvrir à la fois l'innovation radicale et le recours aux méthodes traditionnelles de la mission4. Elle s'est déployée principalement dans les mouvements et surtout les communautés nouvelles, montrant en creux la grande difficulté des paroisses à quitter leur mode statique, et donc « solide », d'annonce de l'Évangile. Un écho résonne dans les propos du pape François en 2013 : « La pastorale en terme missionnaire exige d'abandonner le confortable critère pastoral du “on a toujours fait ainsi”. J'invite chacun à être audacieux et créatif dans ce devoir de repenser les objectifs, les structures, le style et les méthodes évangélisatrices de leurs propres communautés. »5

La dynamique caractéristique des pratiques missionnaires se réclamant de la nouvelle évangélisation est un « aller vers ». Il s'agit de trouver les moyens et les méthodes pour entrer en relation avec les éloignés de l'Église, qu'ils soient catholiques ou non, croyants ou non. Le but ultime est l'entrée ou le retour au sein de l'Église, pensée comme communauté de salut6. Les questions habituellement posées à ce modèle missionnaire sont la manière d'articuler émotion et réflexion, temps forts et insertion durable dans une communauté, groupes à l'identité bien affirmée et ouverture sur une altérité y compris intra-ecclésiale.

Le deuxième modèle missionnaire est le fruit d'une démarche consultative et réflexive de plusieurs années sous la direction de Mgr Claude Dagens. Les évêques français l'ont adopté sous le nom de « proposition de la foi ». La Lettre aux catholiques de France de 1996 est un aboutissement reflétant les soucis pastoraux à la sortie des années 1980, mais aussi une charte prospective pour annoncer l'Évangile dans un contexte qui n'est plus celui de la chrétienté7. Les évêques de France ont fait ici œuvre de pionniers, suivis depuis par presque tous les épiscopats ouest-européens. Ils y invitent à « retrouver le geste initial de l'évangélisation : celui de la proposition simple et résolue de l'Évangile ». Pour cela, il s'agit d'abord d'aller au cœur de la foi, puis d'opérer un travail de discernement. La grande différence concrète avec la nouvelle évangélisation réside dans le lieu de cette annonce, à savoir la pratique ordinaire de l'Église, notamment toutes les rencontres pastorales qui peuvent surgir lorsque des personnes éloignées de la communauté viennent la solliciter, quelle que soit leur motivation. Il s'agit donc plus d'un « recevoir » que d'un « aller vers ». Il n'y a pas de méthode spécifique. L'accent porte sur la relation qui se noue à ce moment, inscrivant donc l'annonce de l'Évangile dans un processus plutôt qu'un événement. Les évêques insistent aussi sur la pertinence sociale de la proposition de la foi. Il y a une plus-value de l'Évangile pour le vivre-ensemble dans la société plurielle en émergence.

Le troisième modèle missionnaire est la « pastorale d'engendrement ». Il rassemble d'une part des observations de pratiques et des témoignages d'acteurs de terrain, d'autre part la réflexion de théologiens8. Une conviction commune émane de ces pratiques et nourrit la réflexion : « L'Évangile travaille les consciences d'aujourd'hui comme celles d'hier. » La foi est donc considérée comme en germe chez l'autre et non pas d'abord comme quelque chose à transmettre. La mission n'est plus asymétrique, de quelqu'un qui a et qui sait vers celui qui ne connaît rien. Le primat porte sur la qualité de la relation, dans une rencontre où chaque partenaire apporte quelque chose. La notion d'hospitalité pourrait résumer l'enjeu de ce modèle missionnaire. Grâce à la richesse du mot, chacun est l'hôte de l'autre, le Christ lui-même se faisant aujourd'hui hôte comme il l'est depuis des siècles. Parmi les moyens à privilégier, la Bible reçue comme parole de Dieu est fondamentale. Les lieux de déploiement d'une pastorale d'engendrement sont des petits groupes dans une proximité sociale et/ou géographique.

 

Un quatrième modèle missionnaire à l'initiative du pape François ?

Lorsque le pape Benoît XVI a adopté l'expression alors incontournable de « nouvelle évangélisation », il l'a infléchie afin d'équilibrer ce qui serait parfois trop velléitaire et ne tenant pas compte du milieu de l'annonce. Son propre modèle missionnaire serait paradoxalement à la fois plus assertif et plus dialogique que celui de Jean Paul II. En essayant de lier les moyens et la finalité de la mission, le pape allemand a proposé le vocabulaire du « parvis » (les « parvis des gentils »9). Si cette variante de la nouvelle évangélisation se situe « en dehors » et s'adresse à « ceux du dehors », elle a aussi pour finalité de les faire entrer. Le « parvis » n'est clairement qu'un lieu de transition qui n'a pas sa finalité propre. Le mouvement fondamental reste le même que la nouvelle évangélisation originelle.

Son successeur argentin a modifié cela en imposant une dynamique de « sortie » qui n'a pas pour finalité première le retour. Cela justifie déjà de parler d'un quatrième modèle missionnaire. Le discours du cardinal Jorge Mario Bergoglio au conclave de 2013 est sans ambiguïté : « L'Église est appelée à sortir d'elle-même et à aller dans les périphéries, les périphéries géographiques mais également existentielles : là où résident le mystère du péché, la douleur, l'injustice, l'ignorance, là où le religieux, la pensée, sont méprisés, là où sont toutes les misères. »10 Élu pape, il n'a de cesse de mettre en œuvre ce programme, qui réside plus dans un changement fondamental d'attitude que dans des recettes concrètes. S'il emploie encore l'expression de « nouvelle évangélisation », c'est rarement et surtout pour marquer une continuité avec ses prédécesseurs (Evangelii gaudium, n° 11, par exemple). En fait, il préfère clairement le vocabulaire de la mission, se référant volontiers au pape Paul VI. Il parle d'une conversion pastorale et missionnaire, qui ne peut pas laisser les choses comme elles sont11. La finalité de la mission devient l'autre pour lui-même. Le pape invite à entrer dans une posture dialogique, signifiant à l'autre tout le prix qu'il a à ses yeux et aux yeux de Dieu. Nous appellerons ce modèle « Église en sortie », expression récurrente chez le pape François12. Et je propose de caractériser cette finalité par la formation d'une communauté humaine de salut.

En examinant les propos incessants du pape François sur la mission et l'attitude du « disciple missionnaire », il apparaît que nous avons affaire à un autre modèle missionnaire que les trois précédents. Nous schématiserons cela en fonction de la dynamique principale du mouvement de relation de l'Église à « l'autre hors Église », et selon l'initiateur de la mission. La nouvelle évangélisation (que ce soit au sens de Jean Paul II ou à celui de Benoît XVI) est une initiative unilatérale de l'Église, allant de l'interne vers l'externe et établissant un rapport asymétrique avec « l'autre ». La proposition de la foi serait une initiative bilatérale, allant principalement de l'externe vers l'interne, le rapport demeurant plutôt asymétrique, puisque « l'autre » demande et que l'Église lui propose de cheminer plus loin que son besoin exprimé. La pastorale d'engendrement serait une initiative unilatérale de chrétiens en lien plus ou moins explicite avec l'institution en tant que telle, dans un mouvement dialogique et établissant localement un rapport symétrique.

 

Incompatibilité des modèles missionnaires ?

Le tableau, sans doute schématique, laisse percevoir combien est délicate la question de la compatibilité entre ces divers modèles missionnaires. Avant même l'avènement du pape François, les trois premières colonnes aident à relire et à comprendre d'interminables débats ou conflits entre des personnes catholiques engagées dans leur foi, et aussi entre des communautés paroissiales, religieuses traditionnelles ou nouvelles. Des tenants et praticiens de la nouvelle évangélisation furent et sont troublés par cette manière d'annoncer qui est moins assertive et plus empathique. Par ailleurs, des personnes enthousiasmées par la pastorale d'engendrement sentent et expriment une affinité avec les propos du pape François. C'est probablement dû à la dynamique dialogique promue dans l'un et l'autre modèle, et un rapport Église – monde symétrique. Cependant, la dimension fortement institutionnelle du modèle du pape François fait débat dans ces groupes et communautés.

Ces modèles missionnaires apparaissent concrètement comme difficilement compatibles. Des curés interrogés dans mes recherches sentent bien qu'ils doivent diversifier les styles de rencontre et les pratiques pastorales, mais cela ne va pas de soi d'assumer pour eux-mêmes des postures différentes successivement.

Une dimension caractéristique de la modernité liquide est le primat de l'authenticité pour évaluer une autorité. Une personne doit être crédible pour que son discours soit reçu. L'exigence incontournable dans toute annonce de l'Évangile aujourd'hui, c'est que les paroles et gestes soient ancrés dans une existence. Pour le dire avec le titre du très utile ouvrage de Régine du Charlat, il faut Trouver sa propre parole de foi13. L'auteure montre très bien – nourrie de sa longue expérience d'enseignante et d'accompagnatrice – comment la foi est un chemin, empruntant des modes d'être et des mots différents selon les âges de la vie. Elle esquisse ce chemin comme celui d'une complexification croissante puis d'une simplification progressive. Le fait de ne pas se fixer définitivement dans des mots et attitudes est bien en phase avec les traits de la modernité liquide. Certains théologiens, comme Christoph Theobald, ont aussi montré combien cela fait écho à l'Évangile14. Il y a ainsi plusieurs manières de vivre la foi chrétienne dans la tradition catholique latine, s'exprimant selon des attitudes diverses et avec des mots différents.

Ces modèles seraient-ils complémentaires ? Si l'on se place du côté des destinataires de la mission, il est raisonnable de penser que tous ne sont pas sensibles au même mode relationnel, ni au même type de discours sur les questions de sens. Des personnes sont touchées par une annonce directe et non sollicitée, verbale ou autre ; d'autres par la qualité du cheminement vécu à l'occasion d'une demande adressée à une communauté chrétienne ; d'autres encore par le partage régulier vécu en amitié et proximité autour de questions existentielles ; d'autres, enfin, par la rencontre de chrétiens qui leur manifestent tout le prix qu'elles ont aux yeux de Dieu et de l'Église. Il est évidemment impossible de dire si ces mêmes personnes auraient été touchées par une démarche différente de chrétiens. En tout cas, la pluralité des modèles missionnaires est un fait incontournable. Les responsables ecclésiaux et les chrétiens, sur leur terrain, doivent en prendre acte.

Adéquation de la mission au contexte de modernité liquide

Cette complémentarité pragmatique doit-elle nous faire renoncer à porter une appréciation sur l'adéquation ou non des divers modèles missionnaires à la modernité liquide ? Pour y répondre, il est nécessaire de distinguer les individus et les communautés. Jusqu'ici, l'individu était le point focal de la présente réflexion. Or, c'est l'Église qui est par essence missionnaire. Demandons-nous donc comment l'Église liquide, qui se profile en phase avec la modernité liquide, peut s'avérer missionnaire dans ce contexte.

La première réponse serait de dire que l'Église catholique tout entière doit devenir une « Église en sortie », suivant des modalités concrètes à mettre en œuvre à partir des orientations sans cesse réitérées du pape François. Il apparaît que la dynamique dialogique est la seule qui fonctionne en modernité liquide. Selon les ouvrages de Bauman, cette dernière engendre une société qui ne supporte plus les postures asymétriques ou en tout cas les accueille au mieux avec méfiance. La nouvelle évangélisation et la proposition de la foi touchent ici rapidement leurs limites. Il y a en revanche une réelle adéquation entre « l'Église en sortie » du pape François et les attentes de nos contemporains – au moins occidentaux – dans le domaine des questions de sens. L'Évangile pourrait alors être largement perçu comme un message existentiel et transcendant, bienfaisant pour chacun et pour tous.

Cette option à privilégier serait cependant simpliste si elle était unique et exclusive. Chaque modèle missionnaire n'est pas applicable partout et par tous. Je propose alors de retenir une autre caractéristique de la modernité liquide, celle de l'éclatement des valeurs et des affiliations partielles et temporelles des individus à des groupes. Le propre d'une Église liquide serait de ne pas adopter un modèle missionnaire « unique », seul performant dans la modernité liquide (fusse-t-il promu par le pape). L'Église serait « liquide » du point de vue de la mission en permettant et même en incitant à la coexistence de plusieurs modèles missionnaires dans chaque Église particulière (ou diocèse). Pour le dire autrement, un diocèse doit assumer en son sein une pluralité missionnaire. Cette nécessité s'impose sans doute aussi, mais de manière différente, aux grands ordres religieux. C'est ici que l'on peut parler à bon droit, comme le pape François, de conversion missionnaire. Les diocèses européens ont en effet tous (ou presque) toujours effectué des choix pastoraux univoques, tant pour la catéchèse que pour leurs structures ou leurs options diaconales, etc. On l'observe très clairement dans les décisions issues des synodes diocésains et autres assemblées en Europe de l'Ouest, depuis trente ans. Ce temps est révolu, sous peine de ne plus pouvoir mener à bien l'urgence missionnaire propre au christianisme. L'heure vient où le travail des responsables diocésains sera d'organiser la pluralité, en en discernant le bien-fondé en fonction des personnes : d'une part, les baptisés porteurs de la mission et, d'autre part, les femmes et hommes autour d'eux.

Le propre d'une Église liquide serait de ne pas adopter un modèle missionnaire « unique »

Une question reste ouverte, celle du « niveau » où doit s'organiser une telle pluralité de la mission. Partout en Europe, les regroupements paroissiaux ont engendré des unités pastorales comptant plusieurs communautés, prêtres et laïcs en responsabilité. Cela recoupe désormais plus ou moins les contours des anciens doyennés multiséculaires. C'est probablement à ce niveau-là que se jouent cette conversion missionnaire et la pluralité des modèles. C'est d'ailleurs à cet échelon que peut se déployer une Église liquide articulant plusieurs pôles et types de présence au monde15.

La conversion missionnaire d'une Église particulière va consister à repenser sa propre structure à partir de la finalité missionnaire et des modes opératoires16. L'Église sera alors adéquate à son contexte, poursuivant ainsi sa mission bimillénaire. Le déplacement exigé concerne alors avant tout l'horizon vers lequel on tourne son regard : l'Humanité souffrante sous toutes ses dimensions, y compris spirituelle par manque de l'espérance dont est porteur l'Évangile.

Comment opérer concrètement cette conversion ? L'hypothèse de cet article est la nécessité d'une pluralité dans l'organisation de la mission. Comment la penser et la vivre tant à l'échelle universelle que localement ? L'Église a, dans ses trésors, des ressources inestimables, ainsi en est-il de la synodalité17. Le pape François affirmait en octobre 2015, dans un discours très remarqué : « Le chemin de la synodalité est justement celui que Dieu attend de l'Église du troisième millénaire. »18 Les divers discours du pape François ont développé cette synodalité avec un appel récurrent à rendre plus effective cette dimension de l'Église. Il a des mots très puissants à ce sujet : « Une Église synodale est une Église de l'écoute, avec la conscience qu'écouter “est plus qu'entendre?. C'est une écoute réciproque dans laquelle chacun a quelque chose à apprendre. »19 On retrouve dans cette définition la dimension dialogique et symétrique du modèle missionnaire de l'Église en sortie. L'élaboration et l'organisation se font tant dans les conseils stables que les assemblées ponctuelles. En agissant de manière synodale en son sein, et donc à l'écoute de ce que l'Esprit saint dit aux Églises (selon l'expression du livre de l'Apocalypse), chaque Église particulière et l'Église universelle trouveront des nouveaux chemins à emprunter avec les femmes et les hommes de ce temps. Cette écoute permettrait la coexistence de modèles missionnaires pourtant peu compatibles à l'échelle des individus, condition qui paraît aujourd'hui essentielle pour une fécondité de la mission chrétienne en Occident.

 

 

1 Z. Bauman, L'amour liquide. De la fragilité des liens entre les hommes, Le Rouergue – Chambon, 2004 ; La vie liquide, Le Rouergue – Chambon, 2006 ; Le présent liquide. Peurs sociales et obsessions sécuritaires, Seuil, 2007.

2 A. Join-Lambert, « Vers une Église “liquide? », Études, n° 4213, février 2015, pp. 67-78.

3 D. Bosch, Dynamique de la mission chrétienne. Histoire et avenir des modèles missionnaires, Karthala, « Chrétiens en liberté », 1995, réédition 2009.

4 Voir l'étude éclairante de Jean Rigal, « La nouvelle évangélisation. Comprendre cette nouvelle approche. Les questions qu'elle suscite », Nouvelle Revue théologique, n° 127, 2005, pp. 436-454.

5 Pape François, Exhortation apostolique Evangelii gaudium, 2013, n° 33.

6 Des exemples seraient les parcours Alpha pour la proximité, les missions urbaines de la communauté de l'Emmanuel pour le ponctuel local et les Journées mondiales de la jeunesse pour l'événementiel de grande ampleur.

7 Les évêques de France, Proposer la foi dans la société actuelle. Lettre aux catholiques de France, Cerf, 1996.

8 Philippe Bacq et Christoph Theobald (dir.), Une nouvelle chance pour l'Évangile : vers une pastorale d'engendrement, Lumen vitæ – Novalis – L'Atelier, « Théologies pratiques », 2004, p. 5. Voir aussi des mêmes auteurs, Passeurs d'Évangile. Autour d'une pastorale d'engendrement, Lumen vitæ – Novalis – L'Atelier, « Théologies pratiques », 2006.

Cf. Laurent Mazas, Études, n° 4184, avril 2013, pp. 497-507.

10 J. M. Bergoglio [pape François], Discours au conclave 2013, reconstitué par lui-même d'après ses propres notes, publié par exemple sur le site d'information Zénith.

11 Pape François, Evangelii gaudium, n° 25.

12 Par exemple dans son Discours à la 28e assemblée plénière du Conseil pontifical pour les laïcs (17 juin 2016) : « Je voudrais vous proposer, comme horizon de référence pour votre avenir immédiat, un binôme que l'on pourrait formuler ainsi : “Église en sortie – laïcat en sortie?. »

13 Lumen vitæ, « Pédagogie catéchétique », n° 23, 2009.

14 Voir ses monumentaux volumes Le christianisme comme style. Une manière de faire de la théologie en postmodernité, Cerf, « Cogitatio fidei », nos 260-261, 2007.

15 « Vers une Église “liquide? », voir note 2.

16 Voir la revue Lumen vitæ (avril-juin 2017) sur la « Conversion missionnaire des communautés ».

17 A. Join-Lambert, « Synodes et concile en France. Bilan et perspectives », Documents épiscopat, n° 5, Préface de Mgr Laurent Ulrich, Conférence des évêques de France, 2016.

18 Pape François, « Discours à l'occasion de la commémoration du 50anniversaire de l'institution du Synode des évêques », Rome, 17 octobre 2015, disponible sur le site internet du Vatican. 

19 Ibidem.