Du cléricalisme mortifère

« Prenons conscience du manque de crédibilité de notre Eglise et restaurons la  sur la base des    fondements des Evangiles et des résolutions du concile Vatican II »

« Prenons conscience du manque de crédibilité de notre Eglise et restaurons la  sur la base des    fondements des Evangiles et des résolutions du concile Vatican II »

 

 

AVANT PROPOS

Avant de développer mon analyse critique sur le cléricalisme mortifère des clercs, je souhaite vous proposer un retour en arrière pour vous rappeler quelques prises de position de personnalités des Eglises chrétiennes, que j’ai sélectionnées au cours de mes lectures.

Voici donc quelques citations-références sur l’analyse critique du cléricalisme :

Le 29 08 2018, Guillaume Goubert – directeur du journal La Croix – écrit :

« La révélation de terribles abus sexuels dans l’Église américaine, jusqu’à la mise en cause du cardinal Theodore McCarrick, venant après tant de scandales (Chili, Australie…) a conduit, le 20 août 2020 le pape François à poser un geste d’une portée symbolique inouïe : adresser une lettre à lensemble des catholiques du monde entier, 1,3 milliard de personnes ».

Dès les premières lignes, il écrit : « Considérant l’avenir, rien ne doit être négligé pour promouvoir une culture capable non seulement de faire en sorte que de telles situations ne se reproduisent pas, mais encore que celles-ci ne puissent trouver de terrains propices pour être dissimulées et perpétuées. » - le Pape François – 20 Août 2020-11-16

« Le pape François l’a compris : comme ne cessent de le rappeler les victimes ces derniers jours, le pardon ne suffit pas. C’est à un changement de culture qu’il faut désormais s’attaquer. La tâche, immense, peut paraître bien vague et risquer de se dérober sous le poids d’un système décourageant les réformes ».

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« Nous voulons le passage d’une Église remise hier entre les mains des clercs, à une Église qui soit prise en charge par tous les membres du peuple de Dieu ; une Église toute entière ministérielle pour être toute entière missionnaire ». (Cardinal Marty – conclusion de l’Assemblée plénière de l’épiscopat – Lourdes 1973) . (info reprise dans cahier bleu n° 3. p2 – Dominicains -1964)

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 « Pendant bien des siècles les ministres ordonnés, évêques et prêtres, étaient dans la communauté et non au-dessus. (cf St Augustin). C’est pourquoi les décisions autocratiques et solitaires des membres de la hiérarchie sont étrangères à l’esprit de la tradition chrétienne. St Cyprien écrivait à son église de Carthage : « Dès le début de mon épiscopat, je me suis fait une règle de ne rien décider d’après mon opinion personnelle, sans votre conseil à vous les prêtres et les diacres et sans le suffrage de mon peuple » (« cahier bleu » n°3. p.9- Dominicains- 1964 )

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« … Quitter le cléricalisme, c’est enfin tourner le dos à toute confusion, celle qui justement favorise le sentiment de toute puissance, quand un clerc se prend à vivre « père, frère, docteur, époux… », c’est là une mutation anthropologique qui est fondamentale pour désacraliser l’image du clerc, du religieux, de l’institution ecclésiale… C’est répondre à l’appel de s’ajuster à l’art d’être au monde de Jésus de Nazareth, « doux et humble de cœur ». (Véronique Margron  « Un instant de vérité » 2020. p. 142/144)

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« Avec Vatican II l’image du cléricalisme se transforme : est première l’égalité entre tous les membres du peuple et non pas la structure hiérarchique des grades » (cb2/p1- Dominicains)

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« En premier lieu, étymologiquement, le cléricalisme semble viser les prêtres. Le pape le définit comme une « manière déviante de concevoir l’autorité dans l’Église ». Elle concerne aussi bien le prêtre, dans la manière dont il se perçoit, que les laïcs, dans leur manière de se comporter avec lui... 

Des paroissiens présents depuis vingt ans dans les équipes d’animation pastorale dont ils empêchent le renouvellement, d’autres qui se posent en défenseurs d’un ordre établi sous prétexte qu’ils se sont vu confier une mission par le curé… Les exemples de cléricalisme laïc ne manquent pas... ».   (La Croix 29/08/2018 – article : « Mettre les prêtres à leur juste place »)

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Pour moi, voilà la feuille de route laissée par Jésus pour être son disciple :

« Ce qu’il fallait pratiquer pour plaire à Dieu :

 j’ai eu faim et vous m’avez donné à manger,

j’ai eu soif et vous m’avez donné à boire,

j’étais un étranger et vous m’avez accueilli,

 

En tant que chrétien de base de l’Eglise catholique, j’ai vécu douloureusement, comme la plupart de mes frères dans la foi,  la révélation de la perversité de nombreux clercs.

Cette révélation, en même temps qu’elle a dénoncé le scandale de « l’omerta » pratiquée depuis longtemps par la plus haute hiérarchie écclésiastique, a mis en lumière la culture de « l’entre-soi » qui s’est développée gràce à un cléricalisme mortifère.

La conséquence de cette funeste culture est triple :

  • la profonde meurtrissure des victimes d’abus sexuels,
  • le désaroi des chrétiens pratiquants, en proie à la sidération,
  • le discrédit de la parole de l’Eglise qui est devenue inaudible pour beaucoup.

J’avais besoin de comprendre comment on en est arrivé là.

Depui deux ans, j’ai lu et étudié de la littérature sur le sujet.

Ebahi, j’avais besoin, comme on dit, de « vider mon sac ».

 

 

1 - Que comprendre de l’Esprit du Christ aujourd’hui ?

           1.1 - L’église est avant tout un peuple

           1.2 - L’Eglise universelle

           1.3 - L’Eglise est une assemblée convoquée

           1.4 - L’Eglise est incarnée dans l’histoire

           1.5 - L’Eglise : un Donné

           1.6 - L’Eglise doit nous révéler le vrai visage, la vraie nature de notre Dieu

2 – Les visages de « l’Eglise-Institution » : un héritage encore vivace

           2.1 - visage de fonctionnaires

           2.2 - visage aux traits lourds

           2.3 - visage d’inquiétude

           2.4 - double n visages : la forme et le fond

          

3 – Les dangers inhérents à l’Institution

           3.1 - tension entre l’Evangile et l’institution

           3.2 - la sclérose : mise à l’écart de l’Esprit

           3.3 - la fausse sécurité

           3.4 - se prendre pour l’Absolu :

                        - arrogance des églises

                        - mépris des marginaux

                        - malaise dans la relation clercs-laïcs

                        - stigmatisation des « pauvres »

                        - l’Eglise : l’opium du peuple ?

                        - l’Omerta : la maladie du secret

          3.5 - l’Institution : peut-on s’en passer ?

4 – Contestation de l’interprétation du salut

      4.1 - le concept de « substitution »

      4.2 - ma position

5 – Comment je vois l’Eglise 

      5.1 - priante, tournée vers le Père

      5.2 - garante de l’égalité entre ses membres

      5.3 - accueillante à tous

      5.4 - unie

      5.5 - solidaire

      5.6 - humble

      5.7 - experte en discernement

      5.8 - compétente en management

      5.9 - novatrice en matière de fonctionnement

      5.10- acceptant le rôle décisif des communités locales dans la nouvelle Eglise

      5.11- réactualisant le statut et le ministère des prêtres

      5.12- réactualisant la place des femmes

      5.13- soignante comme un « hôpital de campagne »

           

Références – Bibliographie – Annexes 1- 2 – 3 - 4

 

Préambule

Si on fait un survol historique, il faut dire aussi que le siècle des Lumières et ses philosophes ont contribué, entre autres, à ouvrir une brèche dans la complicité entre les nantis et les détenteurs du pouvoir de « l’Église-Institution », je veux dire la haute hiérarchie de l’Eglise. En effet, ils ont apporté une démarche critique qui n’a pas épargné l’Église. Son fonctionnement, sa forme, avait fini par occulter le fond du message chrétien et plus encore la personne du Christ, mort à cause de la volonté de puissance de la hiérarchie religieuse de son époque, la lâcheté ou la passivité des hommes. Mais que Dieu, le Père, a ressuscité, on pourrait dire « à la barbe des hommes ! » Ainsi, la promesse de Dieu de nous envoyer un « Messie » a été tenue. Jésus nous a montré comment résister au Mal par sa « feuille de route » (les six exhortations précitées – cf - Mt 25,35-36)  . » et nous a renouvelé la promesse de l’inouï : notre Résurrection. En mettant l’accent essentiellement sur la mort de Jésus et la croix pendant des siècles, notre religion a développé un esprit mortifère, alors qu’elle aurait dû souligner que Dieu a réalisé sa promesse de salut en ressuscitant Jésus. Pour moi, c’est la Résurrection qui est au centre de ma foi et non pas la croix, mort infamante réservée alors aux esclaves, criminels, bandits, qui lui a été infligée par l’institution religieuse de l’époque et qui a été possible par le concours des Romains et la manipulation des foules. Celles-ci l’acclamaient pourtant une semaine plus tôt lors des « Rameaux ». Toutefois cette mort acceptée par Jésus, montre à quel point peut conduire une contestation de l’interprétation officielle de la théologie dominante. Au lieu de se réjouir et d’annoncer dans la joie cette bonne nouvelle que la mort biologique n’a pas le dernier mot mais que, dans le sillage du Christ, nous sommes tous promis à la Résurrection, « l’Église Institution » a continué à fonctionner comme les royautés ou les pouvoirs en place, à part les humbles parmi les humbles, qu’ils – elles soient laïcs ou religieux – ses. Elle a adopté le même modèle depuis la conversion au catholicisme de l’empereur romain Constantin. A sa suite, beaucoup parmi les Puissants ont instrumentalisé la religion à des fins politiques pour mieux asseoir leur pouvoir. Pourtant Jésus a répondu à Pilate : « ma royauté n’est pas de ce monde ». Par là-même, Jésus signifiait qu’il rejetait le modèle d’exercice du pouvoir en vigueur dans le monde, c’est-à-dire du pouvoir politique et économique. Sa royauté ne s’impose pas, elle se choisit par adhésion du cœur, de l’âme, et de l’esprit.

L’analyse critique s’est développée depuis les « Lumières » et a participé à déconstruire ce qui n’était pas cohérent et authentique. C’est à partir de là que lathéisme a surgi comme concept de contestation de ce qui paraissait une théorie d’interprétation sacrée et définitive, et a mené aussi pour une part non négligeable vers l’indifférentisme sur la question de l’existence de Dieu, ce qui a été et est encore pour l’Église un danger encore plus redoutable.

En outre, l’agnosticisme et l’athéisme se sont développés à partir de l’explication scientifique du monde. Celle-ci a rendu obsolète ou incompréhensible, pour le commun des mortels, le récit de l’origine du monde par l’Église. Celle-ci s’est cramponnée à une interprétation littérale du texte biblique au lieu d’en faire une lecture symbolique, poétique, à remettre dans le contexte culturel de l’époque. De ce fait, le discours de l’Église est apparu moins fiable, d’autant plus qu’en son sein des interprétations nouvelles contribuaient à décrédibiliser l’interprétation officielle du message du Christ. Tel François Varonne, né en 1936, ancien directeur du séminaire diocésain de Sion à Fribourg et théologien, qui a dénoncé avec force l’interprétation « perverse » du message du Christ, donnée encore maintenant dans certains courants de  « l’Église-Institution », selon le concept de « substitution ». J’en dirai deux mots un peu plus loin.

Confrontée à des événements terribles comme les deux dernières guerres mondiales et ceux de la décolonisation, on ne peut pas dire que « l’Église Institution » aie pris là aussi le risque de défendre le plus faible, le persécuté, et la démocratie. Heureusement, des représentants « Haut – gradés » ou anonymes de l’Eglise « Peuple de Dieu » ont sauvé l’honneur de l’Eglise et sa crédibilité par leur exemple de comportement plein d’humanité, dont la solidarité avec ceux et celles qui souffraient sous la botte des dictateurs et de leurs complices. On attend l’ouverture des archives du Vatican pour évaluer les dérives de « l’Eglise – Institution » durant ces évènements… C’est après ces rendez-vous manqués que l’Eglise a conçu et mis en œuvre, notamment avec le Concile Vatican II, sa nouvelle stratégie plus conforme au message chrétien : « l’option préférentielle pour les pauvres ». Selon le pape actuel François, l’Eglise devrait se présenter comme un « hôpital de campagne » situé à la périphérie. Ainsi le « Dieu-Amour » fait son apparition de façon plus explicite, plus authentique et remplace le « Dieu-Juge ».

Tous ces évènements dramatiques ont engendré la contestation de l’ordre établi, des façons de penser que l’on croyait immuables, et ont modifié un terrain culturel longtemps travaillé par le christianisme.

La conséquence de tout ça, c’est l’irruption d’une société sécularisée ; par sécularisation on entend ce processus selon lequel se construit une société dans laquelle la dimension religieuse ou sacrée n’a plus la place prépondérante, qu’elle avait jusqu’au milieu du XX ème siècle, ni dans la vie politique et sociale, ni dans les réactions collectives. Ce qui me fait dire qu'on est à la fin du monde dit « christianisé » et de la prédominance des religions.  Peut-être allons-nous enfin entrer dans une nouvelle ère d'un christianisme débarrassé de « la toute-puissance cléricale », d'une « Église-Institution » devenue discréditée donc obsolète.

Beaucoup de questions fusent sur l’Église à propos de discussions sur sa politique sociale, la mise en œuvre des synodes, la liturgie, l’avenir des prêtres, la transmission, les sacrements, les moines, les divorcés remariés, l’avortement, la PMA et la GPA, les relations avec les incroyants et les différents adeptes des autres religions…

Introduction

 Je propose de faire un petit retour en arrière depuis 1940, date de ma naissance, pour mieux saisir les causes de ma désaffection progressive vis-à-vis de l’Église-Institution catholique. Voyons les traits positifs et négatifs de cette « Église Institution », ses différents visages, ses limites, sa conversion pour mettre en œuvre les résolutions du concile Vatican II.

  Mon objectif est de partager avec mes enfants et petits-enfants, mes amis et connaissances, comme je l’ai déjà dit dans mon « Préambule », quelle est ma pensée par rapport à l’institution catholique. Pour leur dire aussi qu’à l’intérieur et à l’extérieur de l’Église catholique, qui est une des églises qui forment avec les autres églises sœurs (protestantes, orthodoxes) l’Église Chrétienne, il y a plusieurs courants de pensées et d’interprétations, qui font à la fois la diversité et la complexité d’un peuple de croyants.

Dans cet exposé je vais essentiellement parler de la pratique de l’Église catholique ou plus exactement de sa hiérarchie ; celle que j’ai connue enfant, adolescent et jusqu’au concile Vatican II . Cette Église, qui ici et là a fait l’effort de se renouveler grâce à l’action vigoureuse de certains clercs et laïcs, semble actuellement à bout de souffle, tétanisée. Elle est fondamentalement ébranlée dans sa crédibilité par les crimes de pédophilie commis par certains de ses clercs, et souvent couverts par la hiérarchie ecclésiastique. Elle l’est non seulement en France mais partout à travers le monde. Ces crimes impensables s’ajoutent aux comportements scandaleux qu’elle a eus au cours des siècles, notamment par sa connivence avec les pouvoirs en place. Elle s’est révélée comme une puissance dominatrice, alors que son pasteur « Jésus-Christ » s’était présenté comme « doux et humble de cœur » et avait déclaré que « sa royauté n’était pas de ce monde », et donc qu’il voulait clairement et totalement s’affranchir du pouvoir politique, qu’il soit démocrate ou autoritaire.

J’évoquerai en parallèle l’Église « Peuple de Dieu », c’est-à-dire des chrétiens vivant de l’Evangile, peu importe leur appartenance à telle ou telle église chrétienne. Heureusement qu’à chaque époque, il y a eu une poignée de laïcs, de prêtres, de religieux-religieuses, d’évêques, tous des « chrétiens-vivants », qui ont vécu selon l’Evangile du Christ. Mais ils dérangeaient « l’Église-Institution », jusqu’à ce celle-ci vive sa profonde remise en cause lors du concile Vatican II.

  C’est à partir de l’éclairage de Vatican II que je reprendrai à mon compte la critique élaborée par les auteurs des « cahiers bleus, n° 2 et 3 » sur « l’Église Institution » de cette époque. Ces cahiers rédigés à l’époque du Concile par une équipe de pères dominicains se présentent comme une initiation théologique. L’analyse critique qu’ils font de « l’Eglise-Institution » pourrait être jugée comme dépassée, voire obsolète. Je laisse aux chrétiens pratiquants et non-pratiquants d’en juger… Pour ma part je pense que la résistance au changement, qui est souvent le principal obstacle à l'action de l'Esprit, à notre conversion, explique la stagnation voire la régression que l’on peut constater encore aujourd’hui au sein même de « l’Église-Institution ». Ceci étant dit, il faut aussi se réjouir de voir l’Esprit à l’œuvre avec patience et persévérance au cœur de ceux et celles qui travaillent à l’avènement d’une Église restaurée dans son authenticité originelle, telle que la souhaite le Christ.

  1. -   Que comprendre de l’Esprit du Christ aujourd’hui ? (à la lumière de Vatican II)

1.1     L’Église est avant tout un peuple.

Elle n’est donc pas l’église des clercs avec l’image que l’on nous a inculquée :

« une pyramide dont le sommet est le pape, en dessous les évêques (les Princes de l’Église !), puis le clergé et, tout en bas, les laïcs… »

« Le terme « église » vient aussi du grec « ekklesia » qui désigne l’assemblée. »

 Dans le Nouveau Testament il désigne le plus souvent l’assemblée du peuple chrétien d’une même région, d’une même ville, mais aussi l’ensemble des croyants au plan universel : l’Église du Christ » (1 Co 12,12) ou l’Église de Dieu (1 Co 10,32), (cb2/p 1)

1.2     L’Église catholique fait partie de l’Église universelle chrétienne (catholique, protestante, orthodoxe)

Partout dans le monde, c’est la même foi, la même espérance dans un monde meilleur sur terre. C’est ce qui constitue le fondement même de l’enseignement de Jésus. A cela s’ajoute l’inouï de sa promesse que nous aussi nous ressusciterons. Notre foi en tant que disciple du Christ est universelle parce qu’avant tout c’est Jésus qui en est à l’origine et non pas l’Homme, serait-il religieux. Les schismes vécus douloureusement par l’Eglise primitive sont le résultat d’une différence d’interprétation, essentiellement dogmatique. La division entre les Eglises chrétiennes a été une souffrance pour le peuple de Dieu et c’est pourquoi des communautés monastiques ont décidé de prier aux environs des années 1930 pour la réconciliation. C’est le début de l’œcuménisme, un mouvement qui est né chez nous avec l’abbé Paul Couturier, qui est considéré comme le pionnier de l’œcuménisme spirituel et de la semaine de prière pour l’unité des chrétiens. L’oecuménisme est aussi le fruit du travail de l’Esprit pour que les trois Eglises construisent l’unité dans la diversité, afin que l’enseignement de Jésus soit crédible pour le monde. Il y a eu déjà du travail de fait mais il faut persévérer vigoureusement pendant que « les vents sont favorables » ! Il faudrait surmonter les blocages dogmatiques pour se focaliser sur l’enseignement de Jésus, rapporté par les Ecritures, en organisant par exemple beaucoup plus largement des groupes œcuméniques d’études bibliques.

1.3     L’Église est une assemblée convoquée

 La primauté est donnée au collectif : « faites ceci en mémoire de moi » dit le Christ le jeudi Saint. C’est parce que Jésus a fait cela le jeudi saint, qu’en souvenir de lui les croyants se rassemblent tous les dimanches. Notre foi nous révèle que chaque fois que nous nous rassemblons, le Christ ressuscité est présent au milieu de nous.

 Ce n’est pas un peuple qui ne serait que l’addition d’individus, mais un peuple de croyants, partageant la même foi et unis dans une même communion avec leur frère le Christ pour partager son enseignement et vivre concrètement l’amour des autres. « Pour expliquer ce lien, St Paul prendra l’image du CORPS ; il montre qu’un pied n’a de sens qu’en lien avec tous les autres membres du corps. Il faut donc entendre cette image en un sens profond, presque biologique (1Co 12,14). J’ai besoin d’être en lien avec tous ceux qui Te cherchent avec droiture : c’est la communauté qui me presse, me conteste, m’oblige à voir plus clair… » (cb2/p 3). J’ajouterais une condition à cela, c’est que les membres de cette communauté se comportent entre eux vraiment comme des frères, en étant vraiment en lien, ce qui est loin d’être toujours le cas aujourd’hui.

Selon Paul, on peut dire « que n’est pas vraiment chrétien celui-celle qui se dispense de tout lien avec une communauté » (cb2/ p3). Pour ma part il ne s’agit pas seulement et exclusivement de communautés cultuelles qui célèbrent par exemple la messe du dimanche, mais aussi de toutes autres formes de participation à des activités organisées par des chrétiens-ennes : ex. études bibliques, réunions interreligieuses, réunions de prières, aides sociales chrétiennes, etc…mais aussi, bien sûr, à des activités organisées par des communautés laïques de la société civile. L’essentiel de l’enseignement de Jésus est d’œuvrer tous ensemble, quel que soit notre appartenance religieuse, politique, sociétale à des activités, dont le but est de prendre soin de l’autre. (cf la parabole du bon samaritain !)

« L’ekklésia, c’est le rassemblement local des croyants. Ils ont envie de se rassembler pour se conforter dans l’espérance et proclamer leur foi. Chaque membre participant est important :  qu’ils soient toujours présents, qu’ils ne diminuent pas l’église par leur absence et qu’ils ne privent pas le Corps du Christ d’un de ses membres » (Mt 12,30), (cb2/p6). Malheureusement aujourd’hui, s’il y a désaffection vis-à-vis du culte, c’est que beaucoup de croyants ne sont plus dans la communion avec « l’Eglise Institution », ni dans la solidarité des uns avec les autres, si ce n’est dans l’entre-soi…On estime aujourd’hui que la baisse de la pratique est entre 25 et 30%.

Or la recommandation très importante dans l’enseignement du Christ est la communion de ses disciples et le service des autres. De plus la relation entre les croyants est primordiale car Jésus a dit :

« Quand deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux » (Mt 18,20)

Participer à l’assemblée est donc très important car c’est là « où l’esprit produit du fruit » (cf. tradition apostolique au 3ème siècle). Faut-il, quitte à me répéter, que cette assemblée soi réellement une assemblée de frères animés d’un amour fraternel les uns vis-à-vis des autres. On ne peut pas être tous amis mais certainement tous frères.

« Proclamer sa foi c’est proclamer qu’une relation nouvelle est établie entre Dieu et les hommes. Ce n’est donc pas d’abord un discours, un message, c’est une nouvelle manière d’être homme, femme ». (Rm  6,6 ; 2 Co3,18 ; Col 3,10 ; cb2/p 6)

Plongés dans ce peuple nous sommes individuellement et collectivement responsables les uns des autres et solidaires du bien et du mal commis par la communauté, plus largement par le peuple de Dieu, et plus largement encore par les membres de notre humanité (cf.  le § sur le péché dans mon exposé « Quête de sens - ma spiritualité »).

1.4     L’Église est incarnée dans l’histoire

On nous renvoie souvent à la figure, certes à juste titre, que dans certaines périodes de son histoire l’Église a failli en entretenant une collusion coupable avec les puissants de ce monde. En effet elle a persécuté ceux et celles qui n’étaient pas d’accord avec elle en les forçant à adopter la religion catholique et en même temps la culture occidentale (l’inquisition, les guerres de religion et de conquêtes comme les guerres coloniales etc…), et tout ça au nom du Dieu Amour…

Je pense qu’il ne faut pas amalgamer sur ce sujet la position de l’« Église Institutionnelle » avec l’église « Peuple de Dieu ».

Je pense que l’Eglise n’a pu passer ces périodes cruciales et survivre malgré tout, depuis sa fondation, que par la présence de l’Esprit Saint qui a toujours trouvé dans ces moments-là des croyants sincères, des vrais disciples du Christ, hommes et femmes, qui ont œuvré pour plus de justice, de vérité, de solidarité, de compassion, de tolérance et qui, quelques fois, l’ont payé de leur vie. Ils ou elles ont « semer le bon grain » qui permet à l’Eglise du Christ de subsister.

C’est pourquoi je crois que Dieu ne désespère jamais de l’humain. N’en resterait-il qu’un qui vive en communion avec Lui, je suis pratiquement sûr que Dieu continuerait à poursuivre avec patience et opiniâtreté son œuvre de salut.

L’Église s’inscrit depuis plus de 2000 ans dans l’histoire humaine, avec un comportement fait de hauts sublimes et de bas criminels. Le Christ s’est incarné dans cette histoire. Sa venue avait été annoncée par de nombreux prophètes de l’Ancien Testament, à commencer par Isaïe huit siècles avant notre ère !

1.5     L’Église : un Donné et non pas une fin en soi

Les auteurs des cahiers bleus n° 2 et 3 soulignent « Un donné initial » qui constitue un préliminaire avant tout : « l’Église est née du Christ, elle est née de la parole, du souffle de Dieu. Il y a donc un donné antérieur à tout croyant : la Parole et l’Esprit ont tout précédé. » ; « le Christ (le Verbe, la Parole faite chair) a agi : certains de ses gestes (« la veille de sa mort, il prit du pain… ») sont renouvelés en mémoire de celui qui, la première fois, les a posés. Ces gestes sont posés avant nous, avant l’Église née de la Pentecôte ».

« Nous retenons donc qu’il y a un fait préliminaire à l’institution : la parole et les gestes du Christ qui sont posés avant toute chose et qui constituent un don » (cb2/p8)

1.6     L’Église doit nous révéler le vrai visage, la vraie nature de notre Dieu

Jésus est venu nous révéler qu’il est le vrai visage de Dieu, qu’il est le visage de Celui qu’on nomme « Père ». A ce sujet Jésus répond au disciple Philippe qui lui dit : « Montre nous le Père et cela nous suffit », et Jésus d’affirmer : « qui m’a vu connait le Père » Il le nomme « Abba » ce qui signifie « Papa », ce qui est une expression familière et qui, de ce fait, nous rend Dieu plus proche. Jésus nous dit être le « Fils ». Il nous parle d’un Dieu d’amour, de non-violence, de justice, de vérité et de paix, mais Il reste le « Tout-Autre », dont les pensées et les voies ne sont pas les pensées et les voies des hommes (cf. « Mes pensées ne sont pas vos pensées et mes voies ne sont pas vos voies… Autant les cieux sont élevés au-dessus de la terre, autant mes voies sont au-dessus de vos voies ». (Is 55,8-9). L'homme a toujours cédé à cette tentation de se représenter Dieu à son image ! Or nous sommes advenus des humains à « l’image et à la ressemblance du Créateur » et non l’inverse. Notre représentation de Dieu devrait toujours être passée au crible de l’étude des Évangiles.

Ce que nous pouvons retenir, c’est que Jésus nous révèle un Dieu d’amour. C’est ce que nous dit aussi Daniel Marguerat, pasteur et bibliste suisse : « la vocation de Jésus est de faire découvrir Dieu comme un père, à l’amour inconditionnel (le père est celui qui va aimer ses enfants, quoiqu’ils fassent) et en même temps un Dieu qui, comme un père, adresse à ses enfants une interpellation, leur signale un chemin ». (La Croix l’Hebdo n°26 3avril 2020). Jésus nous invite, à son exemple, à suivre le même chemin que lui, quoiqu’il puisse nous en coûter. Son chemin nous mène à vivre les mêmes valeurs que lui ; notamment celles qui excluent la haine, l’accaparement des biens, la réalisation de soi à tout prix, l’estime de soi qui devient parfois la manifestation d’un Ego hypertrophié. J’en parle dans mon exposé « Quête de sens - Ma Spiritualité ».

sus a vécu ces valeurs en toutes circonstances, et tout au long de sa vie il est resté en lien étroit avec le Père. Jésus, qui s’est fait connaître dans sa vie terrestre comme un homme simple et humble, ne faisait rien dans sa vie publique sans consulter son Père par la prière et ainsi rester en communion avec Lui. Ce comportement lui a coûté cher puisque ça lui a coûté la vie. Dès le début de son ministère il a dérangé les pouvoirs en place, religieux et civil, et s’est très rapidement fait des ennemis. Lui, qui a prêché l’amour des ennemis a été mis à mort par ces mêmes ennemis. Pas de pitié pour ceux qui se mettent en travers de leur volonté de puissance, qu’elle soit religieuse ou politique.

Par son sacrifice suprême sur la croix, il montre à quel point il aime chacun d’entre nous, dont Il connaît la faiblesse, la fragilité devant le Mal. Il sait qu’on ne fait pas le poids face au Mal et qu’on n’est pas forcément entièrement responsable de nos actes. C’est, à mon avis pourquoi Il accepte le verdict des haineux, des ignorants, des ingrats, des « mauvaise-foi », des traîtres, car il sait que le Mal, qui s’est glissé depuis l’origine dans le projet de création du « Père », ne peut pas être vaincu par les mêmes armes que l’Adversaire, mais par l’Amour. Cet Amour de Dieu « Père » pour l’homme est incompréhensible, si nous ne comprenons pas que l’Amour est la nature-même de Dieu. Le Christ est monté sur la Croix car, comme le Père, il est Amour, c’est-à-dire qu’il ne veut pas juger mais tout faire pour aider l’homme à se tirer des mauvais pas. Cette intensité d’amour pour tout homme est telle, qu’elle nous dépasse complètement. La manifestation de la puissance de Dieu ne se révèle pas dans la force, le combat armé, tel qu’il a existé par exemple lors des guerres de religion ou de conquêtes, mais par la Résurrection du Christ. Par cette Résurrection le « Père » confirme l’enseignement de Jésus, c’est à dire tout ce qu’il a dit et a fait. Cette incompréhension devant cet Amour, qui surpasse tout, a été entretenue par l’Eglise-Institution, c’est mon hypothèse, par le concept de « substitution/compensation/ imputation », que je développe aussi dans mon exposé : « Quête de sens - Ma spiritualité ». La victoire de l’Amour de Dieu sur le Mal est définitivement attestée par la résurrection de Jésus, qui s’est manifesté d’abord à une femme, la pécheresse Marie-Madeleine, puis aux Apôtres et enfin à de nombreux disciples pendant deux à trois ans, comme par exemple à Paul sur le chemin de Damas, persécuteur des communautés primitives. Le fait que Jésus ressuscité se soit d’abord manifesté à une femme révèle la confiance qu’il fait aux femmes pour garder et mettre en pratique son enseignement. Cette résurrection du Christ est à la source de notre foi et montre bien que la mort et la haine n’ont pas le dernier mot.

Et cet Amour inconditionnel est offert absolument à tous, car « le Christ en effet est venu pour la multitude » (Mc10,45 ; Is 53,12) et

« L’Esprit est donné à des gens de toutes les nations qui sont sous le ciel » (Ac 2,5 ; 10,44).

Les auteurs des « cahiers bleus » confirment cela, mais en même temps nous invitent à un retour en arrière où « l’Église- Institution » a failli. Prenons quelques exemples : 

 « A la prétention d’être un signe d’amour, de justice, de compassion, de tolérance, on nous rappelle l’Inquisition et la persécution des juifs, les guerres de religion et son accompagnement du colonialisme.

A la prétention d’être un lieu de discernement, on nous renvoie au procès de Galilée, aux dérobades de l’Église devant les drames des guerres, à son lien trop étroit, voire complice, avec le système social et politique autoritaire, voire sectaire et même dictatorial. (Franco en Espagne etc…)

 Il est clair qu’une certaine manière d’être de l’Église a été violente ou démobilisatrice, loin d’engager les hommes dans leur responsabilité devant l’histoire, elle les a détournés et bien empêchés d’adhérer à la personne du Christ. A ce titre on a pu voir dans l’Église une espèce de faux signe, de toxique destiné à bloquer les centres vitaux, par peur que la vie du monde ne vienne briser une certaine image de l’ordre que l’on imaginait propice au Royaume » (cb2/p28.)

En un mot ce fut un contre-témoignage terrible dont on devrait encore avoir honte aujourd’hui lorsqu’on visite d’anciens pays coloniaux, où l’Église accompagnait l’armée et qui, au nom de l’amour du Christ, détruisait les fondements culturels et religieux de ces peuples. Comme preuve d’amour du prochain il y a de quoi se poser des questions… Certains diront : « mais c’était le passé… », comme si ce passé était englouti, qu’il fallait tourner la page sans autre forme de procès. Et que voit-on ressurgir maintenant si ce n’est le passé, avec son cortège de crimes qui ont été commis soit au nom de la République soit au nom de la « Sainte Église catholique ».

2 - Les visages de « l’Église Institution » : un héritage encore vivace

Quels visages a donnés, avant Vatican II, et donne encore maintenant, dans bien des pays et même encore chez nous dans certains diocèses, « l’Église Institution », aux yeux du peuple de croyants et de non-croyants ? C’est ce que j’ai connu d’elle de mon temps, et qui réapparait ici ou là dans une régression regrettable.

2.1     Visage de fonctionnaires

« Elle nous est apparue longtemps en fait avec un tout autre visage : des personnes que l’on qualifierait volontiers de fonctionnaires (prêtres, nonces, cardinaux, évêques, secrétaires…) travaillant dans des bureaux pour produire et remplir des papiers administratifs : extraits de registres, enquêtes…, des lois, des rites, des démarches à accomplir, des budgets sur lesquels on dit le meilleur et le pire ». (cb2/p7) Des personnes qui sont chargées de faire appliquer sans état d’âme, sans concertation véritable, leur « loi », la pensée unique de l’Église locale, diocésaine, nationale et internationale.

2.2     Visage aux traits lourds

« Visage aux traits lourds et qui se sont encore épaissis au fil du temps » (cb2/p8), visage qui subsiste encore ici et là depuis Vatican II. Il parait qu’il faut un siècle pour que les réformes d’un Concile soient appliquées !

« On peut même se demander si tout cet appareil n’est pas lourd au point d’écraser le « souffle de Dieu », que le livre des Rois compare à une brise légère » (cb2/p7).

Encore maintenant on constate des dissensions mortifères entre le Pape François, qui veut réformer cette Église-Institution, et certains de ses vieux « frères » cardinaux, conservateurs d’un temps que je souhaiterais d’être en passe d’être révolu, et qui travaillent en coulisse pour le discréditer.

2.3     Visage d’inquiétude

En regardant les statistiques, « l’Église-Institution » s’inquiète de la baisse du nombre des ordinations, des vocations religieuses, de la pratique, de la fréquentation des sacrements : baptêmes, eucharisties, professions de foi, mariages… ; et sur le plan financier de la baisse du denier du culte, des dons, ce qui impacte sévèrement les budgets. Quid de l’avenir ? Il va falloir vendre « les bijoux de famille » c’est-à-dire l’immobilier !

La tendance actuelle est en même temps, le retour nostalgique à un passé révolu et la recherche d’authenticité par un renouveau salutaire à la lecture des Evangiles et à leur interprétation à travers des groupes d’études bibliques. A part certains clercs et laïcs enracinés dans la révolution de l’esprit Vatican II, on ne se pose pas trop, en général, la question de savoir si on a bien compris que l’Église c’est le peuple de Dieu, avec tous ses charismes et ses compétences pour faire rayonner le royaume de Dieu.

Mais, pressée par le sentiment de désarroi, l’Institution va rechercher et appliquer les vieilles recettes qui ont marché dans le passé ; certains clercs se demandent même si leur perte d’identité ne serait pas due au style vestimentaire ! Ils pensent qu’il faut oser marquer sa différence par l’habit extérieur et être adapté aux différents milieux ! de la soutane on est passé au col romain plus discret, et actuellement du « col romain » on va peut-être voir le retour de la soutane ! J’en ai vu un spécimen l’autre jour en faisant mon marché. D’autres sont habillés dans une tenue à la fois paramilitaire et monastique du côté de la rue Ste Hélène. Je n’en croyais pas mes yeux ! Or Jésus et les apôtres se sont tout simplement habillés comme leurs contemporains et ne se sont certainement  pas distingués des autres par leurs habits vestimentaires ! Mais ne nous y trompons pas, le style vestimentaire et l’adoption de nouveaux rîtes sont significatifs d’un certain embrigadement qui aurait la prétention d’imposer son interprétation, sa vérité.

L’inquiétude entraîne aussi un raidissement sur le plan du culte : certains prêtres n’acceptent plus de filles comme enfants de chœur ou, si elles participent, elles sont priées, à certains moments de la messe, de quitter le « Cœur ». Il est aussi courant qu’on  exige de la part des paroissiens qui vont faire les lectures une  génuflexion devant l’autel, comme si le Jésus de la crèche, devenu le Christ de la croix, réclamait cette marque de révérence qui frise l’idolâtrie, alors qu’il nous a dit en Mt 25,35-36  ce qu’il fallait pratiquer pour plaire à Dieu : « j’ai eu faim et vous m’avez donné à manger, j’ai eu soif et vous m’avez donné à boire, j’étais un étranger et vous m’avez accueilli, nu et vous m’avez vêtu, malade et vous m’avez visité, prisonnier et vous êtes venus me voir ». La figure du Christ ne doit pas être assimilée à une idole devant qui on se prosternerait, ni à celle d’un roi terrestre, ni d’un personnage politique important. La figure du Christ est annoncée par son auteur même, qui s’est révélé à ses disciples avant tout comme « doux et humble de cœur ».

Ces mêmes clercs, « conseillés » par leur hiérarchie ne pratiquent plus la confession collective mais préconisent la confession individuelle, en entretenant par là-même la confusion entre l’accompagnement individuel en vue d’un discernement spirituel et la confession individuelle. Je vous renvoie dans mon exposé « Quête de sens - Ma Spiritualité » à la réflexion théologique actuelle d’un théologien, ancien professeur à l’université catholique de Lyon, sur la notion même de péché.

Tout cela vient bien sûr d’en haut, de certains évêques ou cardinaux influents, mais sûrement pas du dernier Concile, suite auquel par exemple on avait vu apparaître, avec l’approbation du plus grand nombre, cette fameuse confession collective qui invitait la communauté à se reconnaître solidairement pécheresse en confessant sa complicité passive ou active avec les structures de péchés. Souvent nous confessons des « peccadilles » en oubliant que nous pouvons être complices de structures qui prônent l’exclusion, le racisme, la stigmatisation d’autres religions, l’intolérance, et nous passons « en pertes et profit » la non- assistance à personne en danger (SDF, femmes seules et agressées, migrants, chômeurs…), et préconisons un régime fort pour ne pas dire non démocratique pour résoudre « légalement ! » les problèmes du monde. En fait ce n’est que le résultat de l’égoïsme national et de la rapacité des puissants. C’est encore la loi du plus fort, du plus riche, de ceux qui ont amassé des sommes d’argent incroyables, alors que le Christ nous invite à la justice, à la solidarité, au pardon, à la compréhension, à la compassion

2.4     Double – visages : la forme et le fond

Les auteurs des « cahiers bleus » analysent la difficulté pour l’Église de refléter le fond par la forme :

« Il apparaît en fait deux dimensions dans l’Église car « décrire l’Église comme « le rassemblement du peuple de Dieu » n’est-ce pas bien théorique ? ». (cb2/p7)

Notre analyse nous amène à distinguer deux dimensions, « l’une qui lui serait comme une forme, une dimension visible, terrestre et que nous appelons « l’Institution », et une autre, plus intérieure qui est comme son mystère (son « âme » disaient les anciens), liée à cette expérience de l’Amour infini de Dieu ».(cb2/p7)

« Dans l’idéal, ces deux dimensions pour être cohérentes devraient coïncider, mais dans la réalité elles sont plus ou moins en décalage sinon même en opposition ». (cb2/p7).

3 - Les dangers inhérents à l’Institution

Après avoir revisité les visages, les comportements de l’Eglise d’hier et encore malheureusement d'aujourd'hui malgré les résolutions du concile Vatican II, je vais tenter, en m’appuyant sur les auteurs des cahiers bleus N°2 et 3, d’en dénoncer les dangers sans avoir la prétention d’être exhaustif.

3.1     Tension entre Évangile et l’Institution : la tentation d’imposer l’interprétation unique (cb2/p11-12)

Les auteurs du cahier bleu n°2, après avoir reconnu la nécessité d’une institution comme un fait inéluctable mais dont la structuration doit nécessairement évoluer, abordent la tension tout aussi inéluctable et permanente entre l’Évangile et l’Institution :

« Une fois tout ceci affirmé, nous savons bien que le rapport entre l’évangile et l’institution se vit à un niveau plus quotidien, de ce fait plus difficile. Tension entre les tendances différentes de chrétiens, crispations de différents responsables et poussées nouvelles difficiles à situer, peur pour certains et légèreté pour d’autres… Lorsque François d’Assise a voulu ne faire vivre ses frères qu’avec l’évangile, le Pape l’a obligé à avoir un minimum de structures (une institution, une organisation) ce qui devenait nécessaire, en raison de l’ampleur du mouvement. Mais François connut là une épreuve grave.

« On dira, bien sûr au plan de la forme, qu’il peut y avoir des évolutions, des changements, pourtant le fond reste identique ! Or l’institution est justement « la mise en forme » de ce fond qui n’est autre que le mystère même de l’Alliance Nouvelle. Et le danger serait pour l’institution (pour la forme), qu’elle englobe parfaitement et de façon définitive le fond (le mystère).

 La tentation à laquelle l’Église succomba fut d’imposer des modèles : c’est ainsi que par exemple, la messe pontificale fut le modèle de toutes les messes, y compris sans servant, que la Morale occidentale fut le modèle de toutes les morales humaines, et que la société ecclésiale s’est présentée comme le modèle de toutes les sociétés !

C’est face à une telle prétention que s’expliquent les réactions de communautés locales, qu’elles soient quelques membres (liturgies domestiques par exemple) ou qu’elles soient des entités socioculturelles de plus grande ampleur demandant à être respectées dans leurs usages ou coutumes (ex. des rites chinois du 18ème siècle et des églises africaines qui supportent actuellement de plus en plus difficilement le poids de l’Occident). » ( cb2 p.11-12 )

D’autre part l’interprétation des textes ne doit pas être gravée dans le marbre de la pensée unique contrôlée par l’Institution. Chaque croyant(e)), baptisé -e dans l’Esprit, est de par son baptême « prêtre, prophète et roi ». Ce qui signifie que :

- en tant que prêtre, chaque baptisé -e fait entrer dans sa prière les autres, croyants ou incroyants, (médiation avec Dieu)

- en tant que prophète, chaque baptisé -e médite l’enseignement de Jésus et transmet la parole de Dieu. Inspirés par l’Esprit, les baptisés en donnent des témoignages personnels. Par leurs paroles et leurs actes, ils vont toucher les cœurs et les esprits de ceux ou celles qui les écoutent et qui les voient faire.

- en tant que roi, chaque baptisé-e parle, essaie d’agir dans le cadre de la royauté du Christ. Une royauté à pyramide inversée, puisque le plus grand est celui qui sert le plus petit !

Bien entendu chacun doit rentrer par la formation dans la connaissance de la parole de Dieu. C’est ce qu’on appelle la voie de la transmission. Mais il ne faut pas oublier que Dieu est libre de passer par où Il veut et par qui Il veut, et que cela nous engage à rester à l’écoute de chacun(e)), qu’il-elle soit croyant(e) ou pas.

3.2     La mise à l’écart de l’Esprit : la sclérose

« Tout est canalisé, prévu, programmé, maîtrisé : la parole doit être comprise comme ceci et non autrement, l’Esprit ne peut être reçu que dans certaines conditions. Peu à peu tout se sclérose et on se met à craindre la révolution qu’opère l’Esprit s’Il se met à souffler si fort qu’il pourrait bousculer de façon inattendue ce que l’on avait si bien organisé. L’Esprit n’est plus ce souffle dont nul ne sait d’où il vient, ni où il va. » (cb2 p.9) 

Heureusement cette situation a évolué grâce au souffle de Vatican II, mais subsistent encore des adeptes de « l’Eglise d’avant », dont l’attitude rétrograde est une régression regrettable, car elle est un contre témoignage de l’esprit évangélique au sein d’une société qui a besoin d’être accueillie telle qu’elle est, avec beaucoup de compassion et sans jugement. C’est le comportement que le Christ nous révèle par ses fréquentations peu recommandables aux yeux des religieux de son époque ! (les pécheurs : les prostituées, les Samaritains, les lépreux, les collabos des romains, tous ceux qui ne respectaient pas la Loi de Moïse…) Aussi l’Église-Institution devrait reconnaitre avec humilité ses erreurs, ses fautes et accepter d’être à son tour évangélisée par le « peuple de Dieu », et aussi par d'autres religions, ainsi que par le « commun des mortels » qui sont souvent athées car, bien souvent, ils ne reconnaissent pas le « Jésus-Amour » à travers les dires et actes de l’Eglise.

3.3     La fausse sécurité

« Tout est prévu par le règlement, il suffit de faire comme prévu. Loin de tenir en éveil, dans l’espérance, dans l’attente, linstitution endort » (cb2/p9), tout en sécurisant ceux parmi les croyants qui n’aiment pas se poser de questions, ou se remettre en question.

L’idéal « c’est la stabilité, d’où sa tentation pour atteindre cet objectif de tout réglementer peu à peu, de diriger, de contrôler, de cacher ou taire ses propres fautes en pratiquant « l’omerta », et même d’imaginer et de créer un État chrétien, une politique chrétienne, une morale chrétienne, sans reconnaître l’autonomie du temporel. Ses clercs deviennent des agents de manipulation des consciences et de direction à suivre. Napoléon parlait déjà des évêques comme de ses « préfets en violet ! ». « Comme dans la légende du Grand Inquisiteur chez les Frères Karamazov de Dostoïevski, l’Église pourrait se retrouver en contradiction avec l’évangile et Jésus Christ, parce qu’ils troubleraient l’ordre institué !». (cb2/p9)

3.4     Se prendre pour l’Absolu

         Arrogance des Eglises

Interviewé par un journaliste La Croix -l’Hebdo, Daniel Marguerat (pasteur suisse et bibliste protestant), livre son analyse critique sur l’incompréhension, qui s’est développée au fil du temps, entre le monde contemporain et l’Eglise. Voici sa réponse : « l’Evangile, et donc le discours des Eglises, oscille entre deux pôles : l’annonce du péché et la proclamation de la grâce. L’Evangile révèle à la fois le péché – c’est-à-dire un écart par rapport à Dieu – et le message d’amour inconditionnel qui vient surplomber cet écart, que la théologie appelle grâce. A mon avis les Eglises ont aujourd’hui des difficultés dans la société car elles ont du mal à retraduire le péché en termes de fragilité de l’homme, et la grâce en termes de libération. Ce qu’on appelle à tort la « culpabilité judéo-chrétienne » fige le péché et enferme l’individu dans son sentiment de faute. Soyons clairs : cette dérive moralisante est une perversion du message de l’Evangile. Retraduisons le salut en termes « d’être bien » : être bien avec soi, avec Dieu, avec les autres ».

Daniel Marguerat, ajoute au sujet de cette arrogance : « Aujourd’hui, les Eglises paient ce qui leur est reproché comme une arrogance : se poser comme une institution impeccable, parfaite, ou pire encore, infaillible ! Elles paient l’oubli du message de la fragilité, un oubli qui reporte le message de la fragilité sur les autres et non sur soi. Quand en plus cela se double d’une hypocrisie morale - on le voit dans les différentes affaires d’abus sexuels - le message se retrouve complètement discrédité ». (cf. La Croix – l’Hebdo - n° 42 - semaine 3 avril 2020).

         Mépris des marginaux

 « L’honneur de toute institution c’est de tolérer une frange de marginaux, et finalement de reconnaître que les contestataires lui rendent un service éminent en l’empêchant de se prendre pour l’absolu. »

« En régime évangélique, ce sont « ces marginaux qui devraient être les premiers reconnus. Le scandale, pour les juifs du temps de Jésus, c’est que Celui-ci a des relations avec les Samaritains, qu’il fréquente les Publicains et les prostituées, qu’il pardonne à la femme adultère (et pour être juste on pourrait ajouter aussi « à l’homme adultère », etc… )

Il a des paroles très dures à propos des responsables des institutions civiles et religieuses. Il doit en aller de même dans l’église du Christ : « les « marginaux » et les « pauvres » nous précèdent ».

« C’est difficile à vivre et on le voit à travers certains conflits : la crise des prêtres-ouvriers au travail en 1954, les conflits avec certains mouvements d’Action Catholique, difficulté à faire appliquer Vatican II, etc… » (cb2/p12-13)

  • Le malaise dans la relation clercs-laïcs

 Ce malaise n’est pas nouveau, il a été bien décrit déjà dans les années 1970 par les auteurs des cahiers bleus des dominicains. Voici ce qu’ils écrivaient à ce sujet :

« Au sein de la communauté croyante, de nombreuses tâches sont assurées par d’autres que le prêtre : administration, œuvres diverses, catéchismes, préparation au mariage, liturgie, obsèques, homélies dans certains lieux, sont souvent assurées par des laïcs. » (cb3 p7)

« On pourrait imaginer que le prêtre a gagné en liberté et en temps pour être « plus purement prêtre ». On se tromperait, car il est resté (encore aujourd’hui) enfermé dans un statut accordé à une société révolue. Quelle parole sur Dieu peut être élaborée par des hommes que leur état de vie rend étranger au monde du travail, la vie de famille, à la vie civique et économique ?

Disons donc en conclusion que la crise du recrutement des prêtres est le signe d’un malaise profond, irréversible, incitant à la réflexion en profondeur et non à la recherche de quelque adaptation opportuniste ». (cb3 p7)

« Prisonnier en quelque façon de sa cléricature, le prêtre ne pourra donner priorité qu’au culte et apparaîtra aux yeux de beaucoup comme un fonctionnaire du culte, distributeur de sacrements ; et ceci dans une coupure assez forte avec le reste de l’existence ». (cb3 p8)

« Il faut souligner qu’il n’en a pas été toujours ainsi dans l’Église. Pendant bien des siècles les ministres ordonnés, évêques et prêtres, étaient dans la communauté et non au-dessus. (cf St Augustin). C’est pourquoi les décisions autocratiques et solitaires des membres de la hiérarchie sont étrangères à l’esprit de la tradition chrétienne. St Cyprien écrivait à son église de Carthage : « Dès le début de mon épiscopat, je me suis fait une règle de ne rien décider d’après mon opinion personnelle, sans votre conseil à vous les prêtres et les diacres et sans le suffrage (vote) de mon peuple ». En plein Moyen-Âge, l’adage juridique célèbre a pleinement cours dans les décisions ecclésiales : « ce qui concerne tout le monde doit être discuté et approuvé par tout le monde ». (cb3 p9)

  • La stigmatisation des « pauvres »

 Aujourd’hui nous dirions que les pauvres seraient « la racaille, les petits, les incultes, les prostitué(e)s, les moins que rien et de ce fait sont incapables d’entrer dans les voies de sainteté et de justice de Dieu ». (cb2/ p. 9-10). Pour illustrer concrètement ces moins que rien je vous renvoie à ce formidable témoignage passé sur la chaîne 13 – Débat doc – du 5/11/20.

Mais pour Jésus ces gens- là, tout méprisés qu’ils soient par les hommes, ne sont pas méprisés de Dieu, bien au contraire, « car ce sont eux les vrais mendiants de Dieu aux mains vides. Telle est la bonne nouvelle, scandaleuse pour la mentalité courante, car Jésus va conduire tous ces « pauvres » vers le Père, même ceux qui se sont perdus. (Lc 15,4-7 ; Mt15,24)

A l’apôtre Jean-Baptiste qui fait demander à Jésus s’il est bien le Messie il lui répond : « les pauvres sont évangélisés » (Mt 11,5) et il ajoute : « heureux celui qui ne sera pas scandalisé à cause de moi » (cb2/p10)

Ce qui apparaît comme premier, c’est que la « racaille » et les « pauvres types » sont prioritairement concernés par la bonne nouvelle (cf. l’annonce de la naissance de Jésus a été faite prioritairement aux bergers qui, à l’époque de Jésus, étaient catalogués comme en bas de l’échelle sociale…). Jésus donne d’ailleurs un avertissement à ceux qui se pensent « justes » en leur prédisant qu’ils pourraient passer derrière tous les autres voire même être écartés : « En vérité je vous le dis, les publicains et les prostituées arrivent avant vous au Royaume de Dieu », (Mt21, 31 ; 11,25 ; Mc2,17) et qu’à travers eux c’est l’institution religieuse qui est remise en cause. (cb2/p10)

« En régime chrétien, l’Institution est toujours en porte à faux. Elle donne souvent l’impression que c’est elle qui sauve. Or le salut, c’est Dieu qui le donne. Tout ce qui nous tiendrait dans l’espoir d’être sauvé par nos propres moyens, nos mérites, par l’observance de rites ou de lois, d’un code moral ou religieux est une illusion. Tout est don de Dieu (Mc 2,27). Cela situe l’institution ecclésiale comme une servante ou une pédagogue car, par elle-même, elle ne peut sauver ». (cb2 p10)

  • L’Église : « l’opium du peuple »

Les auteurs des cahiers bleus n’hésitent pas à employer ce therme d’opium pour mieux souligner ses erreurs d’appréciation, d’interprétation de l’enseignement du Christ.

« La religion est un opium chaque fois qu’elle affirme qu’une vie éternelle, au-delà de l’histoire et au-delà de cette vie, est l’essentiel ; elle dévalue par là même, comme subalternes, les problèmes de cette vie et les combats de cette histoire »

« Elle est opium chaque fois que le rapport entre l’homme et Dieu est conçu de telle manière, que l’homme n’appelle et ne rencontre Dieu que pour compenser les faiblesses et les échecs de sa pensée et de son action, « aux limites » et non « au centre » comme l’écrit Bonhoeffer.

« Elle est opium lorsqu’elle prend la forme d’une idéologie, d’une métaphysique et non d’un acte, d’une décision, d’une manière créatrice de vivre ».

 « Le texte ci-après est à recevoir avec une certaine humilité car il dénonce certains traits réels de l’Église, dans son histoire. Elle est, en effet, tentée sans cesse (comme le fut le Christ - Mt 4,1) :

- « soit par un messianisme temporel, et en ce cas elle se prend pour le but de la mission », elle fait SA politique et prend les moyens de l’imposer,

- « soit par une fuite du monde vers un « autre monde », où toute injustice sera réparée…plus tard ! et les échecs compensés. » (cb2/p9)

Citons ce texte qui décrit bien une telle mentalité (fin 19 ème siècle) :

« La question du riche et du pauvre qui préoccupe tant les économistes, sera parfaitement réglée par cela même qu’il sera bien établi et avéré que la pauvreté ne manque pas de dignité : que le riche doit être miséricordieux et généreux, le pauvre content de son sort et de son travail, puisque ni l’un ni l’autre n’est né pour des biens périssables, et que celui-ci doit aller au ciel par la patience, celui-là par la libéralité. » ! (Léon XIII, 17/09/1882).

« On remarquera que dans aucun de ces deux cas, l’Église ne sert tous les hommes : elle les asservit ou bien elle les fuit ». (cb2/p29)

  • L’Omerta : la maladie du secret ( cf. livre Véronique Margron )

Pour être le plus objectif possible sur ce sujet, je vais passer la parole à une personne du sérail, qui vit les situations de l’Eglise de l’intérieur et donc qui ne peut pas être suspectée ne pas connaître les problématiques de l’Eglise-Institution (cf. son livre : « Un moment de vérité »)

« La révélation par la presse des actes de pédo-criminalité commis par des clercs a mis en évidence que longtemps, trop longtemps l’Église s’est tut. Elle continue à le faire quand les déclarations ne sont pas à la hauteur des douleurs qui rongent les victimes, en minimisant les faits ou leurs conséquences, en ne nommant pas les choses par leur nom. Ce silence de l’Église, face à ces crimes sexuels, ont amplifié les scandales. Par ailleurs ils rendent inaudibles les propos qu’elle tient sur des sujets importants de société, telles la justice sociale, les questions de bioéthiques, etc. (p 36) Car quand la confiance se voit trahie, qui plus est dans ce qu’il y a de plus fragile, de plus sacré même, à savoir la protection de l’enfance, c’est alors toute l’institution et le peuple des croyants qui sont bafoués et trahis…(p 37). Nous sommes en droit d’attendre que la responsabilité envers les plus vulnérables, qui est un engagement évangélique soit encore plus exigeante et authentique que pour un autre milieu… » (p 38).

« Face à l’accumulation de scandales, devant la révélation de l’abject, c’est toute l’Église qui s’est emmurée dans le silence et une forme de déni ». (p 40)         

 Véronique Margron attribue la responsabilité de ce désastre au premier chef aux responsables de l’Église, qui « ont fermé les yeux, passé leur chemin. Mais il y a également ces paroissiens, qui savaient confusément. C’est ce que montre très bien le livre de la journaliste Isabelle de Gaulmyn (Histoire d’un silence, Seuil 2016). Ils ont eu une sorte de réflexe de faire corps afin de protéger l’institution. » (p41)

L’église a-t-elle failli dans la gestion de ces affaires d’agressions sexuelles sur mineurs et personnes vulnérables ? V. Margron répond : « sans nul doute » (p48)

Elle poursuit en déclarant : « Si l’église a bougé, c’est sous la contrainte des victimes et des médias ». C’est, dit-elle, « ce que relevait déjà le jésuite Pierre de Charentenay dans un article très précis de la revue Études en 2010 (n°4133). « Il a fallu attendre le début des années 2000 et les enquêtes des journalistes du quotidien The Boston Globe- racontées par le film Spotlight- pour que ces crimes soient révélés aux États-Unis, pays très touché par les scandales… »                               

« En Europe, les révélations éclatent au grand jour essentiellement en 2010 et brisent les murs du silence, en particulier en Irlande, puis en Allemagne, en Belgique…

En France, la condamnation à trois mois de prison avec sursis de Mgr Pierre

 Pican, évêque de Bayeux et Lisieux, une première en Europe, en 2001, pour non-dénonciation des actes avérés de pédo-criminalité de l’abbé Bissey agit tel un détonateur au sein de l’épiscopat. (p 49)

Un procès qui fait écho à celui, en octobre 2018, de l’ancien évêque d’Orléans, Mgr André Fort, mis en examen pour les mêmes raisons, le procureur de la République réclamant une peine de prison ferme afin de créer un électrochoc, est finalement condamné à huit mois de prison avec sursis pour non-dénonciation d’agressions sexuelles… Le prêtre en cause, Pierre Castelet, a été condamné par le tribunal correctionnel à trois ans de prison, dont un avec sursis, pour agressions sexuelles sur mineurs. (p 49)

Pour la même accusation de non-dénonciation en temps utile, s’est ouvert le procès du cardinal Barbarin, à Lyon en janvier 2019…Véronique Margron indique que « Les audiences de janvier ont posé très clairement au moins deux questions : la place de la justice civile pour l’Église quand un haut responsable ecclésiastique pense que seule Rome doit lui donner des ordres ; et aussi l’extrême difficulté et douleur pour les victimes quand elles constatent que leurs récits ne sont pas entendus par l’Église ni suivi des actes nécessaires… ». (p 49-50)

Véronique Margron conclut sur ces drames que « rien ne peut moralement justifier d’avoir tant tardé à agir. » (p 48-50)

Dans cette ambiance de sidération et de suspicion le curé de ma paroisse écrit en pleine tempête du procès Barbarin, dans un « édito » de la feuille mensuelle paroissiale, que le cardinal Barbarin est : « mon frère, mon Père … », invitant implicitement ainsi ses ouailles en quelque sorte à faire preuve de distance par rapport aux critiques sévères des média adressées à l’encontre de la hiérarchie ecclésiastique, de compréhension et voire de soutien vis-à-vis de son supérieur « cardinal » présumé, à cette date, non-coupable. Et cette prise de position, dans cette période particulièrement difficile du procès, je l’ai ressentie comme profondément provocatrice ou, si on veut être gentil, très maladroite. Le procès du cardinal, s’il ne retient pas juridiquement l’accusation de responsabilité directe du cardinal, le rend responsable de non dénonciation de crime de pédophilie commis par un clerc sous son autorité. Elle reflète bien cet « entre soi » des clercs qui, bien qu’ils aient des avis critiques sur leur cardinal, se serrent les coudes pour défendre quoiqu’il arrive « la Maison commune ». Cette stratégie est terriblement contre-productive car, au lieu de sauver ce qui est le trésor de notre Eglise, elle a pour conséquence de solidariser les chrétiens pratiquants dans la complicité avec leur cardinal, s’ils se taisent. Nous avons été deux seulement à l’avoir notifié à notre curé !

C’est d’autant plus surprenant d’appeler « Père » un évêque ou toute autre clerc, que du temps de Jésus cette appellation était déjà stigmatisée par Jésus lui-même. En effet on trouve chez Matthieu 23,1-12 « une exhortation que la tradition chrétienne a bien vite oubliée ». (dixit Roselyne Dupont-Roc, bibliste – Prions en Eglise 22/08/20 p.165). S’adressant aux foules et à ses disciples, Jésus déclare à propos des scribes et des Pharisiens, c’est-à-dire aux représentants des autorités religieuses juives de l’époque : « Ne donnez à personne sur terre le nom de père, car vous n’avez qu’un seul Père, celui qui est aux cieux ». Il semble que cette dérive, par rapport à l’exhortation de Jésus et à sa suite reprise par la tradition chrétienne, portait déjà en germe non pas seulement une résonnance affectueuse mais plutôt le pouvoir lié à l’autorité paternelle, bien sûr prédominante à l’époque. Malheureusement on est en droit de mettre en doute ce pouvoir, cette autorité, quand on constate que ce même pouvoir a été perverti par des clercs dans le but d’assujettir sexuellement des êtres mettant toute leur confiance en eux.

Un procès qui révèle qu’il y a longtemps que le cardinal était au courant du crime de pédophilie de l’abbé Preynat, et que rien de vraiment concret et à la hauteur du préjudice subi par les victimes n’avait été entrepris pour tenter, non pas de réparer, mais d’apaiser les souffrances, les blessures inscrites de façon indélébile dans leur chair, leur mémoire et leur âme. Juridiquement il y a prescription, car le délai de mise en accusation était dépassé et qu’à l’époque, il y a 30 ou 40 ans, les victimes ou leurs parents n’avaient pas porté plainte. Est-ce que la faute est pour autant effacée par le temps ? Non, certainement pas et nous aurons à en subir les conséquences, d’autant plus que les médias et les réseaux sociaux en font « leurs choux gras ».

Juridiquement le primat des Gaules s’en sort assez bien car il y a prescription (cf. le film « Dieu merci »), mais en ce qui concerne l’Église, sur le plan éthique et gouvernance, c’est toujours l’Omerta pour protéger la « Maison commune » et non pas pour prendre soin des victimes. C’est purement scandaleux. Aussi la perspective de remettre les pieds à la messe dominicale de la paroisse m’apparait hors de mes forces. Non pas que je me prendrais pour un « petit saint » au-dessus des autres, mais je ne me sens plus en communion ni avec le curé ni avec la communauté, dont la quasi-totalité des membres n’a pas réagi et suit son « pasteur » comme les « moutons de Panurge » ! Ne prenons pas pour manifestation de fraternité les sourires en coin qu’on s’échange à la sortie de la messe. Un an après ma désertion de la messe du dimanche, aucun paroissien, aucune paroissienne ne s’est manifestée auprès de moi. Finalement je suis devenu invisible et j’expérimente le degré de solidarité entre les membres d’une même communauté, lorsqu’un de ses membres est absent du culte pendant si longtemps. Même attitude de la part du curé ! Conclusion, on peut fréquenter des années ces rassemblements cultuels sans se connaître, sans s’adresser la parole, mis à part quelques amis ou connaissances que souvent on s’est fait par ailleurs. Nous sommes loin de l’enseignement du Christ qui insiste auprès de ses disciples sur la façon d’évangéliser seulement par leur comportement : « ceux qui les voient vivre disent à leur sujet : voyez comme ils s’aiment ! ».  On en est loin.

Actuellement, ce qui prédomine, c’est faire le « gros dos » devant la pédo-criminalité de certains clercs car, à ma connaissance, rien de concret sur ma paroisse n’a été entrepris pour inciter chacun(e) à être solidaire des victimes. Pas de réaction populaire, si ce n’est celle de seulement deux paroissiens, quand le curé de la paroisse écrit sa solidarité cléricale au cardinal Barbarin. Pour le « troupeau », l’autorité vient d’en haut quoiqu’il arrive et on « s’écrase » devant le cardinal et le curé…A leur décharge, pour certain(e)s d’entre eux, cette affaire est incroyable au sens étymologique du terme. Ils restent comme sidérés et pensent que c’est sans doute un complot ourdi par les adversaires de l’Eglise, notamment les médias ou les francs-maçons ! Pour d’autres, on sert les rangs pour constituer un bloc de soutien à la hiérarchie cléricale« On ne critique pas son Eglise…Voyons, un peu de décence… » diraient les plus fans d’entre eux ! Pour être juste, je pense que certains(es) meurtris(es) au plus profond de leur cœur, de leur âme, se réfugient dans le silence. Malgré tout, je dois pardonner à mon curé de m’avoir blessé, parce que le Seigneur nous le demande, non seulement une fois mais 77 fois 7 fois, ce qui veut dire sans fin. Cela ne m’est pas trop difficile si je me rappelle son côté assez fraternel, ses homélies souvent très pertinentes et son engagement dans le mouvement inter-religieux,. Mais pourquoi donc s’est-il rangé du côté de l’Institution, alors qu’il a milité toute sa vie du côté de ceux et celles qui étaient à la périphérie ?

Je pense que Dieu, comme du temps de Jésus de Nazareth, a quitté à nouveau le « Temple » où on pensait qu’il avait élu résidence, car son Église, une nouvelle fois, a dépassé les bornes. Au moment où j’écris, coïncidence prémonitoire, le confinement dû au coronavirus a vidé les Eglises. Je ne peux m’empêcher de penser que le pardon de Dieu ne sera acquis que lorsque l’Église-Institution et l’Église « Peuple de Dieu » auront pris conscience de la gravité de ce péché structurel, et que le pardon ne sera vraiment accordé que lorsque justice et réparation auront été rendues aux victimes. Le Christ n’est plus là, enfermé dans le tabernacle, mais il est vivant ailleurs. Il est vivant et solidaire des victimes, à la périphérie, comme le dit si bien le Pape François. De l’extérieur, Il frappe à la porte de son Eglise et à notre porte pour nous dire de nous rapprocher de ceux et celles qui luttent auprès des victimes, afin de leur apporter, nous aussi,  compréhension, réconfort et compassion. Ainsi nous pourrons contribuer à restaurer demain l’Église sur les bases de l’enseignement authentique de son guide. Pour le moment je suis dans l’analyse critique de mon église parce que je veux rester lucide sur sa volonté de minimiser, d’étouffer ces scandales, ces crimes, tout en me sentant aussi solidaire de son péché, parce que je ne suis pas parfait, loin de là, et que je suis conscient que Jésus nous demande d’enlever « la poutre de notre œil avant d’avoir la prétention de vouloir enlever la paille dans l’œil de notre prochain ». C’est pourquoi je nous invite, en même temps qu’on dénonce ce crime exécrable, à faire notre introspection pour enlever cette « poutre » qui peut nous aveugler ; le « nous » que j’emploie m’implique de même que bien des chrétiens qui, malgré l’évidence des faits, se rendent complices du comportement scandaleux de notre Église-Institution. Heureusement beaucoup d’initiatives se prennent dès aujourd’hui pour restaurer l’Église sur les fondations solides des Evangiles.

Avant de clore ce chapitre, je souhaite mentionner ce que Daniel Marteguat, pasteur suisse et bibliste éminent, répond à une journaliste de La Croix – l’Hebdo – semaine 3 avril 2020, qui lui pose la question sur les causes de la crise que traverse actuellement l’Eglise catholique : « c’est le prix élevé qu’elle paie pour sa loi du silence. On en sait la raison : protéger l’institution. Mais du coup on a sacrifié les individus. La pérennité du Christianisme, le salut de l’Institution ne peuvent s’obtenir à ce prix-là ».

Je souhaiterais néanmoins terminer ce chapitre sur la déviance de l’Eglise-Institution par une lueur d’espoir, celui d’espérer que la CIASE ( Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Eglise) puisse faire en toute indépendance son travail d’enquête sur ces abus commis par des clercs depuis 70 ans et peut-être plus… et que ce travail d’écoute et de retranscription aboutira, non pas dans un tiroir d’Evêché, mais alimentera le discernement des autorités ecclésiastiques pour élaborer un acte fort de repentance de l’Institution qui reconnait le crime de certains de ses clercs. C’est, à mon avis la première marche à franchir, une démarche absolument nécessaire mais pas suffisante. Ensuite il faudra penser à une démarche complémentaire consistant à accompagner les victimes sur le plan psychologique et le plan spirituel. Simultanément nous devrons parler de réparation financière, car le préjudice subi est gravé dans les mémoires et continue de perturber le psychisme des victimes. Cette blessure a sûrement eu aussi des conséquences négatives sur le processus de déroulement de leurs études et de leur travail professionnel.

  • Le décalage entre le droit juridique de l’église (dit droit canonique) et celui de l’état républicain

 L’Église a créé son propre droit, qu’on a appelé autrefois le « droit divin », ce qui lui a permis d’être la seule référence de justice et de légitimité du temps de la royauté. Depuis 1905 la séparation de l’Église et de l’État en France, elle a dû céder peu à peu, non sans mal, cette fonction à l’État républicain, mais elle a gardé néanmoins certaines prérogatives notamment concernant les clercs.

On voit bien aujourd’hui, malgré les injonctions du pape François, la difficulté, voire la résistance de la hiérarchie (évêques ou cardinaux), à passer la main à l’État en matière de justice. Une partie de la hiérarchie souhaiterait continuer à se soustraire à l’autorité de l’Etat, et continuer à régler ses problèmes internes avec Rome. Sa stratégie mondiale a été l’Omerta, pour l’essentiel de  couvrir par le silence les crimes de pédophilie de ses clercs de façon à tout faire pour protéger la « Maison commune » comme le dénonce Véronique Margron dans son livre « Un moment de Vérité » (p8) : «L’Église semble oublier, dans cette gravissime affaire, que des enfants et leurs familles ont été hautement trahis dans leur confiance en l’Église et que ces victimes, que les média révèlent chaque semaine de plus en plus nombreuses, sont blessées à vie ».

 Comme le pointe Jérôme Cordelier (rédacteur de « l’Avant- propos » du livre de Véronique Margron. (p 7/8) , « le scandale s’est propagé, sans mot dire, « sans maux-dire », discrètement. Il sest infiltré dans les rouages d’une institution façonnée par la culture du secret, pendant des millénaires. Et longtemps, très longtemps, ses responsables se sont tus. Ce grand silence, ce mutisme érigé en système a bouleversé des vies dévastées par le Mal, déjà à leurs commencements, au temps de leurs innocences, et maintenant que la vérité éclate au grand jour, c’est un monde qui s’effondre. L’Église catholique tout entière se voit pointée du doigt. Ceux qui ont consacré leur vie, qui l’incarnent, sont entachés de soupçon, alors que bien souvent ils sont eux-mêmes ravagés en leur for intérieur par ce qu’ils apprennent. Quelle que soit leur qualité d’être, leur abnégation pour beaucoup, leur grandeur pour certains, leur sainteté même, la société croit de moins en moins à leur vertu. Parce que certains de leurs pairs ont failli, et que l’on découvre qu’ils sont de plus en plus nombreux chaque jour. Parce que ceux qui ont la charge de les diriger ont caché ces crimes – c’est ainsi qu’il faut nommer ces actes - disons le nettement puisque nombre d’entre eux se montrent encore bien réticents à le faire. Masquer l’horreur pour sauvegarder la « maison commune », comme l’on dit dans les livres sacrés. Et, parce que ces scandales ont été mal gérés, ou en tout cas bien tardivement, sous la pression de l’opinion, une immense tâche voile l’activité de l’ensemble et désigne des milliers d’hommes et de femmes qui s’engagent, souvent dans l’ombre, pour le bien commun, à la vindicte publique (p 7/8) ».

« Et s’il fallait parler de conversion aujourd’hui, ce serait celle de l’Église, à l’instar de Paul « précipité à terre » sur le chemin de Damas (Ac 9,3). Il se croyait juste, fidèle parmi les fidèles, et il va se découvrir persécuteur. L’Église, elle aussi, était aveugle de la vérité, de la souffrance infligée par certains de ses membres aux plus fragiles. Et elle s’est fait renverser par le cri des victimes, après tant de douleurs enfouies ; comme un geyser, qui à force d’infiltrations, finit par jaillir des souterrains de la douleur et de la honte ». (V. Margron. (p17/18)

Au sujet de l'iniquité de la justice de l'Église, je citerai ici un bref passage du livre « Une vie nouvelle » (édit. Les Arènes) du Père David Gréa, prêtre d’une paroisse de Lyon, qui a été renvoyé de son état de prêtre parce qu'il s'est marié. Dans son livre il révèle combien la dimension affective du célibat, pour lui et sans doute pour beaucoup de prêtres, est impossible à vivre et n’est pas en accord avec la position du Christ. Voilà ce qu’il révèle à propos du célibat forcé :

  « Je savais qu’il me manquait l’aide dont parle Dieu dans la Genèse, au moment de la création de la femme : « le Seigneur Dieu dit : « il n’est pas bon que l’homme soit seul. Je vais lui faire une aide qui lui correspondra » (Gn2,18). Une femme à laquelle je sois lié, avec laquelle je puisse partager mes joies et difficultés, autant que le secret ou les confidences le permettent. Une personne qui lie entre eux les jours qui passent et tisse ainsi la trame de ma vie. » (p 101).

Mais ce prêtre qui a été plus qu’honnête et transparent sur son projet de vie, vis-à-vis de sa hiérarchie, a été lâché par celle-ci et même condamné au terme d’un procès inique basé sur l’interprétation du droit canon datant de 1394, alors que les entretiens avec le cardinal Barbarin et même le Pape avaient été emprunts de compréhension et de bienveillance à son égard. Ce qui est vraiment révoltant c’est que ce fameux droit canon, datant du Moyen Age, ne conduit pas forcément à la décision d’un renvoi de l’état clérical ; il propose une graduation de sanction dont la plus forte est la réduction pure et simple à l’état laïque. Il lui a été infligé la peine la plus sévère sans doute pour faire un exemple. A quelle époque vit « l'Église Institution » d’aujourd’hui ?

A ce sujet un pasteur suisse, bibliste protestant, Daniel Marguerat, répond à la question d’une journaliste de La Croix – Hebdo – (n°42- sem. 3 avril 2020) sur les causes de la crise que traverse actuellement l’Eglise : « De mon point de vue, l’Eglise catholique souffre d’abord d’une erreur historique : avoir lié la vocation du sacerdoce au célibat obligatoire. Or, la tradition chrétienne la plus ancienne est d’accueillir les ministres mariés ou non, selon leur propre choix (ce que pratiquent les orthodoxes et les protestants). Il faut revenir à cette distinction entre célibat et prêtrise, car de cette confusion est née une fragilité structurelle de l’Eglise catholique. Bien entendu, la pédophilie ou la sexualité déviante, précisément dans le catholicisme, n’est pas un hasard : l’Eglise romaine est la seule institution religieuse qui impose le célibat de son personnel ».

La conclusion est que cette Eglise cléricale se décrédibilise de plus en plus non seulement aux yeux du grand public mais aussi auprès de ses ouailles. On vit une fois de plus une crise très grave qui défigure aussi le visage du Christ.

3.5 -   L’Institution : peut-on s’en passer ?

Je reprends ici ce qu’en dit le cahier bleu n°2 sur l’institution ecclésiale : « un fait inéluctable, une loi inhérente à tout groupe social ».

« L’Église est un peuple d’hommes et de femmes, qui s’expriment, comme tout groupe d’êtres humains, dans un langage, selon des rites et des coutumes, des codes et qui doit s’organiser. Cette loi inhérente à tout groupe social est donc aussi une loi pour la société Église.

Ce que nous retenons ici c’est que l’Église, du fait même qu’elle est une assemblée d’hommes et de femmes concrets et vivants, ne peut exister sans institution » (cb2/p8)

« L’Église est une institution humaine donc historique et transitoire. Comme toutes les structures sociales et humaines, celles de l’église naissent, grandissent, décroissent et meurent. C’est vrai même des sacrements : pendant les six premiers siècles aucun chrétien ne s’est confessé, sauf cas de péché public et très grave. La confession comme nous la connaissons n’existait pas. Aujourd’hui on s’interroge sur le sacerdoce des femmes… Ceci montre bien que nul ne peut préjuger de l’histoire des structures de l’église et que celles-ci ne peuvent se prendre pour définitives. » (cb2/p11)

L’avis de plusieurs personnes, qui font autorité dans l’Église catholique, est qu’actuellement on s’orienterait vers plusieurs formes de structures : la paroisse, dont le fonctionnement et les ministères seraient revus et corrigés, mais qui présente l’avantage de la proximité géographique, des centres religieux de plusieurs spiritualités tenus par des religieux hommes ou femmes qui seraient attractifs par leurs spiritualités et leurs modèles de vie, des communautés de base avec un animateur-coordinateur laïc ou clerc, élu pour un temps et qui aurait entre autre le soin de relier cette église locale ou domestique aux autres églises.

Actuellement les évènements sur la pédo-criminalité de certains clercs accélèrent la prise de conscience des catholiques pratiquants ; il est indispensable de prendre en compte leurs attentes.

4 – Contestation de l’interprétation du salut

4.1- le concept de « substitution »

Il s’agit de la contestation du salut enseigné durant des siècles par l’Eglise, c’est-à-dire du concept de « satisfaction » développé par François Varonne, dans son bouquin intitulé « Ce Dieu censé aimer la souffrance ». Selon lui, la perversité se loge dans la logique de « ce concept qui a prévalu longtemps dans l’Église et qui subsiste encore maintenant dans une large partie de la communauté chrétienne ». Personnellement, comme beaucoup, j’ai baigné dans cette interprétation-là.

L’idée est la suivante : « Se substituant aux hommes pécheurs, Jésus a compensé pour eux l’offense infinie faite à Dieu par leurs péchés. Il les a sauvés en satisfaisant à leur place aux exigences absolues de la justice divine. Il ne reste plus à l’homme pécheur, par la foi et le sacrement qu’à se laisser imputer les mérites du Christ, à les reconnaître et à les laisser valoir pour lui devant Dieu. La satisfaction constitue un ensemble juridique dont les éléments sont substitution, compensation et imputation ». (p12)

F. Varonne poursuit en s’insurgeant contre cette théorie qui déforme le visage de Dieu en en faisant un monstre ou une machine juridique. Il démonte cette énormité : « seule une victime parfaite, c’est-à-dire divine, pouvait racheter l’infini de la dette. Ce fils, comme il était prévu dans le plan de Yahvé, va être tué par les hommes, si bien qu’à leur première faute, l’indiscipline (pour avoir mangé du fruit défendu), ils en ajoutent une autre, d’une autre ampleur : un meurtre. Qu’importe, ils sont « sauvés » grâce à la substitution héroïque d’un innocent prenant sur lui la culpabilité générale. Le prix du « rachat » devait inexorablement être versé à ce dieu comptable et incapable de pardonner tant que le sang d’une victime expiatoire, digne de Lui, n’aura pas réparé la faute (c’est-à-dire le péché originel). Il l’a été. Tout est rentré dans l’ordre avec ce sang répandu. L’affaire est close et les cieux sont rouverts à la postérité d’Adam. » (p13)

Et alors se pose la question de savoir si ce sacrifice apporte véritablement le salut ? F. Varonne explique que « si l’offense était vraiment adéquatement réparée, alors la punition devrait cesser, la mort devrait être suspendue et l’humanité devrait pouvoir réintégrer le paradis originel ». Or rien de tel, ce qui serait, selon lui la preuve que ce concept de salut ne sauve pas, car le Mal demeure, que nous n’avons pas réintégré le paradis originel et que la peur de Dieu existe toujours.  L’homme reste bloqué, enfermé dans cette peur qu’ont entretenue les clercs, (à l’exception de quelques-uns qui ont osé braver la vindicte de l’autorité ecclésiastique). Dieu apparaît comme « une puissance exigeante, menaçante, dangereuse… et monte alors la peur aliénante et destructrice, et bientôt la certitude terrifiante de ne jamais pouvoir satisfaire Dieu… Sisyphe peut pousser aussi longtemps son rocher et aussi fort qu’il veut : plus il pousse, plus il sait qu’il n’atteindra jamais le sommet de la montagne…En méconnaissant le vrai Dieu, et son vrai salut, la religion a perverti la transcendance ». (p 16-17)

F. Varonne insiste sur les dégâts qu’a faits ce concept parce qu’encore de nos jours, comme il l’indiquait en 1984, « il est courant, dans quelque groupe ou assemblée d’Église que ce soit, d’entendre évoquer la diminution du nombre de fidèles, la baisse catastrophique de la foi et de la pratique. Et on accuse généralement ceux d’en face : le matérialisme de la société, la soif de jouissance, etc… Il est rare qu’on reconnaisse que notre propre langage est déphasé, que sur ce point essentiel de l’annonce du salut, notre parole chrétienne s’est laissée piéger par la religion, qu’elle en est devenue insignifiante dans les meilleurs cas, aliénante dans les autres. Pourquoi ne pas regarder en face tous ces gens qui ne peuvent plus croire au salut, ne peuvent plus lier profondément leur désir et leur pratique vivante à Dieu et à Jésus à cause de ce que la parole de l’Église en dit ? Et tous les autres qui réussissent péniblement à le faire malgré ce qu’en dit la parole de l’Église ? Et tous ceux qui parviennent encore vaille que vaille à en vivre mais qui ne peuvent plus rien transmettre parce qu’ils n’ont plus de parole pour transmettre leur foi ? »

F. Varonne en conclut qu’il n’est plus possible de se croire sauvé par le mécanisme de « substitution/compensation/ imputation » après avoir lu chez Paul : « si tes lèvres confessent que Jésus est Seigneur et si ton cœur croit que Dieu l’a ressuscité des morts, tu seras sauvé » (Rm10,9). Ou chez Pierre : « Béni soit Dieu… : Il nous a régénérés par la résurrection de Jésus d’entre les morts » (1 P 1,3 ; cb2/p. 30).

Je recommande à ceux-celles qui seraient choqué(e)s par cette interprétation de lire le livre de François Varonne, car ils y trouveront le développement qu’il serait trop long de reprendre ici.

4.2 - ma position

J’aurais tendance à adhérer en partie à l’analyse critique de F. Varonne, mais j’émets une réserve quant à la suppression de la mort et la réintégration du paradis comme conséquence de l’offense réparée par le sacrifice du « fils. Les découvertes scientifiques révèlent que l’homme apparait après des milliards d’années après le « big-bang , façonné par la sélection naturelle comme la merveille des merveilles de la Création. Mais en même temps, Jésus nous révèle dans la parabole du « bon grain et de l’ivraie », que les deux semences ont été semées, l’une par Dieu et l’autre par Satan, mais la nuit dans le même jardin, c’est-à-dire en nous. Nous sommes habités à la fois par « le bon grain » (la parole de Dieu) et par « l’ivraie », (la parole de « l’Adversaire »). Donc il ne peut pas s’agir d’un retour automatique au Paradis tant que Dieu n’aura pas déchargé de nos épaules « le sac à dos de Mal » qui nous écrase. En effet, par notre complicité avec le Mal nous constatons que nous ne sommes pas parfaits, mais notre foi en Jésus-Christ nous amène à croire ce qu’il nous a promis : « là où je serai, vous serez là aussi ». Nous pouvons compter sur la miséricorde, la compassion de Dieu, qui nous fera rentrer au Paradis dans le sillage du Christ. Déjà le Psaume 103 (102 v.3-4)) nous le révélait : « …Lui qui pardonne toutes tes offenses, te guérit de ton péché, qui rachète à la fosse ta vie, qui te couronne d’amour et de tendresse ».

 Je pense aussi que F. Varonne se trompe quand il évoque la mort. Je pense qu’il s’agit dans son esprit de la mort biologique. Mais cette mort-là est inhérente à tout mammifère, dont nous faisons partie. Cette mort-là restera toujours, telle est notre condition pour le moment. Pour moi Il s’agirait essentiellement de la mort de notre âme, de la source qui nous anime, de ce qui nous fait vivre, de ce qui nous tient, fruit de l’Alliance avec notre Dieu. C’est en passant par la mort biologique que nous mourrons à notre excès « d’Ego », qui est en nous la source de tout Mal, de l’ivraie qui a été semé en nous dès l’origine par le Satan qui s’oppose au plan de Dieu. (cf. le § sur « le bon grain et l’ivraie » dans mon exposé « Quête de sens »). Nous sommes confiants en la promesse de Jésus-Christ, que la mort biologique n’a pas le dernier mot, et que Dieu peut récupérer ce qui est le « petit reste de bons grains » de notre âme, pour nous conduire vers notre propre résurrection, vers une vie nouvelle et éternelle, une situation où nous serons vraiment à notre place.…

En conclusion sur ce point-là, je pense que l’erreur d’interprétation résiderait, de mon point de vue, dans l’idée que Jésus aurait eu conscience qu’il devait mourir pour nous racheter de nos péchés, pour compenser notre désobéissance originelle. Je crois sincèrement qu’il n’a pas cherché la mort pour réussir sa mission, puisqu’au moment de sa passion il a supplié le Père de lui éviter de « boire le calice du sacrifice ». D’autre part, au moment de mourir il a adressé au Père cette prière : « Pardonnes leur, Père, car ils ne savent pas ce qu’ils font ». C’est essentiellement par fidélité à ce qu’il a toujours été, par amour pour nous, qu’il a accepté son sort injuste ; et c’est à sa demande que le Père est sollicité pour nous pardonner le crime de mise à mort de son fils. Nous voyons ici que l’Amour commande le Pardon.

Je pense que Jésus est venu essentiellement nous révéler une bonne nouvelle, qui à mon avis est double :

- nous révéler le vrai visage, la vraie nature de notre Dieu qui est l’Amour gratuit donné inconditionnellement à chacun d’entre nous,

- nous révéler que notre mort biologique n’est pas notre fin, mais que, comme lui, nous ressusciterons pour une vie nouvelle et éternelle. Dieu se servira du presque rien encore vivant de notre âme, pour nous recréer « à son image et à sa ressemblance », car rien n’est impossible à Dieu.

5 -      Comment je vois l’Église ?

5.1      Priante, tournée vers le Père

A l’exemple de Jésus, son « guide », elle ne doit pas se prendre pour l’Absolu mais attendre tout du « Père », exactement comme Jésus n’a cessé de le pratiquer durant sa vie terrestre. Il nous a répété maintes fois qu’il n’était pas venu pour faire sa volonté mais la volonté du Père. Et pour connaître cette volonté il n’a cessé de se tourner vers son Père dans la prière. A nous de nous tourner, individuellement mais aussi en groupe vers Lui , pour connaître son projet pour nous. Que les « Princes de l'Église » suivent l'exemple de leur « Maître » et ne se prennent plus pour l'Absolu, mais pour des serviteurs, ceux qui ont un rôle éminent à jouer dans la transmission de la foi, ici et maintenant.

Pour prier, Jésus nous a enseigné le « Notre Père ». Par cette prière l’Esprit Saint nous invite à nous tourner vers le Père, parce qu’Il sait que le Père est Amour et qu’Il veut tout nous donner, tout nous pardonner. Sûrs de son Amour, de son pardon nous gardons confiance en son Alliance. Pour mieux connaître le Père recherchons ce que nous en disent les prophètes de L’Ancien Testament qui nous ont laissé la Bible. De même, les Apôtres nous ont transmis des paroles de Jésus dans les Evangiles, des traces de son passage, de quoi méditer et prier jusqu’à la fin de nos jours ! J’ajouterai la prière spontanée qui sort d’un élan de notre cœur, de notre âme et qui confie tout à son Seigneur, même ce qui est moche en nous.

Quand nous prions, n’oublions pas ce que nous a dit Jésus : « Quand deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux ». C’est son esprit qui nous inspirera.

5.2      Garante de l’égalité entre ses membres

L’une des résolutions du concile Vatican II a été de définir l’Eglise comme « un peuple caractérisé par l’égalité entre tous les membres et non pas édifiée comme une structure hiérarchique des « grades ».

Jésus a lui-même dénoncé ce désir d’être grand selon le monde, en disant que le plus grand, c’est celui qui se met au service des plus petits.

5.3      Accueillante à tous

Cette attitude correspond à la première exhortation que le Christ a adressée à ses disciples et donc à nous par voie de conséquence : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimé », c’est-à-dire penser sans cesse à prendre soin des autres.

Cette exhortation du Christ s’adresse à chacun de nous pour accueillir qui que ce soit comme le « Père » a accueilli le « fils prodigue ». Là encore, le Christ nous adjure de ne pas juger, comme Satan nous invite constamment à le faire, mais de mettre nos pas dans ses pas en l’écoutant nous redire : « Je ne suis pas venu pour juger mais pour sauver… je t’aime ».

 5.4     Unie

Là aussi le Christ a insisté sur sa volonté, son désir de nous voir chercher l’unité dans la diversité pour que le monde croit. Et cela commence déjà au niveau des communautés chrétiennes les plus modestes. C’est pourquoi nous avons le devoir de répondre à tous les appels que nous recevons de la part de celles et ceux qui militent pour cette unité œcuménique et le dialogue inter-religieux.

Nous avons à construire des ponts pour fréquenter et écouter ceux-celles qui ne sont pas de notre bord, pour témoigner, comme le Christ, que nous ne sommes pas là pour juger mais pour découvrir qu’Il nous pousse à nous rassembler en œuvrant ensemble pour la Paix, la Justice et l’Amour des uns des autres.

Partout dans le monde, pour les chrétiens c’est la même foi, le même baptême. L’Église doit être universelle aussi, parce qu’avant tout c’est Jésus qui en est à l’origine et non pas l’homme, serait-il religieux.

5.5      Solidaire

Que l’Église se comporte avant tout à la manière du Christ, qui s’est fait le serviteur de tous et non pour être servi.

Posons-nous toujours la question de savoir ce que nous pouvons faire pour les autres et non pas d’attendre ce que les autres devraient faire pour nous.

Rappelons-nous ce passage d’Evangile où le bon Samaritain soigne le blessé qu’il a trouvé sur sa route, parabole que le Pape François réactualise en invitant l’Église à être « un hôpital de campagne situé à la périphérie », qu’elle soigne aussi bien les bien – portants en apparence qui peuvent être rongés de « mal- être » dans leur fort-intérieur, ou des malheureux victimes des injustices grandissantes dans tous les pays. Croyons que le Christ veut rejoindre, à travers nous, la détresse des uns et des autres.

Cette solidarité doit habiter l’Église-Institution par exemple par la mise en œuvre d’une péréquation plus équitable entre les structures diocésaines, nationales, européennes et internationales, notamment celles situées dans les pays en voie de développement. Pour arriver à ça, il est de mon point de vue indispensable que l’esprit de solidarité soit davantage ancré dans l’esprit et le cœur du chrétien de base. Si c’était le cas, nous assisterions à une transformation radicale du monde avec beaucoup moins d’inégalités, plus de justice sociale et plus de joie, celle qu’on éprouve quand on partage.

 N’oublions pas que le Christ nous invite certes à prier mais ce n’est pas pour satisfaire au culte de notre Dieu comme à une idole, pour être en règle, mais bien pour recevoir la force d’agir pour les plus pauvres, ceux et celles qui sont dans la solitude et dans la très grande difficulté à vivre dignement. Il est temps que nous nous ouvrions beaucoup plus largement aux détresses de notre prochain, si nous voulons rester dans l’amour de Dieu et ainsi éviter les catastrophes que nous pressentons. Pour cela, Jésus nous a laissé sa feuille de route que nous trouvons en Mt 25,34-36 : « Venez, les bénis de mon Père, recevez en partage le royaume qui a été préparé pour vous dès la fondation du monde. Car j’ai eu faim et vous m’avez donné à manger ; j’ai eu soif et vous m’avez donné à boire ; j’étais un étranger et vous m’avez recueilli ; nu et vous m’avez vêtu ; malade, et vous m’avez visité ; en prison et vous êtes venus à moi ».

On pourrait citer ici Coluche avec « ses restos du cœur » ! Je ne sais pas s’il était croyant ou pas, mais ce que je sais, c’est qu’il a fait preuve de compassion et a agi. C’est exactement ce que le Christ nous demande de faire : « J’ai eu faim et vous m’avez donné à manger… » (Mt 25,34-36))

5.6      Humble

Là aussi pratiquer l’humilité à la manière du Christ qui a dit « qu’il était doux et humble de cœur ».

C’est pourquoi nous espérons une Eglise non violente, déjà en son sein, moins arrogante parce qu’elle croit être la seule à avoir la vérité, plus à l’écoute de l’extérieur dans le dialogue œcuménique et inter-religieux.

 Qu’elle soit moins remplie de certitudes et laisse de la place aux autres ; qu’elle ait suffisamment d’humilité pour se laisser évangéliser par les humbles et les doux de cœur qui n’ont pas forcément la même culture, ni la même foi.

 5.7     Experte en discernement

Qu’elle sache se former pour acquérir l’excellence en matière de discernement en abandonnant les vieilles recettes, qui mettent trop souvent dans une impasse ceux ou celles qui pensent avoir reçu un appel de Dieu.

Dans l’église des premiers siècles, c’était l’assemblée des Anciens qui, après concertation entre ses membres, faisait la démarche auprès de la personne qu’ils avaient repérée pour lui demander d’accepter telle ou telle mission. Ils avaient eu le temps de voir si en dehors d’une adhésion totale à l’enseignement de Jésus, elle correspondait aux critères de compétence, de charisme et d’éthique nécessaires et adéquates à la mission. Ce qui signifie qu’on ne s’appelle pas soi-même mais qu’on est appelé par sa communauté pour remplir une mission. Faire part de ce qu'on croit être un « Appel de Dieu » à sa communauté est à la fois un exercice d’humilité et de lucidité en vue d’un discernement plus sûr.

5.8      Compétente en matière de Management

Que « l’Église-Institution » vive avec son temps en intégrant, dans le cursus de formation des clercs et des laïcs responsables d’équipes ou de missions, des modules de formation au management adaptés à notre époque.

Il s’agit là de développer le « savoir-faire » et le « savoir-être » nécessaires pour remplir correctement la mission, c’est-à-dire de mobiliser l’intelligence collective d’un groupe, connectée avec l’Esprit. Si Dieu a créé l’Homme doué d’intelligence, c’est bien a priori pour s’en servir ! Je ne comprends pas pourquoi l’Église est à la traîne. Résultat pratique, on assiste trop souvent à des réunions où à la sortie on a eu l’impression de perdre son temps et aussi où on n’a pas su écouter l’autre…

 Encourager, accompagner les femmes et les hommes aux « ministères ordonnés » pour les aider à être capables de vivre en équipe, de se supporter les uns les autres, de s’encourager mutuellement, de s’édifier mutuellement pour donner une image dynamique au monde et pour éviter à certains de tomber dans la perversité, comme par exemple la pédophilie criminelle.

L’Église-Institution se doit de revoir urgemment cette question du recrutement d’une part en s’appropriant beaucoup plus largement les outils des sciences humaines et d’autre part en travaillant en partenariat avec les communautés de base : communautés paroissiales, communautés domestiques et spirituelles, qui sont spécialement qualifiées pour émettre un avis sur la candidature d’un(e) postulant(e). Autrement dit, au risque de me répéter, on ne s’appelle pas tout seul mais on est appelé par une communauté qui sait dire, si tel ou tel de ses membres a le charisme, la compétence et l'éthique adaptés à telle fonction. C’est le message sur lequel un théologien grenoblois a vraiment insisté lors de mes cours à l’IPER/Lyon, cours que j’ai suivis avec bonheur.

5.9      Novatrice en matière de fonctionnement

Quand je parle de fonctionnement je veux évoquer les services, les responsabilités, les ministères. Pour en parler je m’appuie sur les auteurs du cahier bleu n°3

« La sécularisation et l’évolution sociétale ont amené « l’Église-Institution » à repenser son organisation, son fonctionnement. Pour illustrer cet enjeu il suffit de mettre en parallèle les deux textes suivants écrits par des sommités ecclésiales à 60 ans d’intervalle :

«  Voici, vénérables frères, que nous voyons déjà se manifester cette doctrine très funeste qui présente les laïcs dans l’Église comme un élément de progrès » ( Pie X – Encyclique Pascendi – 1907)

et à peine 60 ans plus tard :

« Nous voulons le passage d’une Église remise hier entre les mains des clercs, à une Église qui soit prise en charge par tous les membres du peuple de Dieu ; une Église toute entière ministérielle pour être toute entière missionnaire ». (cb3.p2)

(Cardinal Marty – conclusion de l’Assemblée plénière de l’épiscopat – Lourdes 1973)

Les auteurs des « cahiers bleus n° 3 après avoir cité le cardinal Marty ajoutent :

« On voit donc mieux l’enjeu : la fin du clergé, et le passage d’une Église reposant massivement sur le clergé à une Église en commune responsabilité, se prenant en charge et suscitant tous les ministères nécessaires pour assurer le service de l’Évangile, pour accomplir sa mission d’être le sacrement du royaume. » (cb3. p10)

Personnellement je trouve le vocable : « Ministère », un peu pompeux et je le remplacerais plutôt par service, responsabilité, mission ou fonction, qui, à mon avis, évite le vocable d’une institution politique, et rend mieux compte que l’Eglise est pleinement à sa place quand elle se met au service, comme le lui demande le Christ.

Les auteurs du cahier bleu n°3 expliquent que dans cette perspective :

« c’est chacun des chrétiens, se sachant uni à tous, qui est sacrement du salut pour le monde entier.

 Ils le sont par le service ; service de tous et surtout des plus pauvres.

 Ils le sont par le témoignage ; témoignage de la foi en Jésus mort et ressuscité.

 Ils le sont par la communion : communion entre eux, signe que la réconciliation et le pardon l’emportent sur la haine.

Ils le sont enfin par la célébration des sacrements, surtout de l’eucharistie, où l’alliance avec Dieu en Jésus-Christ est renouvelée et la fraternité avec les autres humains vécue dans l’Esprit ». (cb3 p11)

 5.10   Acceptant le rôle décisif des communautés locales dans la nouvelle Eglise

« On l’a vu, l’enjeu est de taille. Le changement est possible, car le concile a ouvert une brèche dans « l’Église cléricale ». 

Le cahier bleu n°3 insiste sur le rôle décisif des communautés locales, en déclarant que : « c’est par la communauté particulière que tout doit commencer. C’est dans ce peuple, ayant pris une conscience plus vive qu’il est peuple de Dieu, Corps du Christ et Temple de l’Esprit, que l’on posera clairement et justement la question des ministères et services divers ; c’est au sein de cette communauté particulière que devra se découvrir la spécificité du ministère ordonné. On partira de la commune responsabilité des chrétiens et, ensuite on déterminera les tâches. En déterminant les tâches on découvrira de l’intérieur le rôle irremplaçable du prêtre (du pasteur, ou d’un-e laïc). Lui seul (Elle seule) peut empêcher que cette communauté ne se ferme sur elle-même ». (cb3. p23)

« A l’évidence, la diversité des situations, des mentalités et des cultures engendrera des types divers de ministères, des formes et des états de vie divers pour les ministres ordonnés. Ce serait une erreur d’imposer à une Église enracinée dans une culture sacrale le même type de ministères que celui qui se serait développé dans une culture très sécularisée. » (cb3. p23)

           

5.11    Réactualisant le statut et le ministère des prêtres

Véronique Margron invite l’Église à « déconstruire le système clérical, non pour détruire, mais pour inventer une autre manière de faire Église et donner tout son sens « au sacerdoce commun des baptisés ».

Le sacerdoce désigne une médiation dans la relation entre Dieu et les hommes, et par son baptême, tout chrétien est appelé à prendre part à la mission du Christ « d’être chemin vers le Père »

 «  … cela ne nie en rien la particularité du ministère du prêtre, mais celui-ci est second, car est premier celui reçu par tous les baptisés pour annoncer le salut du Christ…

Cette théologie du sacerdoce baptismal trouve son fondement dans le texte scripturaire.

 La première lettre de Pierre parle de « la race élue, sacerdoce royal, nation sainte, peuple que Dieu s’est acquis » (1P2,9).

 Paul, à son tour, met l’accent sur le peuple de Dieu où il n’y a plus « ni juif ni grec, il n’y a plus ni esclave ni homme libre, il n’y a plus ni homme ni femme » (Ga 3,28).

 Véronique Margron souligne que « le concile Vatican II a retrouvé cette sève trop enfouie, comme on le lit dans la constitution apostolique Lumen gentium (1964), qui après un chapitre introductif s’ouvre par le « Peuple de Dieu… »

Elle souligne que dans sa lettre du 20 Août 2018 au Peuple de Dieu, « le Pape François dénonce lui-même une forme de gouvernement qui maintient les laïcs en marge des décisions. »

« Remettre le prêtre à sa vraie place », c’est, dit-elle : « s’écarter – enfin – d’un modèle de l’autorité pensé comme solitaire, comme celle de « l’homme fort » - dont tant de clercs prédateurs ont usé, lié à un pouvoir indiscuté et unilatéral… Il s’agit donc de retrouver une autorité plurielle… Quitter le cléricalisme, c’est enfin tourner le dos à toute confusion, celle qui justement favorise le sentiment de toute puissance, quand un clerc se prend à vivre « père, frère, docteur, époux… », c’est là une mutation anthropologique qui est fondamentale pour désacraliser l’image du clerc, du religieux, de l’institution ecclésiale… C’est répondre à l’appel de s’ajuster à l’art d’être au monde de Jésus de Nazareth, « doux et humble de cœur ». (Véronique Margron p. 142/144)

Le statut du prêtre doit évoluer pour tenir compte de l’évolution sociétale, de l’équilibre psychique du prêtre à qui on demande beaucoup trop, et veiller aussi à son équilibre affectif. Que l’Église soit attractive pour les jeunes et les personnes qui, trouvant ringard le discours de beaucoup de clercs, n’y mettent plus les pieds.

Les auteurs du cahier bleu n°3 soulignent quel devrait être, selon eux, le nouveau rôle du prêtre : « Dans ce passage difficile à un nouvel équilibre ecclésial, les prêtres doivent jouer un rôle fondamental. Incertains de leur identité, certains sont tentés de se désoler, en ne voyant pas la relève arriver ; ils se considèrent eux-mêmes comme des « fins de série », les derniers d’une race.

 Il leur revient, en fonction même de leur ministère de présidence, de tourner tous leurs efforts pour faire naître cette Église au visage nouveau, qui apparaît déjà ici ou là. Un responsable de paroisse est confronté à cette tâche   passionnante : faire jaillir chez ses fidèles un sentiment plus grand de leur responsabilité commune vis-à-vis de leur communauté. Que l’on se rassure, dans une Église à commune responsabilité, les ministères nécessaires surgiront » (cb 3, p 24 ; cf Annexe 4)

5.12    Réactualisant la place des femmes ( V.M. p 144)

Véronique Margron indique que c’est « à partir de la personne de la vierge Marie que s’est constitué dans l’Eglise, un modèle de féminité définie par « l’effacement et le retrait silencieux ».  Il n’y avait logiquement qu’un pas à franchir, et qui a été franchi, pour assigner aux femmes dans l’Église « un positionnement de subordination, voire d’assujettissement à l’autorité masculine. Les valeurs évangéliques, d’humilité, d’écoute, d’obéissance valables pour les deux sexes ont été traduites fallacieusement en posture de modestie, de pudeur, de soumission… féminines ».

… Elle poursuit en indiquant « qu’un « propre du féminin » s’est construit à partir de là, se proposant aux femmes comme idéal de vie, tout en les assignant au nom même de cette féminité à un statut de mineures, au plan symbolique autant que juridique ». (p142-145)

Le pape François, écrit-elle « n’a pas manqué de dénoncer, dès le début de son pontificat, lors de son retour de Rio, le 26 Juillet 2013, « les lieux communs d’une féminité rabattue sur la maternité ou encore les ambiguïtés d’un « service », spécialité prétendue des femmes, si souvent perverti en simple servitude ». Il ajoutait « qu’il faut ouvrir un chantier ».

Véronique Margron souligne que « malgré de vraies avancées et des changements incontestables, l’articulation du masculin et du féminin reste une difficulté qui fait que trop de femmes restent assignées à des seules tâches d’intendance ou de gestion.

L’Église a du travail afin que la place des femmes soit un véritable lieu de réciprocité et d’altérité, y compris pour les clercs, car tous – femmes et hommes – ont « revêtu le Christ » (Ga 3,26).

 Attaquer le cléricalisme ne se fera pas sans les femmes, sans la véritable place des femmes dans toutes les responsabilités, afin que tous cherchent à mettre en pratique la parole du Christ, « moi je suis au milieu de vous comme celui qui sert ». (Lc22,27).

 Essayiste, journaliste et théologienne, la parisienne Anna Soupa a candidaté au poste d’archevêque de Lyon, « une première », titre Le Progrès de Lyon, dans son édition du Rhône 69X – du Dimanche 4 Juin 2020.

Son C.V. est fourni : études de politique et de droit à Paris, études de théologie à Lyon, banquière, journaliste pour la presse catholique ainsi que dans un journal pour enfants (Grains de soleil) et a créé une association qui promeut la place des femmes dans l’Eglise catholique.

Auteur de l’article, la journaliste Audrey Lungo poursuit en écrivant : « Sans espoir d’être retenue, elle souhaite avant tout faire tomber les barrières du machisme patriarcal ».

A ce sujet Anna Soupa s’explique : « La crise des abus dans l’Eglise est loin d’être finie. Il y a encore des affaires en sommeil, parce que l’entre soi des prêtres favorise la dissimulation. Un nouvel évêque va être nommé à Lyon, ça m’a donné un grand sentiment de lassitude. Je me suis dit, on va continuer comme avant. Mais une autre Eglise est possible. Dans la société, les luttes contre les inégalités avancent, mais l’Eglise c’est la dernière forteresse du machisme patriarcal ».

Anna Soupa fait preuve d’une résilience et d’un dynamisme exceptionnels en poursuivant son combat pour une autre Eglise. Elle révèle qu’elle a posé sa candidature « pour faire en sorte que les consciences s’habituent au fait qu’une femme peut être évêque. Il ne faut pas que cet acte ne soit qu’un feu de paille. D’autres femmes doivent candidater pour être évêques, prêtres, diacres, ou nonces. Il faut déplacer ce poids très lourd de l’image qu’on se fait d’un évêque ». (cf. Annexe 3 ).           

5.13 L’Église comme hôpital de campagne

Devant cette situation dramatique de l’Eglise écoutons ce qu’en dit Tomas

Halik : « Quel genre de défi cette situation représente-t-elle pour le christianisme et pour l’Église – un des premiers « acteurs mondiaux » – et pour la théologie ?

L’Église devrait être un « hôpital de campagne », comme le pape François le propose. Par cette métaphore, le pape veut dire que l’Église ne doit pas rester dans un splendide isolement loin du monde, mais doit se libérer de ses frontières et apporter de l’aide là où les gens sont physiquement, mentalement, socialement et spirituellement affligés. Oui, c’est comme cela que l’Église peut se repentir des blessures infligées tout récemment par ses représentants aux plus faibles. Mais essayons de réfléchir plus profondément à cette métaphore, et de la mettre en pratique.

Si l’Église doit être un « hôpital », elle doit bien sûr offrir les services sanitaires, sociaux et caritatifs qu’elle a offerts depuis l’aube de son histoire. Mais en tant que bon hôpital, l’Église doit aussi remplir d’autres tâches. Elle a un rôle de diagnostic à jouer (en identifiant les « signes des temps »), un rôle de prévention (en créant un « système immunitaire » dans une société où sévissent les virus malins de la peur, de la haine, du populisme et du nationalisme) et un rôle de convalescence (en surmontant les traumatismes du passé par le pardon).

« …et si les églises vides un peu partout dans le monde au moment de Pâques 2020 étaient un signe de ce qui se produira si nous ne parvenons pas à changer radicalement le visage du christianisme ? Il nous faut aller plus loin, plus profond que l'offre des substituts télévisés qui sont proposés. »

« « Ne cherchons pas le Vivant parmi les morts. »

(C'est de la République tchèque que nous arrive cette profonde réflexion : Tomás Halik, son auteur (né en 1948), est professeur de sociologie à l’Université Charles de Prague, président de l’Académie Chrétienne Tchèque et aumônier de l’université. Pendant le régime communiste, il a été actif dans « l’Église clandestine ». Il est lauréat du Prix Templeton et docteur honoris causa de l’Université d’Oxford.)

( Vous pouvez lire son article complet en Annexe 1 )

Conclusion

Écrire donne une grande liberté d’expression. Cet exercice m’a permis de donner mon opinion, mais en même temps je suis conscient de mes propres limites et des erreurs que j’ai sans doute commises au regard d’éminents exégètes, théologiens, erreurs dues essentiellement à un manque de recherches plus approfondies sur tel ou tel point. En fait, il s’agit pour moi d’avoir eu le culot de dire ce que je pense…

C’est dans cet état d’esprit que j’ai pu avoir l’audace de critiquer certains comportements de l’Église alors que moi-même je suis membre de cette Eglise. Mais si je l’aime malgré tout, c’est parce qu’essentiellement elle est voulue par le Christ, qui vit en elle. S’il l’accepte malgré tout telle qu’elle est, Il n’est pas pour autant inactif, car il reste son guide « doux et humble de cœur ». Sa patience et son amour traverse le temps et son action est visible et efficace. Nous avons eu la chance d’en être témoin à travers le concile Vatican II où son esprit a soufflé si fort, qu’il a permis d’arriver à des conclusions qu’on croyait impossibles. On dit dans les milieux universitaires catholiques qu’il faut un siècle avant qu’elles soient réellement mises en œuvre ! Mais Dieu est patient et, pour Lui, « mille ans sont comme un jour ! » A ce jour, il ne s’est écoulé depuis son ouverture en 1962 qu’un peu plus d’un demi-siècle, donc disons qu’il faut nous armer de patience, de persévérance et surtout d’espérance pour que l’Église se transforme selon la volonté bienveillante de son « Guide ».

 Petit à petit, le Christianisme devenu idéologiste et arrogant en esprit va muer, se convertir en s'appuyant authentiquement sur la seule Parole qui procède de la Vie. ( Jn 1,1-4) . Nous ferons alors l'expérience extraordinaire qui mène à la joie en étant vraiment le « Peuple de Dieu », un peuple rayonnant de sa foi, uni dans sa diversité et attractif pour le monde. Nous aurons alors quitté notre volonté de puissance, qui veut imposer son interprétation de la vérité, au lieu d’être humblement à l’écoute des interprétations des vérités exprimées par les autres. Nous aurons alors compris que ce qui est premier dans notre attitude de chrétien c’est le respect de la conscience des autres et la richesse des échanges.

En conclusion je reprendrai la citation du cardinal Marty :

« « Nous voulons le passage d’une Église remise hier entre les mains des clercs, à une Église qui soit prise en charge par tous les membres du peuple de Dieu ; une Église toute entière ministérielle pour être toute entière missionnaire ». (cb3.p2)

(Cardinal Marty – conclusion de l’Assemblée plénière de l’épiscopat – Lourdes 1973)

Les auteurs des « cahiers bleus n° 3 après avoir cité le cardinal Marty ajoutent :

« On voit donc mieux l’enjeu : la fin du clergé, et le passage d’une Église reposant massivement sur le clergé à une Église en commune responsabilité, se prenant en charge et suscitant tous les ministères nécessaires pour assurer le service de l’Évangile, pour accomplir sa mission d’être le sacrement du royaume. » (cb3. p10)

Pour conclure je ferai appel à notre Pape, qui avec toute son autorité ecclésiale et spirituelle, ose dire au sujet du cléricalisme : « La révélation de terribles abus sexuels dans l’Église américaine, et précédemment au Chili et Australie, a conduit, le pape François à adresser, le 20 août, une lettre à l’ensemble des 1,3 milliard de catholiques du monde entier.

Il y désigne le cléricalisme comme le terreau des abus de toute sorte dans l’Église et invite chaque catholique à interroger ses pratiques, sans préjuger des conclusions de cet examen de conscience.

« C’est une réalité encore terriblement ancrée : les laïcs s’écrasent devant leurs curés, n’osent pas leur faire part frontalement d’éventuels désaccords », regrette Monique Hébrard, journaliste et auteur de l’ouvrage Prêtres, enquête sur le clergé d’aujourd’hui (1). Comment expliquer que nombre de fidèles demeurent réfractaires à exercer cette liberté, pourtant inscrite dans le code du droit canonique, de pouvoir exprimer leur opinion au sein de l’Église ? Peur d’entrer en conflit, sentiment de ne pas faire intellectuellement le poids…

                                                        *                   *                   *

Merci d’avoir eu la patience de me lire jusqu’au bout !

J’aimerais bien qu’en toute liberté et simplicité vous me fassiez part de vos réactions, de vos commentaires.

Merci à vous !

Références :

Vidéos :

 En guise de post-conclusion je vous invite à aller écouter les deux vidéo-conférences :

. celle du dominicain Dominique Colin, en cliquant sur le lien ci-après :

https://www.youtube.com/watch?v=ecekkwtozgi

Dominique Collin a aussi accompagné cette vidéo d’un livre dont le titre est : « Le christianisme n’existe pas encore ». édition Forum - salvator

Le titre provocateur de ce livre fait écho à une citation du philosophe Soren Kierkegaard (1813-1855). L’auteur la reprend à son compte pour expliquer que le christianisme historique et culturel est une sorte d’illusion qui permet aux chrétiens d’éviter de se demander s’ils sont encore fidèles à l’Evangile.

. et celle d’Arnaud Join Lambert, professeur à l’université de Louvain

Vous avez sûrement déjà imaginé ce que sera demain notre l'Église. Dès aujourd'hui, elle se construit, parfois tout près de chez vous... Pour en savoir plus, écoutons Arnaud Join Lambert dont le métier est de s'informer des attentes spirituelles, et de rapporter les expériences qui germent, en France ou ailleurs. Il est théologien, professeur à l’université de Louvain et analyste reconnu de la mutation de l’Eglise. Il a, à ce titre, écrit plusieurs articles (en 2015, 2017 et 2019) dans la revue Études sur le concept « d’église liquide », ce terme un peu bizarre que l’on pourrait définir comme l’église hors institution dans laquelle des catholiques prennent des initiatives.

 Cette vidéo est accessible via le lien

https://www.youtube.com/watch?v=3GLvYT0y6d8

Abréviations

. cb, p = cahiers bleus et n° de page

(

Citations Nouveau et Ancien testament :

. Jn : Jean ( exemple de traduction : Jn 1,1-4 ( traduire : Evangile selon St Jean,    chapitre 1 versets : 1 à 4)

. Is 55,7-8: Isaïe chap 55 versets 7 à 8 : « mes pensées ne sont pas vos pensées… »

Bibliographie : (livres et revues)

Livres :

    • « Les cahiers bleus de la Tourette » – série bleue : édit. Allary
    • « Ce Dieu censé aimer la souffrance » - François Varone – édit. Du Cerf
    • « Une vie nouvelle »  de Davide Gréa - (prêtre destitué par le cardinal Barbarin) – édit. Les Arènes
    • « Le christianisme n’existe pas encore » - Dominique Collin, dominicain,

 édit. Forum – Salvator

    •  « Un moment de vérité » - de Véronique Margron - édit. Albin Michel
    • « La TOB » (traduction œcuménique de la bible)
  • Journal : le Progrès – Lyon – 16 Juin- 2020-cf. Annexe 3 – Anne SOUPA : candidate à la succession du cardinal Barbarin – Lyon

Annexes :

Annexe 1 - « le christianisme à l’heure de la maladie » de Tomas Halik

Annexe 2 – « Devenir humain » d’Yves Burdelot

Annexe 3 – « Anne Soupa – candidate à la succession du cardinal Barbarin » Le Progrès - Lyon

Annexe 4 – « Mettre les prêtres à leur juste place » La Croix - 29/08/2018

Annexe 1

Le Christianisme à l’heure de la Maladie – (La Croix L’Hebdo 29 Mai 2020)  - Tomas Halík

C'est de la République tchèque que nous arrive cette profonde réflexion : Tomás Halik, son auteur (né en 1948), est professeur de sociologie à l’Université Charles de Prague, président de l’Académie Chrétienne Tchèque et aumônier de l’université. Pendant le régime communiste, il a été actif dans « l’Église clandestine ». Il est lauréat du Prix Templeton et docteur honoris causa de l’Université d’Oxford.

« Ne cherchons pas le Vivant parmi les morts » :

…et si les églises vides un peu partout dans le monde au moment de Pâques 2020 étaient un signe de ce qui se produira si nous ne parvenons pas à changer radicalement le visage du christianisme ? Il nous faut aller plus loin, plus profond que l'offre des substituts télévisés qui sont proposés. »

« Notre monde est malade. Je ne fais pas seulement référence à la pandémie du coronavirus, mais à l’état de notre civilisation, tel qu’il se révèle dans ce phénomène mondial. En termes bibliques : c’est un signe des temps.

Au début de ce temps de Carême inhabituel, nombre d’entre nous pensaient que cette épidémie allait provoquer une panne généralisée de courte durée, une rupture dans le fonctionnement habituel de la société, que nous allions surmonter d’une manière ou d’une autre, et que bientôt tout rentrerait dans l’ordre comme cela était auparavant. Ce ne sera pas le cas. Et cela ne se passerait pas bien si nous essayions. Après cette expérience globale, le monde ne sera plus le même qu’avant, et il ne devrait probablement plus l’être.

Lors de grandes calamités, il est naturel de se préoccuper d’abord des besoins matériels pour survivre ; mais « on ne vit pas que de pain ». Le temps est venu d’examiner les implications plus profondes de ce coup porté à la sécurité de notre monde. L’inévitable processus de la mondialisation semblerait avoir atteint son apogée : la vulnérabilité générale d’un monde global saute maintenant aux yeux. »

L’Église comme hôpital de campagne

« Quel genre de défi cette situation représente-t-elle pour le christianisme et pour l’Église – un des premiers « acteurs mondiaux » – et pour la théologie ?

L’Église devrait être un « hôpital de campagne », comme le pape François le propose. Par cette métaphore, le pape veut dire que l’Église ne doit pas rester dans un splendide isolement loin du monde, mais doit se libérer de ses frontières et apporter de l’aide là où les gens sont physiquement, mentalement, socialement et spirituellement affligés. Oui, c’est comme cela que l’Église peut se repentir des blessures infligées tout récemment par ses représentants aux plus faibles. Mais essayons de réfléchir plus profondément à cette métaphore, et de la mettre en pratique.

Si l’Église doit être un « hôpital », elle doit bien sûr offrir les services sanitaires, sociaux et caritatifs qu’elle a offerts depuis l’aube de son histoire. Mais en tant que bon hôpital, l’Église doit aussi remplir d’autres tâches. Elle a un rôle de diagnostic à jouer (en identifiant les « signes des temps »), un rôle de prévention (en créant un « système immunitaire » dans une société où sévissent les virus malins de la peur, de la haine, du populisme et du nationalisme) et un rôle de convalescence (en surmontant les traumatismes du passé par le pardon). »

Les églises vides : un signe et un défi

« L’an dernier, juste avant Pâques, la cathédrale Notre-Dame de Paris a brûlé ; cette année, pendant le Carême, il n’y a pas de services religieux dans des centaines de milliers d’églises sur plusieurs continents, ni dans les synagogues et les mosquées. En tant que prêtre et théologien, je réfléchis à ces églises vides ou fermées comme un signe et un défi de Dieu.

Comprendre le langage de Dieu dans les événements de notre monde exige l’art du discernement spirituel, qui à son tour appelle un détachement contemplatif de nos émotions exacerbées et de nos préjugés, ainsi que des projections de nos peurs et de nos désirs. Dans les moments de désastre, les « agents dormants d’un Dieu méchant et vengeur » répandent la peur et en font un capital religieux pour eux-mêmes. Leur vision de Dieu a apporté de l’eau au moulin de l’athéisme pendant des siècles.

En temps de catastrophes, je ne vois pas Dieu comme un metteur en scène de mauvaise humeur, assis confortablement dans les coulisses des événements de notre monde, mais je le vois plutôt comme une source de force, opérant chez ceux qui font montre de solidarité et d’amour désintéressé dans de telles situations – oui, y compris ceux qui n’ont pas de « motivation religieuse » pour leur action. Dieu est amour humble et discret.

Mais je ne peux m’empêcher de me demander si le temps des églises vides et fermées n’est pas une sorte de vision nous mettant en garde sur ce qui pourrait se passer dans un avenir assez proche : c’est à cela que pourrait ressembler dans quelques années une grande partie de notre monde. N’avons-nous pas déjà été avertis par ce qui se passe dans de nombreux pays où de plus en plus d’églises, de monastères et de séminaires se vident et ferment leur porte ? Pourquoi avons-nous pendant si longtemps attribué cette évolution à des influences externes (« le tsunami séculier ») au lieu de comprendre qu’un autre chapitre de l’histoire du christianisme arrive à son terme et qu’il est temps de se préparer pour un nouveau ?

Cette époque de vide dans les bâtiments d’église révèle symboliquement peut-être la vacuité cachée des Églises et leur avenir probable, à moins qu’elles ne fassent un sérieux effort pour montrer au monde un visage du christianisme totalement différent. Nous avons beaucoup trop cherché à convertir le « monde » (« le reste »), et beaucoup moins à nous convertir nous-mêmes – pas une simple « amélioration », mais un changement radical de l’« être chrétien » statique en un « chrétien-en-devenir » dynamique.

Quand l’Église médiévale a fait un usage excessif des interdits comme sanction et que ces « grèves générales » de toute la machine ecclésiastique signifiaient que les services religieux n’avaient plus lieu et que les sacrements n’étaient plus administrés, les gens ont commencé à rechercher de plus en plus une relation personnelle avec Dieu, une « foi nue ». Les fraternités laïques et le mysticisme se sont multipliés. Cet essor du mysticisme a sans aucun doute contribué à ouvrir la voie à la Réforme – non seulement celle de Luther et de Calvin mais aussi la réforme catholique liée aux Jésuites et au mysticisme espagnol. Peut-être que la découverte de la contemplation pourrait aider à compléter la « voie synodale » vers un nouveau concile réformateur.

Un appel à la réforme

Nous devrions peut-être accepter l’actuel sevrage des services religieux et du fonctionnement de l’Église comme un kairos, une opportunité pour nous arrêter et nous engager dans une réflexion approfondie devant Dieu et avec Dieu. Je suis convaincu que le temps est venu de réfléchir à la manière de poursuivre le mouvement de réforme que le pape François dit être nécessaire : non des tentatives de retour à un monde qui n’existe plus, ni un recours à de simples réformes structurelles externes, mais plutôt un changement vers le cœur de l’Évangile, « un voyage dans les profondeurs ».

Je ne vois pas en quoi une solution succincte sous forme de substituts artificiels, comme la télédiffusion de messes, serait une bonne solution à l’heure où le culte public est interdit. Le passage à la « piété virtuelle », à la « communion à distance » et à la génuflexion devant un écran de télévision est vraiment quelque chose de bizarre. Nous devrions peut-être plutôt tester la vérité des paroles de Jésus : « là où deux trois personnes sont réunies en mon nom, je suis avec elles. »

Pensions-nous vraiment répondre au manque de prêtres en Europe en important des « pièces de rechange » pour la machinerie de l’Église à partir d’entrepôts apparemment sans fond en Pologne, en Asie et en Afrique ? Nous devons bien sûr prendre au sérieux les propositions du synode sur l’Amazonie, mais nous devons simultanément accorder plus de place au ministère des laïcs dans l’Église ; n’oublions pas que, dans de nombreux territoires, l’Église a survécu sans clergé pendant des siècles entiers. Peut-être que cet « état d’urgence » est un révélateur du nouveau visage de l’Église, dont il existe un précédent historique. Je suis persuadé que nos communautés chrétiennes, nos paroisses, nos congrégations, nos mouvements d’église et nos communautés monastiques devraient chercher à se rapprocher de l’idéal qui a donné naissance aux universités européennes : une communauté d’élèves et de professeurs, une école de sagesse, où la vérité est recherchée à travers le libre débat et aussi la profonde contemplation. De tels îlots de spiritualité et de dialogue pourraient être la source d’une force de guérison pour un monde malade. La veille de l’élection papale, le cardinal Bergoglio a cité un passage de l’Apocalypse dans lequel Jésus se tient devant la porte et frappe. Il a ajouté : Aujourd’hui le Christ frappe de l’intérieur de l’Église et veut sortir. Peut-être est-ce ce qu’il vient de faire.

Où est la Galilée d’aujourd’hui ?

Depuis des années, je réfléchis au texte bien connu de Friedrich Nietzsche sur le « fou » (le fou qui est le seul à pouvoir dire la vérité) proclamant « la mort de Dieu ». Ce chapitre s’achève par le fait que le fou va à l’église pour chanter « requiem aeternam deo » et demande : « Après tout, que sont vraiment ces églises sinon les tombeaux et les sépulcres de Dieu ? » Je dois bien admettre que pendant longtemps plusieurs aspects de l’Église me paraissaient de froids et opulents sépulcres d’un dieu mort.

Il semble que de beaucoup de nos églises seront vides à Pâques cette année. Nous lirons ailleurs les passages de l’évangile sur le tombeau vide. Si le vide des églises évoque le tombeau vide, n’ignorons pas la voix d’en-haut : « Il n’est pas ici. Il est ressuscité. Il vous précède en Galilée. »

Une question pour stimuler notre méditation pendant cette Pâques étrange : Où se trouve la Galilée d’aujourd’hui, où nous pouvons rencontrer le Christ vivant ?

Les recherches sociologiques indiquent que dans le monde le nombre de « résidents » (à la fois ceux qui s’identifient totalement avec la forme traditionnelle de la religion et ceux qui affirment un athéisme dogmatique) diminue alors que le nombre de « chercheurs » augmente. En outre, il y a bien sûr un nombre croissant « d’apathéistes », des gens qui se moquent des questions de religion ou de la réponse traditionnelle qu’on leur donne.

La principale ligne de démarcation n’est plus entre ceux qui se considèrent croyants et ceux qui se disent non-croyants. Il existe des « chercheurs » parmi les croyants (ceux pour qui la foi n’est pas un « héritage » mais un « chemin »), comme parmi les « non-croyants » qui, tout en rejetant les principes religieux proposées par leur entourage, ont cependant un désir ardent de quelque chose pour satisfaire leur soif de sens.

Je suis convaincu que « la Galilée d’aujourd’hui », où nous devons rechercher Dieu, qui a survécu à la mort, c’est le monde des « chercheurs ».

À la recherche du Christ parmi les chercheurs

La Théologie de la Libération nous a enseigné à chercher le Christ parmi ceux qui sont en marge de la société. Mais il est aussi nécessaire de le chercher chez les personnes marginalisées au sein de l’Église, parmi ceux « qui ne nous suivent pas ». Si nous voulons nous connecter avec eux comme disciples de Jésus, nous allons devoir abandonner beaucoup de choses.

Il nous faut abandonner bon nombre de nos anciennes notions sur le Christ. Le Ressuscité est radicalement transformé par l’expérience de la mort. Comme nous le lisons dans les Évangiles, même ses proches et ses amis ne l’ont pas reconnu. Comme l’apôtre Thomas, nous n’avons pas à prendre pour argent comptant les nouvelles qui nous entourent. Nous pouvons persister à vouloir toucher ses plaies. En outre, où serons-nous sûrs de les rencontrer sinon dans les blessures du monde et les blessures de l’Église, dans les blessures du corps qu’il a pris sur lui ?

Nous devons abandonner nos objectifs de prosélytisme. Nous n’entrons pas dans le monde des chercheurs pour les « convertir » le plus vite possible et les enfermer dans les limites institutionnelles et mentales existantes de nos Églises. Jésus, lui non plus, n’a pas essayé de ramener ces « brebis égarées de la maison d’Israël » dans les structures du judaïsme de son époque. Il savait que le vin nouveau doit être versé dans des outres nouvelles.

Nous voulons prendre des choses nouvelles et anciennes dans le trésor de la tradition qui nous a été confié et les faire participer à un dialogue avec les chercheurs, un dialogue dans lequel nous pouvons et devons apprendre les uns des autres. Nous devons apprendre à élargir considérablement les limites de notre compréhension de l’Église. Il ne nous suffit plus d’ouvrir magnanimement une « cour des gentils ». Le Seigneur a déjà frappé « de l’intérieur » et est sorti – et il nous appartient de le chercher et de le suivre. Le Christ a franchi la porte que nous avions verrouillée par peur des autres. Il a franchi le mur dont nous nous sommes entourés. Il a ouvert un espace dont l’ampleur et l’étendue nous donne le tournis.

Au seuil même de son histoire, l’Église primitive des Juifs et des païens a vécu la destruction du temple dans lequel Jésus priait et enseignait à ses disciples. Les Juifs de cette époque ont trouvé une solution courageuse et créative : ils ont remplacé l’autel du temple démoli par la table familiale juive et la pratique du sacrifice par celle de la prière privée et communautaire. Ils ont remplacé les holocaustes et les sacrifices de sang par le « sacrifice des lèvres » : réflexion, louange et étude des Écritures. À peu près à la même époque, le christianisme primitif, banni des synagogues, a cherché une nouvelle identité propre. Sur les décombres des traditions, les Juifs et les Chrétiens apprirent à lire la Loi et les prophètes à partir de zéro et à les interpréter à nouveau. Ne sommes-nous pas dans une situation similaire de nos jours ?

Dieu en toutes choses

Quand Rome est tombée au début du Ve siècle, il y a eu une explication instantanée de plusieurs côtés : les païens y ont vu un châtiment des dieux à cause de l’adoption du christianisme, tandis que les chrétiens y ont vu une punition de Dieu adressée à Rome, qui avait continué à être la prostituée de Babylone. Saint Augustin a rejeté ces deux explications : à cette époque charnière il a développé sa théologie du combat séculaire entre deux « villes » adverses, non pas entre les chrétiens et les païens, mais entre deux « amours » habitant le cœur de l’homme : - l’amour de soi, fermé à la transcendance (amor sui usque ad contemptum Deum)

  •        - et l’amour qui se donne et trouve ainsi Dieu (amor Dei usque ad contemptum sui).

La période actuelle de changement de civilisation n’appelle-t-elle pas une nouvelle théologie d’histoire contemporaine et une nouvelle compréhension de l’Église ?

« Nous savons où est l’Église, mais nous ne savons pas où elle n’est pas » nous a enseigné le théologien orthodoxe Evdokimov. Peut-être ce que le dernier concile a dit sur la catholicité et l’œcuménisme doit-il acquérir un contenu plus profond ? Le moment est venu d’élargir et d’approfondir l’œcuménisme, d’avoir une « recherche de Dieu en toutes choses » plus audacieuse.

Nous pouvons, bien sûr, accepter ce Carême aux églises vides et silencieuses comme une simple mesure temporaire brève et bientôt oubliée. Mais nous pouvons aussi l’accueillir comme un « kairos », un moment opportun « pour aller en eau plus profonde » et rechercher une nouvelle identité pour le christianisme dans un monde qui se transforme radicalement sous nos yeux. La pandémie actuelle n’est certainement pas la seule menace globale à laquelle notre monde va être confronté aujourd’hui et dans le futur.

Accueillons le temps pascal qui arrive comme un défi pour rechercher à nouveau le Christ. Ne cherchons pas le Vivant parmi les morts. Cherchons-le avec audace et ténacité, et ne soyons pas surpris s’il nous apparaît comme un étranger. Nous le reconnaîtrons à ses plaies, à sa voix quand il nous parle dans l’intime, à l’Esprit qui apporte la paix et bannit la peur.

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Annexe 2

Devenir humain (Yves Burdelat) Edit. du Cerf. Paris - 2002

« La proposition chrétienne d’aujourd’hui »

L’Eglise est la communion de tous ceux, ni meilleurs ni pires, dont le regard est réglé sur une autre distance, qui ont l’air de désigner un territoire humain, où la nuit est un peu moins dense et qui donnent envie de croire que c’est de ce côté-là que l’aube poindra ».

                                                                                                                      Jean SULIVAN

La foi chrétienne est un appel : « Eveille-toi, ô toi qui dors. Lève-toi d’entre les morts et le Christ t’illuminera (1) ! ».

St Paul le dit très justement : « C’est pour que nous soyons vraiment libres que le Christ nous a libérés (2) ».

Une aventure toujours singulière.

         S’engager ainsi dans la recherche du divin, c’est voir se creuser sa propre singularité. D’une certaine façon, et à un certain niveau du moins, la foi personnelle en Dieu isole chacun dans une dignité inconnue jusqu’alors. Il faut assumer une relation unique et semblable à nulle autre ; relation qui est créatrice de moi-même en tant que personne. Qui fait de moi un être distinct de tout autre à travers l’immensité des temps et des espaces. Un être objet d’un amour particulier et spécifique de la part de la Source d’amour que nous nommons « Dieu ». Imaginer cet amour tout à fait privilégié et le ramener au point minuscule que nous sommes dans l’univers donne le vertige. On peut comprendre alors ce mot superbe du cardinal Newman : « Il n’y a pour moi que deux êtres qui comptent au monde : moi-même et mon Créateur (3) ». Un propos qui se tiens loin de tout égoïsme car il ne se situe pas dans le registre moral.  Le moi dont il s’agit tient par toute ses fibres aux autres avec lesquels il est lié. Mais des autres qui, comme moi, sont d’une valeur inestimable, puisque chacun est l’objet d’un amour unique, la relation à son créateur. Le reconnaître nous fait dépasser le simple lien social. On entre en alliance. L’échange mutuel et volontaire qu’elle ouvre est nécessaire à chacun pour reconnaître et accepter sa singularité. Il nous renvoie, par-là, l’un et l’autre au mystère de notre irréductible différence. L’amour devient possible. Tel que le décrivait Rainer Maria Rilke (4) : « Deux solitudes s’inclinant l’une vers l’autre ». De tels rapports humains sont le plus proche symbole que nous puissions rencontrer de notre rapport à « Dieu ».

Solitude magnifique de l’être humain face à son « Dieu ». L’aventure de la foi s’inscrit là. Et elle ne peut plus que creuser indéfiniment les « pourquoi ?  Pourquoi suis-je vivant ? Pourquoi les autres ? Pourquoi toi, pourquoi moi ? Pourquoi le Mal ?...et ta mort ?...et la mienne ? Et pourquoi cet amour qui nous donne la vie, le mouvement et l’être (5) » et que rien ne justifie ? Et en définitive pourquoi l’amour ?

Il n’y a plus de réponses toutes faites. Le questionnement rebondit sans cesse en même temps que s’active l’urgence de vivre pour que la vie du proche soit moins insensée. Sans qu’il s’agisse d’une division intérieure, l’homme de foi vit une étrange situation ; paradoxalement l’acceptation qu’il existe un sens fondamental et personnel à l’existence – car c’est cela que croit la foi – va de pair avec l’impression que le sens parait s’éloigner. On est alors renvoyé à écrire sa vie avec ces miettes de sens que sont les tâches quotidiennes, espérant qu’au travers ces balbutiements l’histoire qu’elles écrivent prend sens dans l’Eternel.

La vie de foi ne saurait échapper à ce combat (6). Il traduit sans doute l’aventure de cette relation d’amour entre « Dieu » et l’homme. Comme toute quête amoureuse, il est tension permanente entre la séduction qui fait se soumettre et la liberté qui se sauvegarde. Dans cet affrontement singulier, nul ne peut s’interposer, ni un maître de morale, ni une institution, si fraternelle soit-elle. Ils ont pu nous mener jusqu’au seuil ; mais la lutte entre la nécessité d’accepter ce qui est, et le refus de se soumettre à son non-sens, la bataille de la foi donc, c’est notre affaire : « L’Eglise au mieux, nous suivra du regard, écrit Bernard Feillet. L’insoumission, après avoir remercié pour les services rendus, nous mettra à distance : sur mon espérance, vous ne pouvez parler à ma place. C’est de moi qu’il s’agit, c’est de mon cœur, de mon corps, de ma solitude, de mon acte d’amour, de mes balbutiements d’amour. De cela je ne peux parler qu’à celui qui ne me juge pas, qui ne sait pas à ma place ce que je dois vivre, qui est prêt, aussi, à me recevoir comme une révélation du sens, tel que moi je tente de le livrer, en le trahissant (6) ».

L’Eglise est indispensable pour le témoignage vécu et l’Evangile à porter. Elle demeure néanmoins de l’ordre des moyens. « La religion est une propédeutique », aime dire un ami. La vie de foi, elle, est le partenariat que vit tout être humain avec la source de l’être. Mieux, avec la source qui le rend capable d’aimer. Avec « Dieu » dit le croyant. Avec le « Dieu » étrange dont l’identité se laisse voir au filigrane de l’existence de Jésus, dit le chrétien. Et il pense que, de le connaître, la vie de foi s’approfondit encore puisqu’elle apprend, qu’elle rencontre Celui qu’elle cherche dans le visage du prochain anonyme et démuni, mais unique. Comme moi-même.

  1. – Ep 5,14 ; 2) - Ga 5,1 ; 3) – Henri Bremond, Newman. Essai de biographie psychologique _ Paris, Bloud et Gay, 1906, p.21 ; 4)Rainer Maria Rilke, Lettres à un jeune poète, Paris, NRF-Gal, limard, 1999, p. 97. ; 5)  Ac 17,28 ; 6) On pense ici au combat de Jacob avec l’ange, tel que le raconte Gn 32,23-33. ; 6) Bernard Feillet dans Chronique de Boquen, n°53

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Annexe 3 – Anne SOUPA : candidate à la succession du cardinal Barbarin – Lyon

    (article du journal « Le Progrès – de Lyon)

« L’archevêque est généralement un homme âgé, célibataire, vêtu de noir. Anne Soupa est… d’abord une femme. Elle est mariée, a quatre enfants, huit petits-enfants. Anne Soupa peut-elle porter la croix pectorale et le pallium (collier de tissu) ? Peut-elle enfiler le costume ecclésiastique ? Difficile de le concevoir tant la perception de l’Église est à l’opposé. C’est cette image qu’elle souhaite briser. Fringante, avec sa silhouette fine, elle veut pousser la lourde porte de l’Église, y faire entrer un peu plus les femmes. « Elles représentent la dernière chance de salut pour l’Église. » Elle veut bousculer un ordre établi depuis des centaines d’années, poser le pied sur la fourmilière, faire tomber les barrières.

 Succéder au cardinal Barbarin ? Alors, cette Parisienne âgée de 73 ans, résidente secondaire à Vallouise Pelvoux (Hautes-Alpes) depuis 45 ans, a déposé sa candidature auprès du Nonce apostolique, l’ambassadeur du Saint-Siège à Paris. Le poste concerne l’archevêché de Lyon et la succession du cardinal Barbarin, l’archevêque démissionnaire.

 Le curriculum vitae est plutôt fourni : études de politique et de droit à Paris, études de théologie à Lyon ; banquière, journaliste dans la presse catholique (Le Monde de la bible) ainsi que dans un journal pour enfants (Grain de soleil). Elle oeuvre pour l’Église depuis plusieurs années, a créé l’association (avec Christine Pedotti) « Le comité de la jupe », quelle préside. Celle-ci promeut la place des femmes dans l’Église catholique.

 Anne Soupa habite Paris depuis une vingtaine d’années. Elle a également vécu à Lyon, Milan… « Je suis originaire d’une famille catholique très ouverte et tolérante. À 20 ans, la religion ne m’intéressait pas. Lorsque j’ai eu mon premier enfant, la question s’est alors posée : doit-il faire du catéchisme ? Je me suis rendue compte qu’il était important de donner du sens à sa vie, que la religion avait sa place. » À partir de ce moment-là, Anne Soupa a suivi des études religieuses : « Je voulais comprendre quelle était l’histoire du catholicisme. Ce qui m’a le plus plu, c’est la Bible. Elle ne fait pas la morale. C’est un livre qui ne nous met pas dans un moule, et vous laisse libre. ». Faire bouger les consciences Six ans d’études de théologie, « c’est un long parcours », souffle Anne Soupa. Elle s’est intéressée aux femmes dans l’histoire du christianisme, en a produit un mémoire de maîtrise. Angèle de Foligno, une religieuse franciscaine italienne, en fut l’objet. Une autre femme mère de famille. « C’est très rare dans l’Église, soupire-t-elle. Et c’est tout à fait regrettable.

 En rendant les femmes invisibles, l’Église agit contre la volonté du fondateur. Cela me choque. En 1 000 -1 100, il y a eu une réforme grégorienne, un tournant dans l’histoire. On a décidé que tous ceux qui auraient des responsabilités dans l’Église seraient des prêtres. Cela répondait aux besoins du temps. Le problème, ce n’est pas d’édicter une règle, c’est de la garder 1 000 ans après. » Anne Soupa continue de se battre, appuyée par des hommes et des femmes qui soutiennent ses idées.

« La crise des abus dans l’Église est loin d’être finie. Il y a encore des affaires en sommeil, parce que l’entre soi des prêtres favorise la dissimulation. Un nouvel évêque va être nommé à Lyon, ça m’a donné un grand sentiment de lassitude. Je me suis dit, “on va continuer comme avant”. Mais une autre Église est possible. Dans la société, les luttes contre les inégalités avancent, mais l’Église, c’est la dernière forteresse du machisme patriarcal, c’est la maison de la Belle au bois dormant, qui ne bouge pas. » Anne Soupa a alors suivi la proposition lancée par son fils : « Il m’a dit “Mais maman, présente-toi”. Il faut oser se dire “Pourquoi pas ?” J’ai alors déposé ma candidature. Je ne m’attends pas à être nommée archevêque de Lyon, car c’est interdit. Mais je veux faire en sorte que les consciences s’habituent au fait qu’une femme peut être évêque. Il ne faut pas que cet acte soit un feu de paille. D’autres femmes doivent candidater pour devenir évêques, prêtres, diacres, ou nonces. Il faut déplacer ce poids très lourd de l’image qu’on se fait d’un évêque. »  (Audrey LUNGO – Journaliste au Progrès de Lyon.)

 Anne Soupa a lancé une pétition de soutien qui a recueilli 8 500 signatures : www. pour Anne soupa. fr « Je me suis dit “On va continuer comme avant” … » Voilà pourquoi Anne Soupa a fait acte de candidature à la succession de Philippe Barbarin. 

 « En rendant les femmes invisibles, l’Église agit contre la volonté du fondateur : L’Église, c’est la dernière forteresse du machisme patriarcal. » - Anne Soupa

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Annexe 4 –  ( « Mettre les prêtres à leur juste place ») - La Croix 29/08/2018

Concevoir la vie dans l’Église et particulièrement sa gouvernance.

C’est à un changement de culture qu’il faut désormais s’attaquer. La tâche, immense, peut paraître bien vague et risquer de se dérober sous le poids d’un système décourageant les réformes.

 C’est dans cet esprit que La Croix a conçu ce dossier.

1/Mettre les prêtres à leur juste place

En premier lieu, étymologiquement, le cléricalisme semble viser les prêtres. Le pape le définit comme une « manière déviante de concevoir l’autorité dans l’Église ». Elle concerne aussi bien le prêtre, dans la manière dont il se perçoit, que les laïcs, dans leur manière de se comporter avec lui... Lire larticle ici

2/ Mettre les laïcs à leur juste place

Des paroissiens présents depuis vingt ans dans les équipes d’animation pastorale dont ils empêchent le renouvellement, d’autres qui se posent en défenseurs d’un ordre établi sous prétexte qu’ils se sont vu confier une mission par le curé… Les exemples de cléricalisme laïc ne manquent pas... Lire larticle ici

3/ Rappeler l’égalité de tous devant le baptême

« L’appel à la plénitude de la vie chrétienne (…) s’adresse à tous ceux qui croient au Christ, quel que soit leur état ou leur rang », a affirmé le concile Vatican II (Lumen gentium V, 40). En ce sens, rappelle le théologien jésuite Christoph Theobald, enseignant au Centre Sèvres, « le baptême instaure un principe fondamental d’égalité entre tous les baptisés, et cela l’emporte sur tout le reste »... Lire larticle ici

4/ Assumer publiquement les fautes de l’Église

Tout catholique qui évoque publiquement les fautes de l’Église s’expose à deux types de réactions. Soit il se verra féliciter pour son courage et son souci de transparence, soit il se fera blâmer d’avoir « blessé » l’Église et alimenté les arguments de ses détracteurs. Y compris lorsqu’il s’agit de crimes.

Dans l’avion qui le ramenait d’Irlande, le pape n’a pas hésité à rappeler que le silence s’installait d’abord dans les familles concernées par les abus sexuels commis par des membres du clergé... 

5/ Utiliser sa liberté de parole

« C’est une réalité encore terriblement ancrée : les laïcs s’écrasent devant leurs curés, n’osent pas leur faire part frontalement d’éventuels désaccords », regrette Monique Hébrard, journaliste et auteur de l’ouvrage Prêtres, enquête sur le clergé d’aujourd’hui (1). Comment expliquer que nombre de fidèles demeurent réfractaires à exercer cette liberté, pourtant inscrite dans le code du droit canonique, de pouvoir exprimer leur opinion au sein de l’Église ? Peur d’entrer en conflit, sentiment de ne pas faire intellectuellement le poids… 

6/ Organiser des lieux de débat dans l’Église

Entre laïcs ou avec un prêtre, qui dit liberté de parole dit liberté d’exprimer des désaccords. Une liberté qui est même explicitée dans le code de droit canonique. Il y a quelques mois, La Croix s’était interrogée sur la possibilité de débattre dans l’Église (La Croix du 31 janvier). Et avait constaté l’absence d’une culture de débat entre catholiques, et l’inexistence de lieux dédiés à cet exercice... Lire larticle ici

7/ Gouverner les diocèses de manière plus collégiale

Le 17 octobre 2015, dans son discours au Synode des évêques, dans lequel il rappelait que la synodalité est une « dimension constitutive de l’Église », le pape François soulignait que son « premier niveau d’exercice (…) se réalise dans les Églises particulières », c’est-à-dire les diocèses où, justement, le gouvernement des évêques apparaît souvent très personnel... 

8/ Donner des responsabilités aux laïcs

Dans cette lutte contre le cléricalisme, les laïcs ont une place à prendre : aussi bien symboliquement, qu’en accédant à de hautes responsabilités. Mgr Jérôme Beau, évêque nommé de Bourges et président de la Commission épiscopale pour les ministres ordonnés et les laïcs en mission ecclésiale (Cemoleme) confirme qu’il va falloir rapidement se poser la question de « ce qui constitue la vocation du laïc »... Lire larticle ici

9/ Associer plus de femmes à la formation des prêtres

« La familiarisation avec la réalité féminine, si présente dans les paroisses et dans d’autres milieux ecclésiaux, s’avère essentielle pour la formation humaine et spirituelle des séminaristes et devra toujours être considérée positivement », peut-on lire dans la nouvelle « Ratio fundamentalis institutionis sacerdotalis » (2016) de la Congrégation pour le clergé.

Ces propos font suite aux recommandations du rapport final (2015) du Synode sur la famille, qui invitaient à « valoriser davantage » la participation féminine à la formation des futurs prêtres. C’est pourtant loin d’être le cas... 

10/ Placer des femmes à des fonctions dautorité

« Les femmes dans l’Église doivent être estimées à leur valeur et pas cléricalisées », affirmait le pape François dès décembre 2013, rejetant l’idée de cardinales. D’une certaine manière, cléricaliser les femmes reviendrait en effet à perpétuer le modèle clérical.

« Leur place dans l’Église, les femmes doivent l’avoir en tant que femmes », insiste l’historienne féministe Lucetta Scaraffia, responsable du supplément « Femmes Église Monde » de L’Osservatore romano qui dit ne pas croire aux femmes prêtres. Pas plus qu’aux diaconesses, sujet que le pape François a confié à une commission dont les travaux semblent perdus dans les sables de l’inertie vaticane.

Contre le cléricalisme, utiliser sa liberté de parole

La révélation de terribles abus sexuels dans l’Église américaine, et précédemment au Chili et Australie, a conduit, le pape François à adresser, le 20 août 2020, une lettre à l’ensemble des 1,3 milliard de catholiques du monde entier.

Il y désigne le cléricalisme comme le terreau des abus de toute sorte dans l’Église et invite chaque catholique à interroger ses pratiques, sans préjuger des conclusions de cet examen de conscience.

« C’est une réalité encore terriblement ancrée : les laïcs s’écrasent devant leurs curés, n’osent pas leur faire part frontalement d’éventuels désaccords », regrette Monique Hébrard, journaliste et auteur de l’ouvrage Prêtres, enquête sur le clergé d’aujourd’hui (1). Comment expliquer que nombre de fidèles demeurent réfractaires à exercer cette liberté, pourtant inscrite dans le code du droit canonique, de pouvoir exprimer leur opinion au sein de l’Église ? Peur d’entrer en conflit, sentiment de ne pas faire intellectuellement le poids…

« Cette liberté de parole des laïcs est tributaire de l’attitude du prêtre, s’il entretient une relation de mise à distance et non de mise au service du fait de sa consécration », soutient le père Christian Delorme, curé de l’ensemble paroissial Saint Côme Saint Damien, à Caluire dans la banlieue de Lyon.

(La Croix 29/08/2018 – article : « Mettre les prêtres à leur juste place »)

 

 

 

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Date de dernière mise à jour : 09/07/2021