IL EST TEMPS D'AGIR ! - Laurent Grzybowski - avril 2019

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Texte de Laurent Grzybowski sur sa page Facebook avril 2019

 IL EST TEMPS D'AGIR !
Suite à la condamnation et à la démission du cardinal Barbarin, archevêque de Lyon, et suite à toutes les affaires qui depuis des années ruinent la crédibilité de l’Eglise, blessent les croyants et sapent le moral des catholiques, il ne sert à rien de se lamenter. Il faut agir ! Ces scandales à répétition (et les nombreuses personnes qui en ont été victimes) nous rappellent qu’il est urgent de réformer l’institution et son fonctionnement. En effet, ce ne sont pas d’abord des hommes qui sont en cause, qu’ils soient laïcs, religieux, prêtres ou cardinaux. Ce qui est en cause, c’est un système clérical – régulièrement dénoncé par le pape François – qui repose sur l’omerta, la peur du scandale, les protections entres clercs et le sentiment d’impunité.
 

J’en sais quelque chose, pour avoir été le premier journaliste, en 2001, à dénoncer dans les colonnes de La Vie, les abus de faiblesse et autres dérives sectaires dans plusieurs communautés religieuses, notamment chez les Frères de Saint Jean. Cette enquête intitulée « Des gourous dans les couvents » avait secoué l’institution. Elle avait notamment permis la création par les évêques de la première commission d’écoute des victimes. Cela n’était jamais arrivé. Ce fut un premier pas.
 

Pourtant, vingt ans après, peu de choses ont changé. Il est temps d’agir ! L’histoire de l’Eglise, comme l’histoire de toutes les sociétés humaines, nous montre qu’une institution ne change vraiment que sous la contrainte. C’est donc le moment. Puisque nous entrons en Carême, période de pénitence et de conversion, j’attends de notre Église une demande de pardon publique, forte et réitérée, envers les victimes directes ou indirectes, tous les petits qu’elle a fait chuter. Et pour que cela ne se reproduise plus, voici une première liste de propositions concrètes. N’hésitez pas à l’allonger, à l’amender, à la compléter. Notre Eglise a besoin de nous, de chacun et chacune d'entre nous. Parlons, débattons et prenons ensuite les décisions qui s'imposent.
 

1. Que les cardinaux et les évêques fassent un jeûne de la parole publique (profitons du Carême) et cessent, au moins provisoirement, de prodiguer des leçons de morale. Et que ce discours, s’il doit avoir lieu, reste modeste. L’humilité est une belle vertu… surtout quand il s’agit de regarder la paille dans l’œil de son voisin, en oubliant la poutre qui est dans la sienne. Pendant ce Carême, l’Eglise pourrait organiser une journée de repentance, une demande de pardon à toutes ses victimes, qu’il s’agisse des enfants victimes de pédophiles ou des religieuses réduites par des prêtres à l’esclavage sexuel.
 

2. Que dans leur discours, le souffle de l’Evangile reprenne la première place et qu’on arrête de placer la morale familiale et sexuelle comme une priorité. La priorité, c’est le Christ et le chemin qu’il nous ouvre, pas les affaires de zizi. Cette obsession sur les mœurs et tous les discours d’idéalisation et de sublimation, notamment sur la sexualité, sont au cœur du problème. Blaise Pascal avait raison : « Qui veut faire l’ange fait la bête ». Il faudrait, par exemple, accepter une fois pour toute, qu’une partie du clergé est de tendance homosexuelle. Ce qui n’est pas un problème en soi. Le problème, c’est l’hypocrisie et le double-langage qui en découlent. Le mensonge enferme, la vérité rend libre.
 

3. Que le célibat des prêtres soit un choix personnel et ne soit plus quelque chose d’automatique et d’imposé. Ce qui ouvrirait la possibilité d’ordonner des hommes mariés, comme aux premiers temps de l’Eglise. Nous devrions renouer avec cette tradition oubliée. Et je pense que cela apporterait beaucoup d’air frais à notre Eglise. C’est aussi l’opinion de Pascal Wintzer, archevêque de Poitiers, qui, dans un entretien diffusé le le 8 mars 2019 sur RCF demande que des hommes mariés puissent être ordonnés prêtres et que des femmes puissent assurer la prédication.
 

4. Que les séminaires ne soient plus des pensionnats fermés pour jeunes adultes, mais soient des lieux ouverts. Ouverts sur la vie, ouverts sur la culture, ouverts sur la société. Que les futurs prêtres ne soient pas considérés comme des moines, coupés du monde. Que les enseignements ne soient pas que bibliques ou théologiques, mais accordent une large place aux sciences humaines.
 

5. Que les curés de paroisse ne concentrent pas tous les pouvoirs et que leur action soit « contrôlée » par une équipe de laïcs dûment mandatée par les paroissiens. Dans les synagogues comme dans les temples ou dans les mosquées, les rabbins, les pasteurs et les imams doivent sans cesse faire leurs preuves et sont révocables en cas de manquement ou d’incompétence. Cette procédure éviterait à certains curés de se comporter comme des petits roitelets en leur royaume. Comme l’affirme Pascal Wintzer, archevêque de Poitiers, « le prêtre n’est pas une personne sacrée », il est un pasteur, au service de la communion, dont le rôle est aussi d’encourager la prise de responsabilité des laïcs.
 

6. Que le pouvoir dans l’Eglise ne soit pas réservé aux religieux ou aux ministres ordonnés, mais qu’il soit partagé avec des laïcs, élus, volontaires ou mandatés. Que l’on retrouve les chemins de la collégialité et de la co-responsabilité de tous les baptisés, pour que l’Eglise soit vraiment l’affaire de tous. Et qu’on en finisse une fois pour toutes avec les « douanes pastorales » dénoncées à juste titre par le pape François.
 

7. Que les prêtres, les évêques et les laïcs en responsabilité puissent se former aux méthodes de management, comme cela se pratique déjà dans certains diocèses. Apprendre auprès de professionnels à mener une équipe, à gérer les conflits, à pratiquer un management marqué par l’écoute, le respect et la bienveillance. On peut être un saint prêtre et être incapable de manager une communauté. Gérer les ressources humaines, cela s’apprend. On pourrait imaginer des séances de coaching.
 

8. Que les laïcs, sans tomber dans le piège de certaines tentations cléricales, cessent de se taire ou de se laisser marcher sur les pieds. Un prêtre ou un évêque qui abuse de son autorité n’a que le pouvoir qu’on veut bien lui donner. Qu’on arrête d’ailleurs d’appeler nos évêques « Monseigneur ». Nous n’avons qu’un seul Seigneur et maître, c’est le Christ.
 

9. Que les laïcs cessent de sacraliser ou d’idéaliser les prêtres ou les religieux, comme ils le font parfois. Au risque d’en faire des gourous (et je sais de quoi je parle). La vocation sacerdotale ou religieuse n’est pas supérieure à la vocation baptismale. Elle n’en est qu’une expression parmi d’autres. Encore une fois, les prêtres et les évêques ne sont pas des personnes sacrées.
 

10. Que les femmes puissent accéder au diaconat permanent, comme cela est évoqué depuis des décennies. Et comme cela se pratiquait dans les premières communautés chrétiennes. Qu’elles puissent également, dès maintenant, assurer des homélies. Les ministres ordonnés ne peuvent prétendre au monopole de la prédication. Nous avons besoin d’une lecture féminine de la Parole de Dieu.
 

11. Ordonnées ou non, que les femmes puissent pleinement participer aux décisions dans l’Eglise et qu’elles aient la pleine responsabilité des services ou des ministères institués qu’elles exercent, sans avoir besoin d’en référer à un homme.
 

12. Que tous les catholiques (pape, évêques, prêtres, diacres, religieux et religieuses, laïcs) fassent passer l’Evangile avant tous les discours normatifs qui ne sont que secondaires. L’Evangile n’est pas un code de bonne conduite, mais le récit d’une vie donnée, celle du Christ mort et ressuscité. Le christianisme n’est pas un ordre moral, c’est une révolution spirituelle et fraternelle. Les prostituées nous précèdent dans le Royaume de Dieu.
 

13. Que nous apprenions à vivre, à croire et à célébrer ensemble, entre générations, entre milieux sociaux, entre origines ethniques, entre hommes et femmes, entre garçons et filles. Il faut notamment cesser cette forme d’apartheid de genre qui, dans certaines paroisses, notamment à Paris, consiste à laisser les filles au pied des marches du chœur pour que les garçons soient les seuls à s’approcher de l’autel. Cette ségrégation n’a aucun sens. Elle est peut-être bonne pour l’ordre moral, mais elle est contraire à l’esprit de l’Evangile. Et au bien de l’Eglise.
 

14. J’appelle enfin mon Eglise à ouvrir un nouveau concile pour prolonger Vatican II et aller encore plus loin dans les réformes. Un concile où le rôle du pape, comme serviteur de la communion, serait réaffirmé, tandis que l’institution pourrait s’engager dans un véritable processus de décentralisation. Il faut redonner de l’initiative aux Eglises locales, tant au plan national que continental. Des décisions prenant en compte les cultures et les mentalités de nos contemporains pourraient être prises en Europe sans que cela engage l’Afrique ou l’Asie, et réciproquement. Les conférences épiscopales devraient pouvoir retrouver une partie de leur autonomie. Notre Eglise doit devenir un peu plus catholique et un peu moins romaine. Ce concile serait aussi l’occasion d’ouvrir largement aux femmes l’institution et ses lieux de gouvernance. La moitié de l’humanité n’est pas représentée au Vatican.
 

15. Quoi qu’il arrive, aimons l’Eglise ! Aimons-là comme on aime quelqu’un à qui on ose tout dire. Aimons-là en faisant la part des choses entre ce qui relève de l’institution et ce qui relève de la vie du peuple de Dieu, de la vie de l’Esprit. Entre ce qui relève des normes édictées par des hommes et ce qui relève du Christ et de l’Evangile. Aimons-là avec notre cœur et notre intelligence, sans jamais renoncer à notre esprit critique. De manière lucide et distanciée. C’est ainsi, en tout cas, que je m’efforce de rester catholique, même si parfois la tentation est grande de claquer la porte comme tant d’autres de mes amis l’ont fait ces dernières années. Même si je le regrette, je ne peux que les comprendre… Mais oui, aimons-là.

 

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