L'infaillibilité du "sensus fidei"

 

Samedi 28 janvier

le pape François commente d'Evangile du jour, Chez Jean au chapitre 7, verset 53

« Le peuple fidèle de Dieu ne peut pas échouer: ils ont cette infallibilitas in credendo. Et pensons à l’élite qui se détache du peuple de Dieu, à ce cléricalisme », fait observer le pape François...Il est clair que le pape François accorde une grande confiance au Peuple de Dieu . Souvenez vous de la lettre qu'il nous a écrite le 20 aout de l'an dernier !

Voici le texte de son homélie dont la traduction nous est donné par le site Zenit.

 

Homélie du pape François

Et chacun est rentré chez lui « (Jean 7,53): après la discussion et tout cela, chacun est retourné à ses convictions. Il y a une fracture dans le peuple: les gens qui suivent Jésus l’écoutent – ils ne remarquent pas le long temps qui passe à l’écouter, car la Parole de Jésus entre dans leur cœur – et le groupe des docteurs de la Loi qui a priori refusent Jésus parce que, selon eux, il ne se comporte pas selon la Loi. Ce sont deux groupes de personnes. Le peuple qui aime Jésus, le suit, et le groupe des intellectuels de la Loi, les chefs d’Israël, les chefs du peuple.

On le voit clairement « quand les gardes sont revenus chez les chefs des prêtres ceux-ci dirent: « Pourquoi ne l’avez-vous pas amené ici? », les gardes ont répondu: « Jamais un homme n’a parlé comme cela. » Mais les pharisiens leur répondirent: « Vous vous êtes laissé tromper vous aussi? Est-ce que l’un des chefs des pharisiens a cru en lui? Mais ces gens qui ne connaissent pas la Loi sont maudits » (Jn 7,45-49).

Ce groupe des docteurs de la Loi, l’élite, ressent du mépris pour Jésus. Mais aussi du mépris pour le peuple, « ces gens », qui sont ignorants, qui ne savent rien. Le saint peuple fidèle de Dieu croit en Jésus, le suit et ce petit groupe d’élite, les docteurs de la Loi, se détache du peuple et n’accueille pas Jésus. Mais comment est-ce possible, s’ils étaient illustres, intelligents, avaient étudié? Mais ils avaient un gros défaut: ils avaient perdu la mémoire de leur appartenance à un peuple.

Le peuple de Dieu suit Jésus …, il ne sait pas expliquer pourquoi, mais il le suit et il arrive au cœur, et il ne s’en lasse pas. Pensons au jour de la multiplication des pains: ils ont passé toute la journée avec Jésus, au point que les apôtres ont dit à Jésus: « Renvoie-les, afin qu’ils s’en aillent acheter de la nourriture » (cf. Mc 6, 36). Les apôtres aussi prenaient leurs distances, n’avaient de considération pour le peuple, ne le méprisaient pas, mais n’avaient pas de considération pour lui: « Qu’ils aillent manger ». La réponse de Jésus: « Donnez-leur à manger » (CFR. Mc 6,37). Il les replace dans le peuple.

Cette fracture entre l’élite des chefs religieux et le peuple est un drame qui vient de loin. Pensons également dans l’Ancien Testament à l’attitude des fils d’Eli dans le Temple: ils utilisaient le peuple de Dieu; et si l’un d’eux un peu athée en venait à accomplir la Loi, ils disaient: « Ils sont superstitieux ». Le mépris du peuple. Le mépris des gens « qui ne sont pas aussi cultivés que nous qui avons étudié, qui savons … ». En revanche, le peuple de Dieu a une grande grâce: du flair. Le flair pour savoir où est l’Esprit. Il est pécheur, comme nous: c’est un pécheur. Mais il a ce flair pour connaître les chemins du salut.

Le problème avec les élites, avec des clercs de l’élite comme ceux-ci, c’est qu’ils avaient perdu la mémoire de leur appartenance au peuple de Dieu; ils se sont sophistiqués, ils sont passés à une autre classe sociale, ils se sentent des leaders. C’est du cléricalisme cela, qu’il y avait déjà là. « Mais comment se fait-il – je l’ai entendu ces jours-ci – comment se fait-il que ces religieuses, ces prêtres en bonne santé se rendent chez les pauvres pour leurs donner à manger et peuvent-ils contracter le coronavirus? Mais dites à la mère supérieure de ne pas laisser les religieuses sortir, dites à l’évêque de ne pas laisser sortir les prêtres! Ils sont là pour les sacrements! Mais pour nourrir, que le gouvernement pourvoie! » C’est de cela qu’il s’agit ces jours-ci: le même sujet. « Ce sont des gens de seconde classe: nous, nous sommes la classe dirigeante, nous ne devons pas nous salir les mains avec les pauvres ».

Si souvent, je pense: ce sont de bonnes personnes – des prêtres, des religieuses – qui n’ont pas le courage d’aller au service des pauvres. Il manque quelque chose. Ce qui manquait à ces gens, aux docteurs de la Loi. Ils ont perdu la mémoire, ils ont perdu ce que Jésus ressentait dans son cœur: qu’il faisait partie de son peuple. Ils ont perdu la mémoire de ce que Dieu a dit à David: « Je t’ai pris du troupeau. » Ils ont perdu la mémoire de leur appartenance au troupeau.

Et ceux-là, chacun, est rentré chez lui (cf. Jean 7,53). Une fracture. Nicodème, qui voyait quelque chose – c’était un homme inquiet, peut-être pas si courageux, trop diplomate, mais inquiet – est allé trouver Jésus ensuite, mais il était fidèle à ce qu’il pouvait; il cherche à faire une méditation et il s’appuie sur la Loi: « Notre Loi juge-t-elle un homme avant de l’avoir écouté et de savoir ce qu’il fait? » (Jn 7,51). Ils lui répondirent; mais ils ne lui répondirent pas à la question sur la Loi: « Es-tu toi aussi de Galilée? Etudie! Tu es un ignorant. Et tu verras qu’un prophète ne vient pas de Galilée » (Jn 7,52). Et ils ont donc mis fin à l’histoire.

Pensons aussi aujourd’hui à tant d’hommes et de femmes qualifiés au service de Dieu qui sont bons et vont au service du peuple; beaucoup de prêtres qui ne se détachent pas du peuple. Avant-hier, j’ai reçu une photographie d’un prêtre, curé de montagne, de nombreux petits villages, dans un endroit où il neige, et dans la neige, il a emmené l’ostensoir dans les petits villages pour donner la bénédiction. Peu lui importait la neige, il ne se souciait pas de la brûlure que le froid lui faisait ressentir à ses mains au contact du métal de l’ostensoir: il se souciait seulement d’apporter Jésus au peuple.

Pensons, chacun de nous, de quel côté nous sommes, si nous sommes au milieu, un peu indécis, si nous sommes avec le sentiment du peuple de Dieu, du peuple fidèle de Dieu qui ne peut pas échouer: ils ont cette infallibilitas in credendo. Et pensons à l’élite qui se détache du peuple de Dieu, à ce cléricalisme. Et peut-être que le conseil que Paul donne à son disciple, l’évêque, jeune évêque, Timothée, nous fera du bien à tous: « Souviens-toi de ta mère et de ta grand-mère » (Cf. 2 Tim. 1,5). Souviens-toi de ta maman et de ta grand-mère. Si Paul le lui conseillait, c’est parce qu’il connaissait bien le danger auquel conduisait ce sentiment d’élite dans notre leadership.

Copyright – Traduction de Zenit, Anita Bourdin