D’un laïc allemand

D’un laïc allemand

Comme vous l'avez sans doute appris, le processus du "Chemin synodal" de l'Église dans notre pays est toujours en cours.

En raison de la pandémie, il y a du retard, puisque certaines des réunions prévues ont dû être annulées ou réorganisées en réunions virtuelles. Pour l'instant, il est difficile de dire ou même de prédire quoi que ce soit quant aux résultats de ce processus, qui, selon son programme, durera au moins jusqu'à la fin de 2022. D'après les rapports intermédiaires sur les discussions en cours entre les délégués, nous avons l'impression que jusqu'à présent, les débats sont plutôt controversés, ce qui n'est pas vraiment surprenant étant donné les thèmes centraux du "Chemin synodal", à savoir :

                (1) le pouvoir dans l'Église,

                (2) la morale sexuelle,

                (3) la forme de vie des prêtres et

                (4) le rôle des femmes dans l'Église.

Selon mon point de vue (extérieur), on peut facilement imaginer combien il sera difficile, dans ces domaines thématiques très importants, d'arriver à des propositions, des suggestions, des solutions, des modèles qui soient "synodalement" partagés et donc largement acceptés par les membres du "Chemin synodal" - sans parler de la mesure dans laquelle les propositions seraient partagées par les paroissiens "non engagés", ou - encore plus incertain - accueillies par le Vatican.

Comme nous le savons parfaitement, les sujets mis à l'ordre du jour du « Chemin synodal » sont des thèmes qui n'ont pas été réellement, ouvertement et de manière transparente abordés dans notre Église - ni au niveau local, ni au niveau régional, ni au niveau universel - pendant une période beaucoup trop longue. À cet égard, la situation dans l'Église, dans les institutions de l'État, dans les sociétés et même dans les familles est en quelque sorte la même : si des sujets importants, des questions sérieuses, des problèmes évidents sont niés ou négligés et ne sont donc pas abordés pendant des années et des décennies (comme la moralité sexuelle chrétienne, les abus sexuels commis par des clercs et d'autres responsables de l'Église ou la participation et le leadership des femmes).

Nous devons donc attendre de voir comment les choses vont évoluer au cours des prochains mois du « Chemin synodal ». Nous essayons de rester optimistes malgré les difficultés évidentes mentionnées ci-dessus.

Une autre question, en fait étroitement liée au 'Chemin Synodal' en Allemagne, est la question toujours très pesante des abus sexuels dans notre Eglise. Comme vous le savez, c'est la question des abus et les problèmes pour gérer correctement ce désastre qui ont donné naissance au "Chemin synodal" en Allemagne.

Bien que, par rapport à d'autres secteurs touchés par les abus sexuels (comme l'école, le sport, les arts, l'industrie cinématographique et la vie familiale), les efforts au sein de l'Eglise (la reconnaissance des raisons systémiques des abus, la réconciliation avec les victimes, l'ouverture de procès contre les abuseurs, la prévention et la protection de l'enfance) soient considérés par les experts comme exemplaires, on ne peut que reconnaître qu'une partie de la hiérarchie (de l’Eglise universelle et de la Conférence épiscopale allemande) n'est pas encore prête, ne veut pas ou peut-être ne peut pas réaliser la dimension réelle des abus sexuel et spirituel au sein de l'Eglise. Par conséquent et sans aucun doute, certains évêques ne leur donnent pas la priorité qu'ils méritent.

Il est vrai que ce sont des sponsors allemands et des budgets diocésains, qui ont permis ces efforts. Il est vrai qu’un programme de formation en matière de sensibilisation et de prévention des abus, obligatoire pour tous les clercs et le personnel social et pastoral de l'Eglise a été mis en œuvre. Il est vrai que certains de nos diocèses ont ordonné des recherches indépendantes sur des cas précis d'abus et en ont publié les résultats sans épargner les évêques ou ni les responsables.

Néanmoins c’est un fait que le processus de traitement de cette question est trop lent. Les problèmes ont été divulgués pour la première fois aux États-Unis il y a 20 ans et la question a été rendue publique par un jésuite à Berlin en 2010.

On ne peut ignorer que les dommages causés sont énormes - principalement en ce qui concerne la perte de confiance générale, dans l'Église et ses services. Comme vous le savez un nombre important de fidèles quittent officiellement l’Église dans notre pays - cette année par milliers, en particulier dans l'archidiocèse de Cologne où la gestion des abus par l'archevêque actuel et une partie de la Curie doit simplement être qualifiée de honteuse.

Vous avez probablement entendu parler de l'offre de démission du cardinal Marx de son poste d'archevêque de l'archidiocèse de Munich, qui a été refusée quelques jours plus tard par le pape François. Dans les médias allemands, tant laïcs que religieux, le geste du cardinal et le refus du pape ont été largement commentés et sont controversés, allant d'un "témoignage fort et nécessaire" à "un pur spectacle". Peut-être cette réaction publique démontre-t-elle, dans une certaine mesure, l'irritation et le manque de confiance auxquels l'Église en tant qu'institution et de nombreux fidèles engagés, sont confrontés.

Enfin, il y a bien sûr beaucoup d'éléments positifs et encourageants qui sont présents dans la réalité actuelle de l'Eglise en Allemagne. La pastorale de la réconciliation avec les divorcés remariés, telle que proposée par Amoris Laetitia, est largement acceptée et a, dans une certaine mesure, été mise en pratique. Si les fidèles participent avec joie et gratitude à la liturgie et aux sacrements retrouvés après une longue période d’absence en raison de la pandémie, c’est un signe pour l'avenir de l'Eglise et de la vie chrétienne en Allemagne. Contrairement à l'image de l'Eglise présentée au grand public, on constate le dévouement continu de nombreux fidèles et du personnel de l'Eglise, dans les paroisses, les jardins d'enfants, les hôpitaux, les mouvements de jeunesse, etc. Cela donne, en un sens spirituel, beaucoup d'espoir et d'inspiration quant à l'émergence d'une Église nouvellement inspirée, en quelque sorte renouvelée, probablement plus réduite en nombre et en impact médiatique, mais proche des personnes, de leurs besoins et de leurs espoirs.

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